
Il était 22 h en cette soirée d’août.
Après une journée de feu, un feu dévorant, insatiable, infernal, Laurent rentrait enfin chez lui.
La relève n’avait jamais été aussi bien accueillie.
Demain sera un autre jour.
Il était harassé, à bout de force.
Pourtant il n’avait jamais vu une telle solidarité. Les gens leur offraient de la nourriture, des boissons, une douche parfois.
Malgré cela, la fatigue gagnait et érodait les meilleures volontés.
Mais pas le courage, celui de repartir le lendemain pour affronter les démons destructeurs, celui-là était intact.
Après le petit pont, la route formait un virage puis entrait dans une sorte de bosquet.
Laurent roulait lentement.
Des fumées de l’incendie ou une brume vespérale, il ne sait trop, limitait les perspectives et, malgré sa grosse fatigue, son attention était décuplée.
C’est alors que, sortant d’un fourré fleuri malgré la sécheresse, une forme blanche apparut.
Une forme floue d’abord puis de plus en plus précise.
Une jeune fille vêtue d’une longue robe et coiffée d’un petit chapeau le regardait.
Son visage, d’une pâleur troublante, marquait une sorte d’interrogation, de souffrance et d’incompréhension.
Elle ne faisait aucun geste, elle le regardait.
Laurent, surpris, ralentit puis s’arrêta.
Le moteur de la voiture ronronnait toujours.
Il ne pouvait se mouvoir et, clairement, il n’en avait pas envie.
Il ne ressentait ni peur, ni angoisse, ni quelque autre stress particulier.
Ils se regardaient.
Leurs regards étaient de ceux qui marquent une vie comme un sceau au plus profond du cœur.
Ils restèrent ainsi quelques secondes, quelques minutes ou une éternité, on ne sait pas.
Il y a des moments comme celui-ci qui dépassent l’entendement et qui ne sont pas mesurables.
Soudain, un oiseau de nuit poussa un long cri dans ce mi-jour/mi-nuit, entre chien et loup comme disent les dictionnaires.
Alors, lentement, la belle jeune fille blanche se retourna puis, comme un doux zéphyr, glissa dans les fourrés fleuris et disparut.
Laurent, sous le charme, restait sans réaction.
Puis, la fatigue à nouveau se fit sentir et doucement il repartit.
Il n’est pas sûr qu’il fasse part de cette rencontre à ses collègues demain.
Tout comme il n’est pas sûr, même si l’envie le prenait, qu’il puisse un jour oublier ce moment d’éternité.


Commentaires
Merci Plume, je suis très touchée....
Après une nuit d'apocalypse pour ce courageux " soldat du feu ", cette rencontre magique et rafraîchissante est tout à fait romantique.
Le contraste est très réussi. Au début la situation réaliste émouvante qui évoque tellement l'actualité de ces dernières semaines. Et soudain l'apparition rafraîchissante et romantique qui arrive comme une consolation, peut-être une récompense (?) dans lequelle on s'insère avec un vrai plaiair ! Mirage ou réalité ? Chacun choisit. Un vrai conte de fée.
Avec le petit sourire final "Pas sûr qu'il en parle aux collègues" (pudeur ou peur des moqueries de la part de ces hommes robustes et cartésiens...)
Une très belle interprétation du tableau de Maryse !