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Moi c’est Jojo. Le baigneur celluloïd de 50 cm. Type européen. Yeux bleus bouche rose grand teint. Du moins c’est ce qui me définissait sur l’emballage lorsque j’ai atterri chez mon amie Lili, après transit dans la sacoche du facteur à vélo. Expéditeur : la marraine de la ville. Je n’en sais guère plus, mais à quoi bon ?

La fillette m’a accueilli avec frilosité. Elle n’osait pas me toucher. Peur de me casser peut-être. Je crois qu’elle n’avait jamais connu la matière « celluloïd ». Avouez que le mot peut paraître mystérieux. « Solide », oui elle connaissait. « C’est du solide » disait Papa quand il façonnait un nouveau manche pour un outil. Ou Maman lorsqu’elle achetait une nouvelle paire de sabots. « Ça fera de l’usage, ajoutait-elle ; c’est du solide, ô oui »

C’est donc Lili qui a choisi mon nom : Jojo. Et pour ne pas confondre avec son doudou perdu du même nom – car on ne remplace jamais un doudou – elle y a accolé « Cellulo ». Moi j’aime bien ce petit additif joyeux et ce rappel de ma constitution originelle.

Je ne suis pas de tissu reteint comme Tintin. Je n’attire pas forcément les câlins non plus. Trop froid, trop lisse, rigide, mouvements grinçants…

Moi, ma spécialité, c’est le bain ! Rappelez-vous ; sur l’emballage : « BAIGNEUR ». Bain tout seul ou avec Lili. J’adore l’eau, elle glisse voluptueusement sur ma peau celluloïd. Petites rigoles chatouilleuses.

Hélas, ça, c’était avant. Avant la visite médicale à l’école.

Ce soir-là Lili m’avait expliqué qu’il fallait vacciner les enfants – c’est ce qu’avait dit la doctoresse – pour qu’ils n’attrapent pas des maladies terribles. Comme la pauvre petite Tiennette qui marchait si mal et ne pouvait plus courir ni jouer à la galope. Et schlick ! Une aiguille dans mon omoplate. Pas rigolo du tout. « Mais tu sais mon Jojo, avait affirmé Lili en claquant un bisou sur mon front, c’est parce que je t’aime beaucoup, je veux pas que tu sois malade. » Pour faire bonne mesure, elle me fit trois piqûres en rafale. Sans compter les rappels. Sinon c’est comme si on n’avait rien fait… Mon corps criblé de trous. Et dans le celluloïd, un trou… ne se referme jamais.

Tintin, tu imagines ce qui se passe dans l’eau ? Et surtout à la sortie du bain. Mon dos est une vraie pomme d’arrosoir ! En plus, Lili ne rate pas une occasion de faire la démonstration à ses copines. Qui  rient comme des baleines. Quelle humiliation !

Vous, Tintin et Gonzo, Êtres de tissu qui ne se mouillent jamais, vous ne connaissez pas votre bonheur. Parole de Cellulo !

 

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Commentaires

olala
Jojo le Cellulo

Pauvre Jojo Cellulo... Avec un joli nom comme le tien, tu aurais pourtant du attirer tous les regards et toutes les sympathies.

Ne pas attirer les calins et finir en pomme d'arrosoir sous les quolibets des copines de Lili : triste destin vraiment pour un baigneur touchant et innocent qui ne souhaitait sans doute qu'être cajolé et aimé pour ce qu'il était !! Que n'as-tu eu Plume pour maman !! Tu aurais connu jours plus heureux.

Un joli texte plein d'imagination comme celui de Tintin et... comme toujours.

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