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Version audio : Rolex tower - Vladimir Kush (sur la musique de Roberto Fonseca :  Por Ti - Roberto Fonseca Trio - Frankfurt Radio Big Band)

 

 

C’est un gigantesque vaisseau de pierre aux fondations à dix mètres sous terre enterrées, mûrs couverts de clameurs qui montent jusques aux cieux. Des fenêtres multiples, des grilles plaquées aux soupiraux amènent jusqu’à nous des écharpes de jour ; des vagues de nuages pleins à craquer, comme s’ils retenaient leurs larmes, font onduler le paysage et viennent lécher le sommet de l’édifice qui vacille dans une bulle de tristesse. 

Au début, on ne voit rien ; puis, les contours des êtres qui peuplent cet espace faiblement émergent, lueurs incertaines, ombres changeantes, parfois illusoires. L’espace en masses indistinctes bientôt se fractionne. Enfin, les formes s’immobilisent et s’imposent… C’est une heure pastel. Parfois nous parviennent des sons, bourdonnements d’abord confus, semblables à quelques traces d’écumes. Il y a alors dans l’atmosphère cette vibration, qui, lentement, se met au diapason d’un alphabet de lumière rampante dont on ne perçoit que l’écume et qui peint les sons d’une nature différente.

Seuls, quelques ocelles de lumière éclairent les chaînes qui se lovent dans les gorges d’archaïques poulies auréolant la scène d’un caractère onirique. Inutiles, elles pendillent, cliquettent, se dandinent en exhalant des plaintes rouillées. Aucun d’entre nous n’en connaît l’utilité. 

Le dôme, d’un corps lourd embrassé par le temps, tourne ses pages de pierre ouvertes au couteau de nos mémoires. Un rêve dans le rêve, avec comme simple ligne d’horizon le tic tac, obsédant, de la Rolex qui l’enserre, brasse les heures, nous étreint et nous dit que l’on vit encore avec le vent pour seule couverture. Des escaliers, aéronefs de métal, partent du sol, tissent des entrelacs, s’élèvent aériens dans un jeu complexe de dérives, virent, se rejoignent, se divisent et s’entrecoupent pour n’aboutir à rien. Beaucoup s’y perdent ; les emprunter mène au néant. 

Ainsi, le présent semble figé et vibrant à la fois. On dit que sa parole monotone, sa psalmodie, est un requiem. Et la lumière en minces festons blêmes, les effritements du jour qui tombent des meurtrières étroites dans lesquelles la poussière en mouvement esquisse des ballets, touche des lambeaux de noirceur et de silence. 

En vérité, il s’agit bien là d’un enterrement ; celui du temps parti que les mots jamais ne reprendront, un adieu progressif aux stries de clarté qui coulent des soupiraux, accentué par une pénombre tiède et ambrée, une nuit qui soudain envahit nos regards, fluctuation de l’obscurité éclairant des travées d’outre-tombe d’un hypogée secret tutoyant les nuages. 

 

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Commentaires

olala
Rolex tower

Ah poésie quand tu nous tiens et nous émeus...

Superbe. Une plume inspirée pour une poésie folle et richissime. Généreuse en métaphores subtiles et brillantes dont le rythme et la musique nous emmènent loin, très loin au pays de... la magie desmots, des sons et couleurs.

Merci pour ce sublime moment de lecture. Quel dommage de nous en priver si souvent !

cfer
Une Rolex sinon rien!

C'est un puits sans fond, que dis-je une mine à ciel ouvert ce texte.

Que de pépites! Que d'idées de... génie! Inutile de s'amuser à les relever toutes, il suffit de les savourer les yeux fermés en se laissant porter par la musique. 

plume bernache
Bravo l'artiste !

 

Magnifique texte ! Criblé de pépites de poésie, métaphores, oxymores... et autres dont on n'a pas besoin de savoir le nom. Il suffit de savourer. Impossible de tout relever car tout est juste époustouflant.

Au hasard: "une heure pastel" "un alphabet de lumière rampante"

"Le dôme, d'un corps lourd embrassé par le temps tourne ses pages de pierre ouvertes au couteau de nos mémoires"

 

J'ai beaucoup aimé le passage des escaliers..."jeu de dérives pour n'aboutir à rien. Les emprunter mène au néant"

Et j'ai très bien entendu "les plaintes rouillées des chaînes qui se lovent dans les gorges d'archaîques poulies"

Ambiance…

 

Quant à l'audio, personne ne te croira plus lorsque tu dis que tu ne sais pas lire un texte poétique. Fonseca t'a bien aidé c'est vrai. angelTu t'es très bien lové dans sa musique.

 

 

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