Confinement-2 : Hasta Dente ( Les exos de l’atelier )  

Épisode 5 : Épilogue . Tout en bas, après le 4… puisque c'est la fin.

Épisode 1 

Chut, écoute, quelqu’un nous surveille…

Mais non, tu rêves, mon pauvre Pedro.

Si  si ! Je t’assure, ça a bougé là — bas,  derrière les barriques…

Mais non… une araignée peut-être qui a capturé une mouche ! Ou alors…

Un bruit feutré mais bien audible lui coupe la parole.

Une pile de  bouchons  de liège s’écroule et roule à leurs pieds. Léa se blottit contre Pedro. Son cœur rock and rolle.

Ils attendent quelques minutes, rien ne se passe. Un simple courant d’air a pu déstabiliser les bouchons.

Tous deux quittent la cave en restant sur leurs gardes.

Épisode 2 

Le lendemain matin, Léa se rend à la réserve de grains, près du poulailler. On la suit elle en est sûre. Moite et flageolante, elle ne s’attarde pas.

Pedro lui, a nettement entendu un souffle sur la charrette à foin. Un léger ronflement même. Et pourquoi Flappy le chien de la maison, si placide d’habitude est tellement nerveux soudain ? Sûr, il a flairé quelque chose de suspect.

Léa et Pedro se méfient de plus en plus.  Ces derniers jours, dans le quartier, des rumeurs ont couru : vols, embuscades,  agressions, qui se seraient mal terminés. Des morts ! Et les coupables courent toujours… On ne parle que de ça dans leur entourage. Ces choses-là n’arrivent pas qu’aux autres. Redoubler de vigilance !

Épisode 3   

Un dimanche soir, à la tombée de la nuit, les évènements se précisent.

Juste après la traite des vaches, Pedro remarque deux individus louches  à l’affût.

Le plus vieux,  tignasse barbe de maïs un peu clairsemée, moustache fringante cependant, pourpoint immaculé sur torse généreux, redingote chamarrée de noir. Appuyé contre le mur de la grange, les yeux mi-clos, il semble réfléchir. Tirer des plans si ça se trouve. Le chef assurément.

L’autre, svelte, look sportif, survêt de camouflage couleur écorce de chêne, casquette à oreillettes, ne tient pas en place.  Coup d’œil écarquillé à droite, à gauche, en l’air, trois pas de côté, sur la pointe des pieds, souple, frémissant. Danse rituelle. De mort évidemment. Prêt à… qui sait quoi ?

Épisode 4 

Danger. Que faire ? Se cacher et ne plus bouger ? Léa, nichée contre Pedro relève la tête, croise le regard du guetteur énervé. Deux éclairs verts. Soudain le signal fatidique : « HASTA DENTE ! » L’attaque.

La pauvrette s’élance, éperdue, droit devant elle, à toutes jambes. L’autre se rapproche. Plus vite Léa ! Plus vite crie Pedro protégeant les arrières. Mais Léa est à fond. Ses jambes tricotent en accéléré. Pour un peu on verrait des étincelles jaillir sous ses pieds. Le souffle de son poursuivant  tout proche lui donne le frisson.

Cours cours ! Crisse une voix suraiguë tombée du toit. Ouvre ton parapluie ! Ouvre ton parapluie ! Son parapluie ? Mais… quel para … Ma parole on la prend pour Mary Poppins ?? T’inquiète ! Désire-le très fort. Il suffit de vouloir, c’est tout. Génère-le !

Elle se concentre. Cerveau puissance dix. Une pelote d’énergie bobine en sa poitrine. C’est bien Léa, écarte bien tes doigts encourage la voix céleste ( ou presque ). Plus que ça, plus fort. Voilà ! Surtout n’arrête pas ta course. Léa sent sa peau se tendre, se déployer entre ses doigts, en limite de rupture. Allez, brasse l’air avec tes membres, continue ! Ses pieds ne touchent plus le sol. Elle se sent légère, de plus en plus légère… Semé l’ennemi ! La chatouille du vent sous ses aisselles déclenche la cascade aiguë d’un rire incontrôlé. Elle vole !!! Des ailes fines de satin noir ont poussé des mains jusques aux pieds. Déployées en parapluie. Sauvée !

Épisode 5  

Là-haut elle est accueillie par le clan des « Pipistrelles ».

« Elle est des nô-ô-tres, elle a mis des ailes comme les au-au-tres ! »

Léa est tout assourdie par les cris ultra-aigus de ces cousines sympas, mais un peu exubérantes.

Et Pedro ? Dans le tourbillon des évènements, elle l’avait un peu oublié. Inquiète tout à coup. Et si les deux olibrius en dessous lui avaient réglé son compte ? Elle s’accroche à une gouttière et, tête en bas – faut bien qu’elle s’habitue –  scrute la cour de la ferme. Des bribes de dispute lui parviennent.

« Hasta dente ? TOTAL FIASCO ! Nada para dentes ! »

Le chef au pourpoint immaculé fusille du regard son assistant incompétent et s’engouffre rageusement dans la chatière de la cuisine. Aïe ! L’autre qui le suivait de près reçoit violemment le portillon sur le nez. Dépité, il marmonne « Hasta dente, hasta dente…Nunca mas ! » et disparaît à son tour dans la maison.

Ces deux-là, quand les choses tournent mal, ils vont ronronner à l’oreille des humains pour obtenir consolation. Pitoyable !!!  

Léa tu me reconnais ? Un élégant oiseau noir vient de se poser en souplesse sous l’avant- toit tout près d’elle. Cette voix… Pedro ?

Oui  ma Léa, c’est bien moi. Une hirondelle de cheminée m’a tiré des griffes de nos ennemis et m’a appris à voler. À sa façon. Avec des plumes. C’est plus solide que ton satin.

Ça c’est ballot mon Pedro !

 Bof, pipistrelle, hirondelle, quelle importance ? Ça rime bien ensemble.

 Ben on a des horaires décalés. Je chasse la nuit et toi le jour.

 Ouais mais les plumes ça tient bien chaud… Tu veux voir ?

 Fin