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Luluberlu
— Ce soir, c’est pâtes ! on va pestoyer !
— On dit festoyer…
Il sourit, d’un sourire de souk, comme s’il se préparait à me vendre un tapis :
— Sûr : j’ai fait un festo avec de l’huile d’olive, des pignons, du basilic, de l’ail et du jus de citron, sel, poivre et parmesan. Tu vas aimer !
— Et ?
— Pestoyer me semble plus approprié. À table !
— Je suis faite aux pâtes, inutile de tourner en rond j’ai pas la dalle en berne. Pas d’arbitraire pour les pâtes. Quand le cyclope dit « à table », inutile de dériver, même partiellement... Tu sais, quand tu souris tu es beau comme une Golf GTI !
Plume
On y va donc ? Manger des pâtes ? Au pesto ? Tu veux dire au resto peut-être. En berne pour l’instant. Il va bien rallumer les Lumières avant la fin du siècle ? Moi j’arrive ; avec ou sans le Rond, en cycle ou pedibus… Je virerai à la corde sans perdre l’équilibre. En vibrant, c’est mon principe ! Je suis dynamique et j’ai le corps solide.
Olala
Yep.yep
Questi Francesi ci stupiranno sempre!
Ils n’ont pas d’idée précise sur ce qu’ils veulent sauf quand il s’agit de semer le trouble dans l’esprit d’un simple petit « restauratore » comme moi.
Établi à Naples depuis plus de trente ans, je n’avais jamais vécu pareille aventure. « Voir Naples et mourir » paraît-il, c’est vrai, la beauté de notre baie en est la preuve vivante. Plus extravagantes encore sont les exigences sans limites de ces prétendus gastronomes ; comment vais-je faire pour me tirer de ce mauvais pas ?
Luluberlu
Ce matin je me suis réveillé à Naples. La veille à Paris, préparant un pesto ; aujourd’hui ici, dans ce « ristorante »… depuis plus de trente ans… Glissade assurée. Pas de côté, ou mauvais pas ? Rêve étrange en tout cas. ; jamais je n’avais vécu une telle aventure. Délire de Covid peut-être ? Paris je n’y jamais mis les pieds ! Nonna, oui, elle y a vécu. Mais moi, non ! Je ne sais comment cela s’est produit.
Silence avant l’afflux des touristes. Lentement, ma main se coule sur ma nuque ; je bée… mais quoi de plus normal, à Naples ? Tiens ! il va pleuvoir. Nonna disait toujours : « Canta il tordo, la pioggia sta arrivando; ruba il corvo, non ci sarà il sole.* »…
Ça y est, il pleut. Doucement, l’ondée tambourine sur les vitres ; le restaurant gainé dans une bulle de tristesse, c’est comme s’il existait une frontière entre l’exubérance du jardin et les tons plombés qui l’entourent. Quelques gouttes impatientes s’assemblent, puis crèvent en longs ruissellements faisant onduler le paysage en mélangeant les couleurs qui, l’instant d’après, se diluent et meurent en longs fragments diffus. Et, rythmé par la pluie, me revient comme un leitmotiv cette phrase : « Questi Francesi ci stupiranno sempre! ».
* Chante la grive, la pluie arrive ; vole le corbeau, il ne va pas faire beau
Olala
Bercé par le chant de la pluie sur les vitres et, comme anesthésié par la fatigue et le silence ambiant, je ferme les yeux un instant. Quand je les rouvre, Nonna... Nonna ? non je ne rêve pas. Nonna se tient bien dans l'embrasure de la porte, délicate et frêle, les cheveux tout emperlés de gouttelettes. Dieu qu'elle est belle, je songe en la voyant. Jamais, non jamais Non'a été aussi touchante dans sa fragilité et sa vulnérabilté. Elle semble inquiète et ses yeux paraissent chercher quelque chose ou quelqu'un dans la quasi pénombre du restaurant. Lorsqu'ils se posent enfin sur moi un sourire illumine et adoucit son visage.
Poussant doucement la porte elle s'avance et fait quelques pas dans ma direction, sylphide gracile et tellement gracieuse, et puis... Un cri soudain. L'angoisse m'étreint. Je scrute la porte, cherche à apercevoir Nonna. En vain.
Luluberlu
Je regarde dehors, mais ne vois rien d’autre que mon propre reflet tremblé, tache un peu grise que les gouttes brouillent à loisir, immobile, à attendre et écouter simplement le temps qui bat lentement dans ma tête comme une réminiscence des vents et des tourmentes… Écouter, éviter que les battements du cœur et la pulsation du sang dans les oreilles ne recouvrent tout…
Les dernières lueurs du jour s’invitent dans la salle, filets obliques échoués sur les tables. J’entends la caresse du vent et la porte qui bat, les craquements et crépitements de la pluie sur les vitres et le toit. Rêve étrange ; et je demeure là à contempler, comme en apesanteur, un être que je n’ai pas vu depuis longtemps et dont je constate qu’il a vieilli… et l’enfant qui sommeille en moi se demande comment il a pu en arriver là.
Dans la vie, il arrive un moment où l’on regarde devant soi et où l’on ne voit que ce qu’on a laissé derrière. Peut-être est-ce juste du temps déposé en couches épaisses. Une dérive… Un glissement du temps ce miroir déformant. Enfermé dans nos reflets ; dans mon reflet. Aussi. Philosophe, il se fit la réflexion que seule la rencontre d’un climat et d’une nature aussi somptueuse, portée par une terre pauvre, pouvait être à l’origine d’un tempérament si particulier…
Nonna…
Après la pluie, la tristesse se vida lentement, très lentement.
Plume
Sur les vitres en séchant, les coulures de pluie dessinent d’étranges hiéroglyphes de silice ou de cendre, sublimées par le soleil couchant.
Ceux qui savent lire avec leur cœur, comme le Petit Prince de Saint-Ex, y voient des messages secrets, d’amour ou d’amitié, de rancœur ou de haine, des appels muets et pourtant si parlants envoyés de l’espace éthéré. De l’espace ou du temps. Temps passé ou temps à venir.
Les plus clairvoyants y reconnaissent des visages perdus depuis longtemps. Retrouvés juste l’espace d’un instant. Nonna, chère Nonna. Toi, de l’autre rive, m’auras-tu reconnu ? M’aimes-tu encore malgré mes cheveux blancs ?
Un courant d’air bouscule le vantail de la fenêtre qui s’entrouvre. Je suis confronté à mon reflet trois quarts profil. Finalement je ne suis pas si vieux. Et pas moche du tout. Belle tronche napolitaine… En penchant la tête très légèrement vers mon épaule gauche, je me trouve même un petit air de Léonardo Di Caprio. D’ailleurs il devrait se décolorer les cheveux en blanc : ça lui donnerait beaucoup plus de charme. Et les femmes aiment ça. Mais oui parfaitement !
Claquement de la fenêtre. Mon reflet évanoui.
Je sors du ristorante et vais marcher sur la plage presque déserte à peine éclairée par la lune montante. Les effluves iodées de la mer mêlées à l’haleine soufrée du Vesuvio me font un peu tourner la tête.
Je n’ai pas fait dix pas quand soudain derrière moi :
« Buona sera Amore mio… ».
Luluberlu
J’ai fait le vide et pris le temps de compter sans penser à rien d’autre que la petite chanson de l’eau piquée de cris d’oiseaux. Et c’était comme un vol qui change soudain de direction, sans qu’on sache qui en prend la tête, ni comment il passe le message aux autres. Nonna disait : « Nous sommes faits de la même étoffe que les rêves ».
Lentement, je me suis retourné :
« Buona sera Amore mio… ».
Elle me fait face et sourit ; un de ses sourires qui vous émeut au point de vous faire tressaillir des pieds à la tête, de vous faire entrouvrir une porte vers une nouvelle grande aventure à laquelle vous aviez définitivement cessé de croire, vers des espérances de rires, de couleurs, de caresses et de douceurs.
olala
« Buona sera Amore mio… »
Cette voix, ta voix, oui c’est bien toi Nonna qui me fait face et souris. Comment oublier ce regard si plein de douceur et de tendresse. Et puis ce minuscule grain de beauté au coin de l’œil que j’aimais tant et que j’embrassais encore et encore, tu te souviens ? Tu riais, nous riions ensemble. Tu, non, attends, ne pars pas. Laisse au moins à mes douces espérances le temps d’exister un peu et à moi celui de te contempler, de me souvenir… Tiens, rappelle-toi comme tu me taquinais et te moquais de mon goût quasi irraisonné pour les pâtes ! tu disais… comment disais-tu déjà ? Oui voilà tu appelais cela ma « pastipestomanie » !!! Et moi je, non attends, reste encore un peu. Je, non, s’il te plaît, Nonn'attends, ne pars pas, ne m’abandonne pas encore une fois.
Je crie et m'époumone en vain.
Plume
Encore une fois la diablesse a disparu. Évaporée. Là sur cette plage déserte où déjà la nuit avale les formes. Je ne vois rien ni personne. Seule la mer diffuse une clarté. Le reflet de la lune démultiplié par les vagues nerveuses constelle sa surface d’étoiles palpitantes.
Des reflets. Nonna va-t-elle apparaître à nouveau ? Si c’était le signal ? J’entends ses appels portés par le balancement de la houle : « Amore mio vieni vieni…amore mio vieni vieni… » J’essaie de la rejoindre mais un vertige m’allonge sur le sable. Je me laisse bercer par l’envoûtante mélopée « Amore mio vieni vieni… » Je ferme les yeux et je rêve. Sommes-nous faits de l’étoffe de nos rêves ?
« Voir Naples et mourir » répétait avec conviction ce petit restauratore. Yop Yop ? Pey pey ? Comment s’appelait-il déjà ? Ah oui, Yep Yep ! Quand je lui avais dit que j’étais français et que je voulais des pâtes au pesto, il avait fait la moue, secoué la tête et prétendu que c’était beaucoup trop ordinaire pour moi, tout pastipestomane que je fus. Il avait foncé dans sa cuisine et m’avait concocté une de ses spécialités : une « pizza ai funghi ». Je ne sais pourquoi il l’avait nommée — toutes les pizzas sont baptisées, vous avez remarqué ? – « Mescalina » et avec un drôle de petit sourire, il avait ajouté :
« Questo lo ricorderai * ! »
*celle-là, vous vous en souviendrez
Luluberlu
« Vous allez aimer ! », dit-il en m’allongeant sur le sable. Puis il ajoute en s’éloignant :
« Ce sera comme il plaît au sort. »
Euphorique, je me moule dans le sable ; dans ma tête les étoiles s’allument comme des torches péruviennes, palpitent en vert et bleu, accompagnées de l’envoûtante mélopée « Amore mio vieni vieni… » qui s’éteint brutalement pour laisser place à ce gémissement venu du fond des âges :
« Yeeep ! Yeeep Yeeep ! Yeeep ! »
Gueule entrouverte, deux rangées de dents fines et coniques enserrant une « pizza ai funghi », un « pestodactyle » aux relents d’huile d’olive et d’ail me frôle ; un germanodactylus le suit en criaillant son chant d’amour :
« Verfluchtes Französisch, Verfluchtes Französisch ! »
Yep.yep
« Putain (s) de Français », je me laisse à penser comme vous quelquefois, mais je n’aurais jamais osé. J’ai trop de respect pour ma clientèle. Ces foutus doryphores n’ont toujours pas digéré le retour au bercail de l’Alsace et la Lorraine. Que puis-je dans cette histoire ; le modeste napolitain que je suis n’y est pour rien.
Mon souci ! Faire prospérer mon « ristorante ». Le romantisme ? Pas dans mes moyens. Roucoulades au clair de lune, notre plage en est témoin tous les jours. Des apparitions de « Nona » puis leur évanescence dans le rideau de brume, lot journalier de qui prend le temps d’observer la vie.
La « pizza ai funghi » allait refroidir avec tout ça.
« Je connais, ça n’ira pas bien loin cette histoire, elle vous promène la belle signorina. Je peux me permettre un conseil ? Misez plutôt sur la nourriture terrestre. Vous savez, les sentiments mal contenus mènent à la catastrophe. Une bonne pizza, elle, ne vous décevra jamais. »
Et puis enfin j’ai besoin de faire tourner ma « boutique » pensais-je ; je suis « restoratore », pas conseiller conjugal.
« Asseyez-vous, mettez le carton sur vos genoux et prenez enfin du plaisir tranquillement à déguster cette pizza. Quant à moi, je dois vous laisser le devoir m’appelle. »
Comme je retournais vers mon « ristorante » en longeant le rivage, j’aperçus dans le lointain une silhouette qui cheminait à pas hésitants. Luigi le serveur du « ristorante » m’avait rejoint. La silhouette devenait de plus en plus perceptible. Sa démarche chaloupée était celle d’une femme dans un grand état de fatigue.
« Sûrement une femme saoule et en plus, probablement désargentée », conclut Luigi. « Quelle misère » ajouta-t-il.
« Luigi s’il te plaît pas de conclusion trop hâtive », lui répondis-je.
Cette jeune femme s’approcha de nous. Elle était belle malgré le désarroi qui l’étreignait.
« je suis Nona », me dit-elle déclinant son identité.
Je compris qu’elle était à la recherche de l’homme à la pizza. Je l’invitais donc à le rejoindre… Peut-être avait-il gardé une part pour sa belle ? Célébrer des retrouvailles autour d’une de mes pizzas emplissait en toute modestie mon âme d’une joie indéfinissable.
La nuit tombait sur la baie de Naples, les lumières de la ville reflétaient la vie sur une mer apaisée. Le bonheur était peut-être de nouveau au rendez-vous. Mais soudain…
olala
Un nuage de fumée, devant lui, au bout de la plage, brouillant la nuit naissante et les lumières de la ville.
Oubliée la jeune femme, oubliée la célébration des retrouvailles autour d’une pizza, serait-elle même « pizza ai funghi » !
Le cœur battant et cognant dans sa poitrine, « des criquets dans le ventre ! », notre restoratore court, court à perdre haleine.
Au même moment, à quelques mètres de là, il est un autre cœur qui bat très vite et s’emballe, mais… pour une autre raison. Lui, c’est pour la belle Nonna qu’il bat si fort. Nonnamore suo, il suo amore troppo bello e inaccessibile. Absente et pourtant si réellement présente, si délicieusement, si cruellement, si douloureusement présente.
Allongé sur le sable tiède, des étoiles plein la tête, délaissant les « pestodactyle » et « germanodactylus » il lui parle doucement : - Nonna,
« Toi que j’aime, et qui m’aimes et qui n’es, chaque fois, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend », Nonna, reviens-moi et m’aime encore un peu. J’entends toujours ta voix « lointaine, et calme, et grave, elle a l’inflexion des voix chères qui se sont tues »… Dis où es-tu ? En Amazonie, en Islande, au bout du monde, là-haut ? J’irai te chercher s’il le faut.
Luluberlu
Sur la promenade, celle qui longe la plage, se trouve une cabine téléphonique blanche. À l’intérieur, un téléphone en bakélite ; posé à droite, un annuaire. Seuls y figurent deux numéros, un pour Nonna, l’autre pour Nona. Le téléphone n’est relié à rien. À gauche une photo, floue. Deux silhouettes. Un reflet ? Nul ne sait qui est qui tant ils se ressemblent : le pizzaiolo napolitain, le Französisch ? Au dos, calligraphié d’une main malhabile, une bribe d’un poème signé A.Nonyme :
À la fin du voyage
L’horizon devient flou
Et n’est plus que mirage :
Le ciel était en nous.
Au bord de quel rivage
Bordé de quelle écume
Allons-nous accoster ?...
Olala
Tu es sûr Lulu ? Notre gentil pizzaiolo, un Französisch « maquillé » ? Pas plus napolitain que toi et moi ? Mais alors ? Pourquoi, quand, comment ? Et puis Nonna, Nona ? Confusion ou pas ? Autant de questions sans réponses et une histoire qui prend des allures d’enquête policière… On ne sait décidément pas où on va ! « Au bord de quel rivage, bordé de quelle écume, allons-nous accoster ?... »
Dis ? Le sais-tu ?
Plume
Ni en Islande ni en Amazonie. Je suis là amore mio et tu ne me vois pas. Depuis si longtemps tu me cherches et je te poursuis. Je te capte, fugace ici ou là, tu as déjà filé. À ma recherche. Dans les reflets trompeurs et les ombres changeantes. Ce soir j’ai cru te voir allongé sur le rivage, caressé par l’écume, mais voilà que tout se brouille à nouveau. « L’horizon devient flou et n’est plus que mirage » et moi tu me rends folle.
J’erre comme âme en peine depuis la catastrophe. Cette pizza ai funghi cuite sur lave brûlante, que nous partagions pour célébrer nos épousailles, dis, t’en souviens-tu, amore mio ? Au pied du volcan il y a plus de deux mille ans… nous ne l’avons jamais consommée. La nuée dans son ardeur fatale nous a ensevelis pour des siècles et des siècles. Certes nos âmes nous survivent, mais pour déguster enfin cette pizza sublime de Luigi chez YepYep, il faut aussi un corps… Plus chanceux que moi, tu en as trouvé un, pas trop vilain ma foi. J’ai eu peine à te reconnaître. Mais je sais lire dans les âmes et la tienne n’a pas changé.
Pour ma part, j’ai du mal à me réincarner. Déjà fait plusieurs tentatives. « Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre » tantôt avec deux « n » tantôt avec un seul, j’ai failli réussir. Hélas ma silhouette gracile et trop légère pour une âme trop dense, au moindre coup de vent, pfttt… la voilà envolée dispersée dans la brume de mer tout au bout de la plage.
Mais si l’on doit m’écrire je préfère Nona : n’étant même pas mère, je ne suis point grand-mère (nonna en italien)
Luluberlu
Tiens ! À peine affecté, on parle de moi. Je me présente : « Lulu », surnommé par mes hommes « La Berlue » ou, parfois, le « Confusius de la confusion », commissaire dit visionnaire. C’est à moi que l’on confie les enquêtes sur les apparitions, disparitions, réincarnations et autres bizarreries plus ou moins hallucinogènes parce que j’ai toujours su que les histoires vraisemblables ne méritent pas d’être racontées. Jamais je ne me précipite. Nonna, toujours aussi sage, disait : « l’immobilité est le rêve secret de la lumière (*JK S)». Je tiens en particulier à l’œil un pizzaiolo napolitain spécialisé dans la « pizza ai funghi », deux Nona (ou une Nona et une Nonna, je ne sais tant « l’horizon devient flou et n’est plus que mirage »), un Französisch et une parque ayant pour nom Google.
Yep.yep
Ho la la Luigi mon ami, mon frère s’il te plaît peux-tu me dire qui est donc l’hurluberlu dont tout le monde parle en ce moment. Homme à l’humeur virevoltante, censeur incorruptible, amoureux inconditionnel des belles lettres, sensible à la musique des mots et devant l’éternel, grand amateur de..... sardines à l’huile.
Ce personnage hors du commun est parfois accompagné d’une bernache, nonette à la plume alerte et voyageuse, d’une salicorne anonyme et de bien d’autres personnages pas toujours très recommandables.
Cet homme aux multiples facettes prétend bien connaître Nona, rescapée des cendres d’Herculanum, errant comme une âme en peine en compagnie de parques, ses sœurs d’infortune et parfois malfaisantes : Lachésie, fille aînée d’un inventeur de cimetières, et Atropos qui déverse dans nos yeux ses miasmes dilatateurs. De plus, ces déesses infernales jouent, paraît-il, à couper les fils de la vie des hommes.
Luigi, je te prie d’intercéder sans minute perdre auprès de cet homme afin de contenir ces troubles. Que la vie retrouve dans la baie quiétude et douceur d’avant.
Décidément par les temps qui courent on ne sait toujours pas où l’on va...
Plume
Luigi, le beau Luigi est venu me demander d’intercéder auprès de mes sœurs les Parques qui président au destin de chaque être, en particulier Atropos l’Inflexible, celle qui mesure la vie et coupe le fil quand le moment est venu. Mais elle m’a avoué son impuissance dans ce cas-là. Comment voulez-vous agir avec un individu que ne croit pas au Destin ? Tailler du vide, couper du rien ?
« Le destin est une cible que l’on dessine après coup à l’endroit où s’est fiché la flèche* » a-t-il prétendu un jour.
Moi, Nona, on me nomme la Fileuse. Le seul fil sur lequel j’ai quelque pouvoir, c’est celui du récit. Tisser une histoire, broder, veiller à ce que le fil ne casse pas, éviter de faire des nœuds… Donc je propose de calmer le jeu et pour amadouer cet olibrius aux mille facettes, si dans votre pizzeria, avec votre ami restauratore vous pouviez mitonner pour lui une pizza aux sardines… Attention, des sardines de qualité, du premier choix baignant dans une huile d’olive supérieure, gardées plusieurs mois et retournées régulièrement comme un bon vin vieux dans une cave. Des sardines des Dieux. En fond musical, Vivaldi, ou bien quelques morceaux de jazz. Et puis il faudra bien accompagner avec de la bonne littérature, pourquoi pas islandaise, ça nous ferait voyager. Un peu de fraîcheur après cette ambiance sulfureuse. Cela suffira peut-être à ramener la quiétude et la douceur d’antan.
*Hervé Le Tellier, L’anomalie
Olala
Presque à mon insu, la nuit, à pas feutrés, est descendue peu à peu sur la baie ramenant douceur et quiétude tout alentour.
Devant ma pizza aux sardines... des Dieux ! , je me prends à rêver et mes rêves m'emportent loin, très loin, si loin... " Le soleil scintille sur le fjord et dans l'air s'entend une chanson mystérieuse et troublante ", t'en souvient-il Nonna ? ne puis-je m'empêcher d'interroger en silence.
Luluberlu
À pas feutrés, à pas feutrés, faut le dire vite. Tranquillou, j’étais en train de manger ma pizza aux sardines, arrachée à ce pizzaiolo camé aux champignons hallucinogènes (comme son style), quant à déboulé l’entreprise Parquinson’s… Que des filles : Andropause, qui m’a déversé dans les yeux des miasmes dilatateurs d’huile d’olive vierge islandaise (glacée l’huile, pas Andropause) pour me couper le fil de la vie, Lachaise armée d’un cimettere pour m’envoyer ad patres, Google (dit Luigi) virevoltant sur une moto équipée d’un moteur de recherches pétaradant (on repassera pour la musique des mots), la nonne d’Hercule dont je ne connais même pas le nom (Nonette ? Salicorne ?). On serait troublé à moins. Depuis, ci-gît s’gars qui ne croit pas au destin. Un vrai sac de nœuds. J’en suis tout retourné. Vive Aldi ! je vais acheter de la vierge... et des sardines.
Plume
À la suite de cette soirée mémorable, je crois que je me suis endormi sur la plage. Bousculé par des rêves épuisants, vengeance des Dieux ? (celui des sardines à l’huile).
Mais au lever du soleil, ô miracle, une voix délicieuse réveillait mon ouïe mélomane. M’est revenu enfin cet air qui nous avait charmés, t’en souvient-il amore mia, lors de notre première sortie au théâtre national de Reykjavik ? La chanson de Solveig… interprétée par cette cantatrice aux yeux d’un bleu limpide*, dont le sourire
« avait le pouvoir d’effacer toute la noirceur du monde, laquelle se transformait en une bille de pierre sombre qu’on pouvait balancer au loin * ».
J’ai balancé la bille de pierre sombre au plus loin de la plage. Engloutie dans les eaux de Naples.
Et me voilà tout revigoré et confiant, prêt à te retrouver sur d’autres rivages.
* Chanson de Solveig par Marita Solberg
* Jon Kalman Stefansson (À la mesure de l’univers)
Olala
« Là-haut dans le Nord
Quand la nuit n’en finit pas
De neiger sur les sommeils… »
La chanson de Solveig, comment l’aurais-je pu oublier ? Et toi t’en souviens-tu amore mia ? Te souviens-tu de nos rêves fous ? Rêves de vide, de silence et d’absolu, de paysages grandioses, cascades vertigineuses et lagons glacés ?
De l’Islande tu disais à l’époque : « Celui qui ne vit pas en poésie ne saurait survivre ici-bas ». C’est là que je te veux rejoindre aujourd’hui. Je sens, je sais que tu m’y attends. Peut-être m’y attends-tu déjà ?
Yep.yep
De la baie de Naples aux nuits sans fin du Grand Nord, quel dépaysement !
Des eaux chaudes de la méditerranée aux fiords du nord de l’île, même une âme bien faite aurait du mal à s’en accommoder. Islande fille de Vikings, terre de glaces, de volcans et de champs de lave, mémoire d’une contrée tourmentée comme l’est notre relation, Nonna.
Quels merveilleux cadeaux d’Edward Grieg cette chanson de Solweig, trait d’union entre nous. Fallait-il que nous trouvions dans cette région du monde cet apaisement dont nous avions tant besoin. Je dois tout de même te dire, Nonna, la douceur méditerranéenne, sa lumière, ses senteurs me manquent. S’il te plaît, voudrais-tu partager avec moi la nostalgie de mon pays ? Acceptes-tu d’entreprendre en ma compagnie le chemin de retour ? Je te promets des jours meilleurs.
Alors, Nonna, que décides-tu ?
A.Nonyme
Centre de recherches expérimentales
— Bonjour professeur Le Fol, êtes-vous satisfait des derniers résultats ?
— Bonjour docteur Crestain. Oui, je pense que c’est en bonne voie. Le vaccin me parait presque au point. Bien que le rapport psychologique que vous me faites au sujet des patients cobayes ne me parle pas trop… Mais après tout c’est vous le psychiatre. Vous êtes là pour m’épauler et vérifier si mon vaccin qui doit transformer l’humanité entière en relation d’amour, de bienveillance et de compassion va être enfin au point.
– Oui professeur. Je pense que c’est en bonne voie. Il ne faut pas s’inquiéter pour les élucubrations de certains. C’est normal. Ces derniers temps nous avons eu beaucoup de lyrisme, de tendres souvenirs d’enfance… c’est normal…
Au début, je me suis un peu interrogé pour cet engouement pour l’Italie. Les pâtes, bien sûr, sont une réminiscence du MOI préconscient et de l’identification à la mère. Cette mère est devenue parfois la « nonna » ou la « nona »…
À un certain moment, nous avons quand même été à la limite de la schizophrénie avec des hallucinations sonores, beaucoup de raisonnements illogiques, une perte complète (mais momentanée due au traitement) d’être soi-même (dépersonnalisation) avec forte anxiété, pour certains !... Heureusement que je travaille avec mon ami le professeur Philippe Solaire qui pense que c’est dû au traitement de choc que vous leur avez fait subir dès le début…
Vous êtes toujours sûr pour le virus qui va transporter la molécule de l’Amour Universel, cette hydroxydéconade ?
— Allons, vous savez bien que « sûr » ne veut rien dire pour les scientifiques que nous sommes !
— Oui, oui, bien sûr… Il y a juste quatre patientes qui m’inquiètent un peu. Elles ne sont toujours pas réveillées… Il s’agit de celles qui se font appeler Garance, Manuella, Cristemarine et Cfer…
— Oui, il y a un peu de retard. Pour l’instant, ça reste normal. Mais pourquoi se sont-ils tous affublés de surnoms bizarres ? Luluberlu, Yep.yep, Olala, Plume bernache et… je ne me souviens plus de la dernière.. A quelque chose ?...
— Ce ne sont pas des noms bizarres. Tout ceci révèle, au contraire, leur personnalité profonde et ça fait partie de la thérapie, du début de changement dans la personnalité des futurs humains qu’ils vont devenir.
— Ah bon… Je voudrais tellement réussir… Vous vous rendez compte ? Tous les humains qui s’aiment enfin… Capables de compassion les uns pour les autres… Je suis né pour cette mission : apporter l’AMOUR au monde entier !
— Oui… vous savez… Il y en a un qui a essayé il y a un peu plus de deux mille ans… On peut dire que ça lui a plutôt attiré beaucoup d’ennuis…
Bien, j’ai de nouveau besoin de consulter le professeur Solaire. À bientôt professeur le Fol. Faites bien attention de ne pas être contaminé avant que le vaccin soit parfaitement au point !
Luluberlu
Et voilà ! ainsi se termine cette histoire. Quelle pâte à qu’est-ce ! On va remiser les Parques au parking ; les Plume, Luluberlu, Olala, Yep-yep, Luigi, Nona/Nonna (et les autres) vont servir de cobayes aux élucubrations du professeur Le Fol et à son assistante A.Nonyme ainsi qu’au docteur Crestain pour lesquels nos MOI inconscients éprouvent la plus grande et la plus sincère compassion. Il est temps de prendre des vacances et d’aller faire du ski aux Zophrénies, une station solaire dans le canton de Vaux, et laisser dormir les quatre patientes dont certaines, 2 pour être précis, se sont attelées pour l’une à des travaux destinés à ravaler (mais pas des pâtes) et l’autre, munie de sont piolet et de sa lampe frontale, à creuser un sujet déjà fort ancien, celui des catacombes. Pour les deux dernières, la thérapie du Pr Le Fol a dû les envoyer au tapis.
Quant à celui qui a essayé il y a deux mille ans, si j’en crois la légende, il s’en est remis en ressuscitant trois jours après sa mort… On dit que certains s’en sont servis pour asseoir leur autorité morale. Le plus curieux c’est que ça dure depuis deux mille ans, et que malgré le fait de prôner l’amour du prochain, jamais autant de guerres n’ont eu lieu en son nom… Alors, pourquoi ne pas essayer un sérum ARN, le premier messager ayant échoué il y a deux mille ans ?
FIN

Commentaires
J’espère que ce second vaccin, « Le Fol et Crestain » marchera mieux que celui d’il y a deux mille ans…pas une réussite en effet ! Les cobayes n’étaient pas prêts pour l’Amour Universel sans doute. Le seront-ils un jour ?
Efficace ou pas, ce vaccin du professeur Le Fol ? Trop tôt pour le dire. Mais ce dont je suis certaine, c’est que ses effets secondaires sont délicieux : séjour dans la baie de Naples, dégustation de pâtes au pesto et pizzas psychédéliques, musique romantique, rêveries poétiques, apparitions mystérieuses, désirs d'Islande, délires en tous genres au diable la logique !
Et si c’était la première étape vers l’Amour Universel…
Signé : une cobaye ravie
Bravo docteur Crestain ! Belle analyse psychologique des patients cobayes.
Attendez-vous quand même à de nombreux variants...Prévoyez suffisamment de doses d'Hydroxydéconade. Heureusement la matière première ne manque pas dans notre pays.
Nonna est la traduction de grand- mère en italien.
Nona est le nom de la parque, déesse présidant à la destinée des humains
Merci Google…
Je me demande s'il n'y a pas confusion entre Nonna et Nona ?
Ce qu'il y a de bien avec un miroir déformant, c'est que si l'on parvient à trouver la bonne distance et le bon angle, on finit par se trouver beau!
C'est une idée exprimée par Raymond Devos dans le sketch du gars qui se mire dans ses chaussures cirées...
Ben voilà ! Non'olala n’est plus anesthésiée… elle a trouvé la porte pour mettre son texte direct
(suffisait de mettre les lunettes).
Citation : « comment vais-je faire pour me tirer de ce mauvais pas ? »
Yep.yep en mode facétieux ! « Questi Francesi ci stupiranno sempre! »
Epâtonnamment épâtant je dirais même !!
Pensez. Un pestin de fâtes... euh un pes, un festin de pâtes fanzanni, de pâtes panzanni, je vais y arriver ! Bouh ! voilà que je dyslexique grave maintenant. Contagieux ? Contagieux comme... ? Et qui pis est, voilà que l'on jette le trouble dans l'esprit d'un gentil "restauratore". Où va t-on ? je vous le demande !!!
C'est épâtant !