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Texte inspiré de : Mozart: Piano Concerto No. 23: II. Adagio - interprété par Hélène Grimaud  (piano) : ICI

Pourquoi eux aussi ? Pourquoi encore ? Pourquoi toujours ?

Pourtant cette fois elle avait bien pris toutes les précautions.

Dès qu’elle avait senti les premières crispations dans son abdomen distendu, elle avait cherché un lieu sûr, bien caché. Douillet et hors de portée des prédateurs habituels.

Marche après marche, son gros ventre ballotant de droite à gauche et frottant le bois rêche, haletante, elle avait gravi l’escalier menant aux combles.

À grand peine elle s’était glissée entre deux lames endommagées puis avait progressé jusqu’aux limites de ses forces et de  l’espace disponible.

Là elle s’était allongée et avait laissé le travail s’accomplir. Un premier avait déchiré le passage. Ne pas crier. Surtout ne pas se faire repérer. Avec précaution elle avait léché, réconforté son petit, tout noiraud et luisant, vif comme une anguille. La deuxième était déjà là, sortie sans dommage. Fine, un peu roussette,  fouinant dans la fourrure épaisse à la recherche de la source de vie. Le troisième et le quatrième arrivèrent en même temps, se bousculant. Tricolores et volubiles. Clamant à tue-tête leur présence au monde. Hélas, signant  leur perte et celle de leur fratrie…

Le châtiment ne tarda pas. En bas une porte claqua, de sinistre présage, les marches de bois craquèrent, des pas lourds ébranlèrent le plancher vermoulu.

La suite se déroula comme la dernière fois et comme les précédentes. Inexorable. L’enlèvement, la mère éperdue. Impuissante.

Vide. Silence. Absence et désespoir.

Quand soudain…Aïe, ce pincement   sur le téton antérieur gauche, cette humide tiédeur, des petites pattes stimulant  en cadence la montée du nectar salvateur  et cet ineffable  bruit de succion…La petite roussette rescapée du funeste  destin  semblait bien décidée à vivre comme quatre et sa maman l’entourait déjà d’un amour infini.

 

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Commentaires

olala
Cruautés et délices d'une vie

Cruautés et délices d'une vie féline... Toujours beaucoup de réalisme et de délicatesse dans tes récits.

cfer
Naissance

C'est touchant de vérité!

Naissance et mort associée en un seul tableau. Cruel!

Que de questions philosophiques en filigrane: la valeur de la vie animale...les chats ne sont-ils pas comme les humains doués de sensibilité?...le problème du choix...du hasard?

On en devient antispéciste !

j'ai adoré.

 

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