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Voir : à la manière de Marie Sabine Roger ( Les exos de l’atelier )

Sur le registre d’état civil c’est Arlette.

Bientôt tout le monde l’appelle Râlette.

Demain ce sera « pauvre Arlette »

Voici comment la mutation s’est engrenée.

Près de la boulangerie, Râlette a buté contre un homme allongé sur le trottoir. Peau noire, uniforme orange d’éboueur, yeux et visage clos. Râlette dégaina son smartphone. Jamais éteint. Clac ! Photo engrangée. Lestée à pouces que veux-tu de ce message citoyen : « VOILÀ OÙ PASSENT NOS IMPÔTS » Preuve irréfutable diffusée plus vite que l’éclair aux Autorités de la Voirie. Et surtout à ses innombrables Zamis facebookiniers.

 Adama ouvre les yeux. Au-dessus de lui, des visages vociférant. Que lui reproche-t-on ? Il n’a fait de mal à personne. À la pause, il s’est juste allongé, ses pieds transpercés de mille aiguilles brûlantes. L’incendie jusqu’à sa nuque. Sauter du marchepied et retour : Une torture ! Ce soir il ira voir le patron.  

Le camion au dépôt, le chef vient à sa rencontre. S’est-il aperçu de sa souffrance ? Il va lui proposer un changement de service ! Entretien des véhicules… pourquoi pas conducteur ? Ah il ne dirait pas non…

Nenni, on lui montre la photo et sa légende assassine échouées sur le bureau du DRhache. La foudre : Licencié pour faute grave. Jamais il ne retrouvera un travail ! Tant de mal pour arriver en France, les papiers, ce boulot… Enfin fonder une famille avec Mina et leurs trois petits. Vivre, tout simplement !

Ce soir, il ne rentre pas chez lui. Trop honte ! Passe la nuit sur un banc du jardin public où il pleure plus qu’il ne dort.

Pendant ce temps, sur les réseaux sociaux, Râlette triomphe. Menaces et messages de haine mènent leur vilain train. Adama ne les lit pas, il vit sans téléphone.

Le vent tourne pourtant. Des collègues solidaires et déterminés accompagnèrent Adama devant le tribunal des prud’hommes et le défendirent si bien qu’il est réintégré. Journaux et réseaux relient l’info. Adama est reconnu, réhabilité, encouragé. Flétrie, l’aura de Râlette. De clic en claques ses Zamis deviennent Zennemis. Engluée dans sa propre toile de fiel, elle change de pseudo. En vain. Ligotée ! Ultime solution : jeter son cher téléphone. Fin du monde. Fin d’immonde.

Désormais, au cliquet de la benne à ordures, elle épie derrière sa fenêtre. Regarde passer le camion vert. Au volant, l’Africain chante à pleine joie un air de son pays.

 Il passe sans la voir, ne la connaît pas.

Une grosse larme descend subrepticement sur la joue blême de cette pauvre, pauvre, pauvre Arlette.

 

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Commentaires

plume bernache
   Et voilà l'ultime

 

 Et voilà l'ultime version…compte tenu des suggestions de luluberlu.

Gardé celles qui me semblent opportunes, écarté les autres.

Travail d'atelier effectivement.winkProduit à la sueur de ma souris.

 

 

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