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L’exo et les définitions (les vraies) : ICI

Étienne Godichaud, dont les ancêtres tout droit venus de la province de Saintonge au17e siècle, faisait profession de charron. Il fabriquait ou réparait les charrettes et autres chariots, mais aussi à l’occasion amanchait les outils que lui portaient ses clients ; des fermiers alentour.

Astheure, il était occupé de remettre en état les bécosses, au fond du jardin, malmenées par les derniers coups de vent. Ses clients lui tenaient compagnie et l’encourageaient dans sa noble tâche.

Étienne, farceur qu’il était, avait toujours sous le coude quelques bonnes histoires à raconter afin de meubler la patience de ses amis, mais aussi d’amuser les gamins de la contrée venant volontiers enrichir leur vocabulaire auprès de cet homme au parlé fleuri.

L’après-midi s’annonçait douce et paisible. Soudain, au détour d’une ruelle, une charrette bringuebalante approchait. L’attelage était mené par une créature sortie d’on ne sait où vêtue de haillons et couverte de poussière. Cette femme s’adressa à Étienne : sa charrette avait d’urgence besoin d’être resuivie. Les roues avaient souffert et l’attelage était loin de sa destination finale.

Pélagie était son nom. Mère courage, elle avait fui l’esclavage qui lui était promis, s’était lancée sur les routes avec sa famille. Le regard noir, déterminé, front volontaire et poitrail conquérant, elle forçait l’admiration et imposait le respect. Sa charrette arborait sur l’avant deux grandes pièces de bois entre lesquelles était tendue une longue babiche décorée d’une suite de bobettes séchant au gré du vent comme autant d’étendards témoins de sa détermination. La charrette sommairement réparée, que les gens de notre temps auraient appelée un bazon, reprenait la route dans un nuage de poussière.

Là-bas, parvenue en Acadie au terme d’un long voyage, Pélagie espérait enfin une trêve à l’inapaisable sauvagerie de la vie. Lui, Étienne, charron de son état, continuerait imperturbablement prés du grand feu de cercler les roues de charrettes. Son existence était ici. Ses voyages ? Il confierait à son imagination, à ses rêves, le soin de leur donner vie. 

 

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Commentaires

plume bernache
Fiction et histoire

 

 Cette évocation de Pélagie est tout à fait réaliste. Une forte personnalité. Je vois bien les bobettes en étendard, séchant à l'avant de la charrette bringuebalante !

 

 Je viens de lire sur internet la triste histoire de la déportation des Acadiens : Vraiment terrible !  Les anglais ont joué là un rôle détestable. Mais la situation était très compliquée. Et les temps tourmentés. Pas de place pour les états d'âme.

 

 Antonine Maillet a traduit tout cela de manière plutôt romanesque. Je crois que je vais relire son roman "Pélagie et la charrette". (dès que j'aurai comblé mon retard dans les lectures en cours).

Merci pour cette évocation très convaincante ! Avec tous les mots québécois bien remis dans le bon sens...

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