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Ce matin-là il pleut comme vache qui pisse.

– Beurk. Regarde Marjorie. Un vrai temps de cochon.

— Oui, que n’ai-je cru ce vieux paysan qui, hier encore, me disait : Âne qui saute et brait sans fin, pluie pour demain ! Trop cartésienne pour adhérer à ce genre de balivernes. N’empêche, c’est un fait, il pleut et pas un petit crachin ! Il tombe des cordes. J’en suis quitte pour sortir les bottes et le parapluie. Pas très glamour pour un premier rendez-vous avec Jean-Marie, rencontré sur internet !

— Encore ! C’est au moins le cinquième ou le sixième, peut-être même le septième que tu rencontres et fréquentes depuis un mois !!! À ce rythme tu risques bien de rester vieille fille et de te retrouver le bec dans l’eau ! Peut-être devrais-tu revoir tes prétentions à la baisse ?

 — Il existe sans doute, sûrement, des hommes parfaits aux quatre coins du monde, mais j’oublie facilement que la terre est ronde !

— Tu exagères. Avec le premier, tu as tenu combien ? 18 jours peut-être ?

— Un beau gars pourtant, une belle pièce d’homme comme ils disent au Canada, mais tellement prétentieux, fier comme un coq. Une chauve souris dans le beffroi par contre, crois-en mes dires ! Avec cela, fainéant comme une couleuvre et une cervelle de moineau. Tu sais comme moi que d’un âne on ne fait pas un cheval de course. Alors oui je l’ai quitté au bout de 18 jours.

— Avec le deuxième, tu as été un peu plus expéditive. Un gentil garçon pourtant et derrière des allures d’ours, un vrai pot de miel.

— Oui, mais… je n’aime pas le miel ! !! Et puis cet air de chien battu qu’il affichait chaque fois que je le reprenais m’agaçait au plus haut point. Sans compter qu’il était du genre à tout compliquer inutilement, à mettre du bois dans les roues. J’avoue : je suis partie au bout de 5 jours.

— Pour le troisième ça n’a pas traîné non plus autant qu’il m’en souvienne.

— M’en parle pas. Un drôle de zèbre celui-là. Mal fringué, toujours habillé comme la chienne à Jacques, avec des vêtements lui allant comme un tablier à une vache, rasé avec une biscotte et coiffé avec un pétard et pour clore le tout d’une susceptibilité à se vexer comme un vieux rat à la moindre réflexion. Aucune chance de l’amener à changer de look dans ces conditions. Je n’ai passé que la soirée avec lui et, une fois payé son repas, l’ai quitté en lui souhaitant bonne chance !

— Il y a eu Eric aussi, ce prétendant fort comme un bœuf malgré ses jambes de sauterelle et…

— Tu veux parler de Raoul ? Le pauvre, une véritable patinoire à poux malgré son âge. Rappelle-toi : toujours chapeauté d’un feutre à larges bords (qui lui allait comme un serre-tête à une bique) pour cacher sa calvitie. Malin comme un singe, ceci dit, et, malheureusement pour lui, copain comme cochon avec le cabaretier du coin.

Et l’une et l’autre de rire comme des baleines à ce souvenir.

— Le pire, ça a été, je crois, Emmanuel. Non, pas Macron, l’autre !! Des yeux de lynx et du lynx aussi la célérité et l’agilité. Toujours branché sur le 220 avec un hamster qui roulait dans son cerveau, et excité comme une puce. Jamais en repos. Pas du genre à bayer aux corneilles ! Il est vrai que renard qui dort n’attrape pas les poules, mais quand même ! J’ai bien cru devenir chèvre et j’ai repris mes valises avant de le devenir pour de bon. Après tout à l’impossible nul n’est tenu, on ne demande pas à un cheval de pondre un œuf.

Valérie consulte brusquement sa montre. Onze heures déjà ?

— La vache ! Je n’ai pas intérêt à aller comme un escargot.

— Attention aux flaques. Ce serait dommage d’arriver sale comme un cochon et de lui laisser une première mauvaise impression !

À 11 h 30 Marjorie était à l’abri à l’endroit convenu. Pas l’ombre de Jean-Marie. Elle resta debout pour être sûre de ne pas le manquer et fit le pied de grue pendant un temps qui lui parut une éternité.

— Il attend que les grenouilles aient des poils ou quoi ? J’ai d’autres chats à fouetter, dis-moi.

Au bout d’une heure

— Allez, assez attendu. Je rentre. Moi qui étais aux petits oiseaux… Je suis dégoûtée. Sûre, mon chien est mort, plus aucune chance qu’il vienne maintenant. Je suis bel et bien le dindon de la farce. C’est ma faute aussi. Bon, J’va me raplomber et faire une soirée de sacoches avec Justine.

Chez Justine

— Déjà ? Qu’est-ce qui ne va pas cette fois-ci ? Quelle mouche t’a piquée ? Tu m’as l’air furieuse.

— Oui tu peux le dire, j’ai les abeilles ; il n’est pas venu. Il m’a carrément posé un lapin.

— Bah, tu racontes n’importe quoi. Une vraie corneille de corde à linge tu es !

— Je suis sérieuse. J’étais tellement persuadée d’avoir enfin trouvé la poule aux œufs d’or. Pense, un véritable rat de bibliothèque, instruit, mais sans vanité. Des discussions passionnantes et interminables sur internet avec lui et jamais un ressenti de mon infériorité. Une délicatesse et un tact rares chez beaucoup d’hommes… J’en pleurerais presque comme un veau ! Et puis une bonne humeur contagieuse et quasi coutumière.

— Rappelle-le au lieu de pleurnicher sur ton sort et tourner comme un lion en cage.

— Jamais je…

Dring dring.

— Le téléphone ; tu prends ou tu préfères que je le fasse ?

— Quel numéro ?

— Un numéro qui devrait te faire plaisir.

Marjorie s’est isolée avec l’appareil. Il semblerait qu’elle ait enfin trouvé chaussure à son pied. Oublié pour l’heure les larmes de crocodile. Elle me paraît tout à coup gaie comme un pinson.

 

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Commentaires

plume bernache
arche de Noé

 

 Avec tous ses prétendants, Marjorie pourrait remplir une véritable arche de Noé. Tellement d'animaux qu'une chatte n'y retrouverait pas ses petits. Mais où donc est passée la grenouille de bénitier ? Restée sans doute avec son poisson dans l'eau (bénite)yesyes

 

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