
La babouine animée d’un vilain rictus, Ourasi renifle bruyamment en signe de colère.
Il émet un hennissement sonore qui en dit long sur son humeur… massacrante.
Alerté, le voisinage se met aux aguets. Les ruades de l’équidé ont laissé de douloureux souvenirs. C’est qu’il a son caractère l’animal !
Ombre-Queue, les oreilles dressées, s’immobilise. Ses pattes agrippent la branche basse d’un bouleau de l’enclos qui se trouve à proximité de la mangeoire du cheval. Il détourne la tête pour ne pas voir le regard mauvais que lui adresse le mammifère.
Ourasi, la crinière dégarnie et éparpillée du sommet du crâne jusqu’à sa maigre encolure, piaffe, menaçant, et lui dit :
— C’est toi qui manges mes carottes, je t’ai vu !
La touffe de poils en panache l’abritant du soleil, Ombre-Queue glapit :
— J’avoue t’en avoir dérobé… un peu… mais tu en as tellement ! Il faut bien que je charme mes amoureuses avec mon superbe poil roux, obtenu et entretenu grâce à tes carottes !
— Et moi, répond Ourasi, dont la moutarde lui monte aux nasaux, élu meilleur trotteur de tous les temps, j’ai besoin de ma ration de carotène pour garder la forme et mon titre !
L’autre glousse :
— Oui, parce que côté esthétisme tu es loin d’incarner l’élégance, le port majestueux, la beauté et le raffinement que l’on prête à ton espèce.
Sur ces mots le petit rongeur bondit de branche en branche, sa queue en gouvernail, s’éloignant au plus vite de la puissante mâchoire qui ne demande qu’à se refermer sur cette agile boule de poils-carotte.



Commentaires
J'aime bien le dialogue orageux entre les deux protagonistes.
En revoyant leur "binette", j'imagine bien leur échange dans les bulles d'une BD.
Et j'ai appris un mot : la "babouine". Je le recaserai pour ne pas l'oublier.
Relations pour le moins tendues entre les deux mammifères, le petit et le grand !
Beaucoup d'histoire et de... hargne vraiment pour quelques carottes dérobées ! La générosité, mon pauvre Ourasi, ne me paraît pas être ta qualité première ! Tu n'as pas honte de houspiller de la sorte plus petit que toi.
Prendre de l'âge te trendrait-il acâriatre et intolérant ? Certes tu n'es plus le bel étalon de tes jeunes ans ! Allez cesse donc ces affreuses grimaces et retrouve ta noblesse et ta gentillesse d'antan.
Et toi Ombre-Queue essaie à l'avenir d'être un peu plus discret !!!
Un texte plaisant et plein de malice encore une fois. Bravo.