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Maître coq, sur son clocher perché, réalisa un beau jour qu’il s’ennuyait. Sentinelle bénévole, statique et toujours figée entre le ciel, dont il connaissait toutes les humeurs, et la terre dont il ignorait tout, l’envie le prit d’aller voir ce qui se passait en bas. Mais comment s'y prendre quand on est là-haut ? Les coqs, on le sait, ne savent pas ou très peu voler. Fi de cela ! Il trouverait bien une solution.

 

 

Quelques jours plus tard, il profita d’une énorme bourrasque pour quitter son perchoir et rejoindre la terre ferme. Envol un rien périlleux et atterrissage inopiné et brutal qui le « défit » de trois superbes faucilles ! Bah, un moindre bobo tant sa queue était épaisse et colorée.

Remis de ses émotions, il lissa son camail aux couleurs vives et somptueusement mordorées où jouait le soleil, remit un peu d’ordre dans son corsage au plastron un peu désorganisé, réajusta quelques plumes indisciplinées, secoua crête et barbillons et, satisfait, s’essaya à quelques vocalises de son répertoire… Puis, tout gonflé de vanité, se rengorgeant, il s’en alla avec l’allure d’un roi s’admirer dans l’eau d’un clair ruisseau. Assurément, il ferait un beau roi !!
Roi, c’est bien là ce qu’il escomptait être, roi d’une petite et gentille basse-cour. Il avait même déjà préparé son discours d’investiture :

          — Moi, Roi de la basse-cour, je m’engage à ce que vous ne manquiez jamais de grains, sable, eau et herbe tendre.

          — Moi, Roi de la basse-cour, je m’engage à ce que vos nuits soient sereines et joyeuses vos journées.

          — Moi, Roi de la basse-cour, je m’engage à vous protéger de tout importun, buse, renard et… coqs en toques !!

          — Moi, Roi de la basse-cour, je m’engage à vous laisser écrire vos canards en toute liberté !

          — Moi, Roi de la basse-cour, je m’engage à être l’élément moteur et coordinateur de la natalité.

          — Moi, Roi de la basse-cour, je m’engage à être le maître incontesté du lever matinal.

Le soleil commençait à décliner, embrasant le ciel et la nature qui l’entourait, nature par lui ignorée jusque là, insolite et si diversifiée. Sublime, pensa-t-il.

Avisant soudain un piquet, il s’y percha pour la nuit. Sur la route, un peu plus loin, un nid… de poule ! Voilà qui est de bon augure « cocoriqua-t-il » gaiement.

Le lendemain, aux toutes premières lueurs du jour :

Cocorico ! Cocoricoo !! Cocoricoooo ! L’heure du lever !

Oh ! surprise.

 

Sous ses yeux, un charmant trio aux livrées plaisantes et colorées : trois gracieuses et pimpantes gallinacées, une mère et ses deux filles de toute évidence. Corps tout en jolies rondeurs sous un cou gracile, long et souple, crêtes et barbillons de belle couleur, signe indubitable de bonne santé, l’œil vif et brillant, l’allure alerte et fringante pour les plus jeunes. Mère un rien moins svelte sans doute, mais des formes tout aussi séduisantes !    
Étonnées et ravies de ce réveil matinal, elles risquèrent trois timides, mais éloquents co cotcot codek auquels il répondit par un tonitruant cocoricooooo !

 

 

Dans le pré voisin, Marguerite s’agitait et meuglait d’admiration :

— La vache ! Pas souvent vu un aussi beau vola…

— Eh oui Marguerite, séduite toi aussi par ce jeune coq ardent et fier qui vocalise comme un muezzin ! Dis, peux-tu nous indiquer une ferme où l’on nous accepterait.

— Meuhhhh là-bas sans aucun doute ; c’est la ferme où je vis.

— Merci la belle, on te revaudra ça.

Et tous quatre prirent la route, direction la ferme.

Cocoricooo s’égosilla notre coq en guise de remerciement et de satisfaction.

 

 

 

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Commentaires

plume bernache
  Voilà un coq qui sait

 

Voilà un coq qui sait manier l'anaphore ! Très fort même !

digne d'être élu prési....pardon, roi de la répu...pardon, de la basse cour.

 

 

Particulièrement apprécié le vocabulaire "gallinacéen": "les nids de poule" "écrire vos canards"(pas enchaînés j'espère)et surtout les "maîtres coqs"

 

Beaucoup de finesse et de malice. un texte très plaisant. Cocorico !

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