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IMPORTANT : Pour participer, réservez votre place en fin de texte en spécifiant votre pseudonyme. Cela évitera que vous écriviez une suite et, qu’entre-temps, un des participants en ait publié une.

 

 

Tableau peint par : Philippe Hayot (UTL)

 

IMPORTANT : Pour participer, réservez votre place en fin de texte en spécifiant votre pseudonyme. Cela évitera que vous écriviez une suite et, qu’entre-temps, un des participants en ait publié une.

 

Luluberlu

Je fredonnai tout en me dirigeant d'un pas alerte vers le Café Pouchkine :

 

« La place Rouge était vide, devant moi marchait Nathalie »…

 

plume bernache

Mais… reprenons l’histoire au début.
Lorsque la directrice de l’Opéra avait demandé des volontaires pour accompagner le ballet, je n’avais pas hésité une seconde. Depuis des mois  je veillais sur la forme physique de mes danseuses, je n’allais pas les lâcher au moment crucial. Danser au Bolchoï ce n’est pas rien. Pas le moment de se claquer un adducteur ou déplacer le ménisque. On leur demandait la perfection. Je me devais d’assurer un fonctionnement parfait de leur outil de travail, leur Corps. Et personne ne le connaissait mieux que moi.

Et puis Moscou quand même. Dont je ne connaissais que  des photos ou des films. Une ville tellement lointaine, chargée d’histoire et si mystérieuse. Le Kremlin dont les bulbes colorés m’avaient toujours  fait penser à des pâtisseries de sucre candi était là, posé juste en face de moi.

 

Un froid glacial figeait mes joues, peut-être était-il la cause de ce sentiment d’irréalité qui nimbait les lieux et les êtres. Féérie envoûtante et fantasmagorique dont j’eus soudain envie de me dégager. J’accélérai et bientôt le rythme de mes pas enclencha dans ma tête la chanson de Bécaud, et je vis Nathalie marcher devant moi, belle, blonde comme les blés des plaines d’Ukraine. Elle se retourna, m’offrit un sourire lumineux creusant deux fossettes au cœur de ses joues enfantines et je ne saurais dire si le bleu de ses yeux est d’azur ou de porcelaine.

— Êtes-vous Basile ? Me demanda-t-elle en inclinant légèrement la tête vers son épaule. Je suis Nathalie, hôtesse au Bolchoï et chargée de vous guider. Mais vous avez l’air frigorifié ajouta-t-elle en roulant les « r » comme des glaçons agités dans un verre de Vodka, et aussi un peu dans la lune s’esclaffa-t-elle en me prenant le bras. Venez avec moi, allons au Café Pouchkine boire un chocolat.

 

Olala

Nathalie... Son corps tout près du mien, l’effleurement de ses doigts sur ma main, le velours de son regard, la chaleur de son sourire, nos pas accordés... oublié le froid glacial de cette matinée, oubliée la fatigue du voyage, oubliés la France, mes danseuses, ma mission. À son côté, j’avançai la tête dans les étoiles, les pieds sur un doux nuage ! Tandis que nous avancions, elle babillait, babillait, me racontait sa ville, la Place, le café Pouchkine, riait, hochait la tête et moi je l’écoutais ravi, mais ne l’entendais pas !!

« Basile, reprends-toi », me gourmandais-je, mais... la Place Rouge soudain était vide ! Nous étions deux, nous étions seuls. Trop occupé à « boire » le ciel ( et son ange !! ) je ne vis pas tout de suite et assez vite... ?

 

Luluberlu

La ville n’était plus qu’un murmure assourdi. Il avait neigé les deux dernières nuits, rien que la nuit. Après la neige le froid était venu. Un froid pur. Tout était figé. Au loin, les rares passants veillaient aux endroits où ils posaient les pieds. À peine visible un instant plus tôt, près de la porte de la Résurrection, elle émergea de la blancheur ; on aurait dit qu’elle planait dans le brouillard. Au même instant, la cathédrale Basile-le-Bienheureux touchée par une éclaboussure de soleil se remplissait de feu : « Pojar un jour, « Pojar » toujours. Des oiseaux dessinaient un nuage noir au-dessus du bâtiment coiffé de bulbes.

 

Plume bernache

Juste derrière nous, marchait à grands pas saccadés un homme encapuchonné de noir, sa longue houppelande flottant dans le vent glacé. Lorsqu’il nous dépassa, Nathalie frissonna se serra plus fort contre moi et dans un souffle balbutia : « Mais c’était Po… Pojar… Pojarski le Prince… » Elle se retourna et les yeux égarés poussa un cri aigu, le visage plus blanc que neige. Sa petite main tremblante  pointait le monument des deux libérateurs de la ville que nous venions de contempler quelques minutes plus tôt.

Seul, subsistait le citoyen Minine. Le prince Pojarski  n’était plus sur le socle ! À sa place, trois oiseaux noirs ébouriffés tenaient conseil.

 

Luluberlu

Minime ne l’avait pas suivi. Plusieurs dizaines d’années figé dans la même posture ne devaient pas prédisposer à la mobilité.

Le Prince, jointures percluses et muscles douloureux, marchait en lançant une jambe raide devant lui avec un déhanchement souple et superbe... noblesse oblige ! fuyait-il le courroux de Minime ?

— Le 4 novembre, nous sommes le 4 ! je l’avais oublié.
— ?
La fête de l’unité !
— L’unité ?
— Chez nous...
— Chez vous ?
— La fête de l’unité... L’unité du peuple... Le 4 novembre 1612 ; l’alliance du boucher Kouzma et du Prince Pojarski pour lever une troupe de volontaires et chasser les Polonais... De Moscou.

Immobile, elle regardait le Prince se diriger vers la porte de la Résurection, se fondre dans le brouillard et embrasser la silhouette surgie de la blancheur.

 

Olala

— Porte de la Résurrection... congruente à souhait dirais-je ! Notre Prince devrait en ressortir jeune, rose, frais et fringant !! plaisantai-je dans l’espoir de détendre un peu l’atmosphère, dans l’espoir surtout de voir refleurir un sourire sur le visage de Nathalie et un éclat rieur au fond de ses yeux.

Peine perdue ! Mon joli guide, maintenant à la limite de l’hystérie, ses beaux yeux exorbités de terreur, me saisit brusquement le bras et, pointant son index derrière moi :

— Là Basile... parvint-elle à crier.

Je me retournai. Dmitri avait regagné sa place aux côtés de Minine.

— Rien d’étonnant, il avait seulement besoin de prendre l’air et de soigner un peu ses rhumatismes !! la taquinai-je ; vos congénères « rrrrousses » me paraissent particulièrement inventifs Nathalie, risquai-je encore sur un ton badin. Regard sévère de sa part qui me fit taire à l’instant ! Je n’en demeurais pas moins convaincu d’une vaste mascarade, d’un énorme canular parfaitement orchestré. Pour quelle raison ? Là était la question. Pour l’heure me revenait surtout le devoir ( pas si déplaisant ma foi !!! ) de rassurer et réconforter mon gentil guide. Doucement donc mais fermement je l’entraînai vers le café Pouchkine. Plus question en tout cas d’un chocolat chaud si bon fut-il. Une bonne rasade de Vodka ferait davantage notre affaire !!

 

Plume bernache

Je n’avais eu aucun mal à la convaincre. Dans le célèbre bistrot, le brouillard était aussi dense qu’à l’extérieur. Nous nous frayâmes un chemin jusqu’à la seule table libre tout au fond de la salle. Une odeur âcre et puissante de cigarette russe me saisit à la gorge et je fus pris d’une quinte de toux, déchaînant les quolibets de quelques énergumènes que ma blonde guide fusilla du regard. Je fus surpris de son autorité car ils stoppèrent immédiatement et s’intéressèrent à nouveau à leur verre qu’ils s’empressèrent soit de remplir, soit de vider cul sec. Nathalie se pencha vers moi et me dit qu’il s’agissait de collègues du Bolchoï venus se détendre après la répétition générale du ballet. Je m’étonnai :

— Ils vont pouvoir danser après ça ? L’alcool…

— Ah non, ils ne dansent pas, eux. Ils travaillent sur le plateau technique, les décors, accessoires, éclairages… Trrrès forts, on dirait magiciens !

Elle resta rêveuse un instant puis brusquement me secoua :

— Allez camarrrade bois donc ton verrrre, sinon ils vont te prendre pour une « mouviette »

— Une  quoi ? Tu veux dire « mauviette » ?

— « Môviet », da ! Sôviet môviet ! proclama-t-elle   illico me plaqua un baiser sur la bouche.

— Da da… camarade Nathalie, j’adore ton « sôviet kiss »  déclarai-je en me noyant dans son regard étincelant de mille étoiles d’or..

Le niveau sonore s’amplifiait de minute en minute. La nuit venait de tomber. Nous vidâmes nos verres.

Cette année encore, la fête de l’Unité avait été généreusement   célébrée par la jeunesse moscovite. De vrais patriotes quoi !

 

Luluberlu

Effets de la vodka ? Fascination pour Nathalie ? De l’heure matutinale, nous étions brutalement passés à l’heure crépusculaire, celle où le soleil disparu n’éclaire plus la terre par les reflets du ciel. Minime se dessinait sur le rideau de feu du ciel ; dans un brouillard de clarté rouge voltigeait une poussière dorée. La légion des étoiles semait sur le ciel noir une poudre d’or. Mais où donc était passée Nathalie ? 

 

Garance

Nathalie, mue par un irrésistible appel, était sortie discrètement du café Pouchkine.

Trop de bruit, trop de fumée, trop de trop.

Maintenant, elle marchait ou plutôt, elle volait vers ce mystérieux aimant.

Elle courait le long de la rue Verskaya, traversa la rue Mokhovaya, passa devant le musée archéologique et, par des lacis de ruelles, arriva à l’angle du musée historique d’État.

La place Rouge, « la belle place » transformée en patinoire resplendissait.

Tout au fond, la cathédrale de Basile le Bienheureux, sublimée dans un halo de lumière, était là, posée comme un incroyable cadeau.

Émue par tant de beauté, au bord des larmes, elle longea la place, passa devant le mausolée de Lénine et arriva près du monument des deux libérateurs du joug polonais.

— Enfin tu es là Nathalie, je n’en pouvais plus de t’attendre !

Pojarski descendit de son socle bientôt suivi par Minine.

Tous trois chaussèrent leurs patins et, tels des papillons éphémères,s'élancèrent et virevoltèrent sur la glace, légers comme dans un rève...

 

Luluberlu

Et la nuit vint, brutale, impitoyable, et le vent avec elle ; s’abattit alors sur la place, à la façon d’un vaste voile de deuil flottant au vent, une légion de corbeaux accourue de tous les voisinages. Quelquefois ils se posaient, poussant des clameurs frénétiques et sinistres, criblant de taches noires l’étendue glacée, puis repartaient en un immense cri rauque et discordant, long feston d’un sombre présage. Et la nuit grandissante mêlait, comme dans un cauchemar, leurs noirs au noir de l’espace.

 

Garance

... Il se réveilla brusquement, couvert de sueur, grelottant de fièvre, un étau enserrant son crâne.

— C’est la grippe, Monsieur, une méchante grippe, lui dit le Docteur.
   Il faudra repousser de quelques jours votre voyage en Russie.

Rêve ou cauchemar ?

« Il avait un joli nom mon guide, Nathalie... »

 

Plume bernache

Rââââ les corbeaux ! Je les entends, ils attaquent, au secours !

« Calme-toi Basile, tu as de la fièvre, il n’y a pas de corbeaux. C’est juste la sonnerie de ton téléphone. Ah, trop tard, appel manqué ! Originale d’ailleurs ta sonnerie. Tiens chéri, avale ce cachet et ton verre d’eau fraîche. »

 La voix grave d’Esméralda me parvenait  à travers un brouillard déformant d’où émergea péniblement l’image de son visage ambré, festonné de boucles aussi noires que ses prunelles vives.

Bientôt je me sentis mieux. Mais je réalisai soudain que mon voyage à Moscou était compromis. On avait dû me remplacer. Le Bolchoï n’allait pas attendre la guérison d’un banal kiné venu de l’ouest pour finaliser le spectacle « Franco-Russe » nécessaire à la diplomatie du moment.  

Doubidoubi… doubidoubi… se trémoussa mon portable sur la table de chevet.

«  Message ! »  claironna Esméralda en s’emparant de l’objet et plissant les yeux elle déchiffra :

 nathalie.pojar@rouge.com… ? Puis après un regard interrogatif, elle lut en détachant les syllabes :

« Corps du message :

 Pourquoi pas toi Basile chez nous cette année ? Trop triste. »

À peine reposé, l’engin diabolique réitéra son Doubidoubi doubidoubi

« Pas oublié notre folle soirée café Pouchkine l’an passé pour fête de l’unité ? »

Esméralda avait mis ses sourcils en mode circonflexe inversé  quand Doubidoubi doubidoubi

« Rêvé de toi mon Basile cette nuit. Toi et moi patiner sur Place Rouge avec Pojarski et Minine. N’importe quoi !!! Je pense à toi toujours ».

La voix d’Esmeralda tonna, ses yeux lançaient des éclairs : 

 « Basile, c’est qui cette Nathalie ? Tu m’expliques le café Pouchkine  la fête de l’unité et le reste ??? »

L’orage éclatait et ma fièvre remontait en flèche.

 

Olala

La Place Rouge, le café Pouchkine, Esméralda, Nathalie... Tout s’entremêle, tout est confus dans son esprit fiévreux. Fébrilement il tente pourtant de rassembler ses idées.

« Oui, il me souvient maintenant ; cet autre soir, il neigeait fort sur la Place Rouge ; elle et moi sous ce grand parapluie ; elle avait quelque chos ' d’un ange et sous ce p’tit coin d’paradis je n’perdais rien au change, pardi !! » Ensuite, il me souvient encore... Mais l’épuisement a finalement raison de Basile qui sombre à nouveau dans un sommeil agité.

 

Plume bernache

Esméralda, je ne sais pourquoi tout le monde pense que je l’ai rencontrée à Paris, sur le parvis de la  cathédrale : il n’en est rien. Je l’ai connue à Séville, au pied des remparts à l’occasion d’un festival de flamenco.

Nathalie, c’est une braise couvant sous la glace. Enchanteresse aux mille philtres. Un paradis sous un parapluie.

Esméralda, c’est un soleil, un feu de joie, un brasier ou un volcan. Volcan redoutable et pourtant magnifique.

 

Luluberlu

Natharalda... Esméthalie... ville... Froid rouge flamenco ! Café Minime... Chez Froukine...

— Réveille-toi Basile !... C’est qui cette Nathalie ? ¿Quién es esta Nathalie?

 

Plume Bernache

Tac tagada tac tagada tac tac tac tac…claquètent les souliers sous les volants de la robe rouge dansant le flamenco devant les remparts de Séville. Des cheveux blonds comme les blés mûrs  s’échappent de la mantille noire et flottent telle une traîne de soleil tandis que son regard d’azur …Nathalie ?

Slashchchch, slaschchchch… chantent les patins de la fille en robe de mousseline blanche sur la glace de la Place Rouge. Des boucles folles noires comme plumes de corbeau  s’évadent du  fichu blanc…Les yeux d’obsidienne de la patineuse lancent des éclairs…Sous les lames jaillissent des flammèches . Pojar ! Fuego ! Esméralda ?

« Pourquoi Basile toi as crié ? Qui est cette Esmérrralda ? » s’inquiète la voix de Nathalie dans le téléphone resté ouvert sur la table de chevet.  

 

olala

Quién es esta Nathalie ? Qui est cette Esméralda ? Quién es esta Nathalie ? Qui est cette Esméralda ? Quién ?... Qui ?... Quién ?... Tactagada, slashchchchhhhhhh... boucles blondes, boucles brunes, je ne sais pas, je ne sais plus... dormir, dormir, je veux seulement dormir et que l'on me laisse tranquille ! me entiende ?...

 

 

Plume Bernache et Victor Hugo…

« Ma raison ballotée dans les espaces imaginaires ne tenait plus à rien… Esméralda, qui êtes-vous ? Une créature céleste ? Une danseuse des rues ? Mon bel ange ? Mon mauvais génie ? Une salamandre, une nymphe ? »*

Peu à peu le souvenir de notre rencontre à Séville se faisait plus net :

« Elle n’était pas grande, mais elle le semblait, tant sa fine taille s’élançait hardiment. Elle était brune, mais on devinait que le jour sa peau devait avoir ce beau reflet doré des Andalouses et des Romaines. Son petit pied aussi était andalou, car il était tout ensemble à l’étroit et à l’aise dans sa gracieuse chaussure. Elle dansait elle tournait, elle tourbillonnait et chaque fois qu’en tournoyant sa rayonnante figure passait devant moi ses grands yeux noirs me jetaient des éclairs »*

Elle m’a suivi à Paris et ne m’a plus quitté. Pendant mon délire, elle m’a veillé, soigné avec des potions dont elle seule connaissait la recette.

Ce matin enfin, je me suis réveillé guéri. Lucide et bourré d’énergie. Impatient de reprendre mon travail, j’enfourchai mon scooter et slalomai gaiement dans la circulation parisienne jusqu’au parking de l’opéra où une place m’était réservée.

Je quittai mon casque en sifflotant une chanson de Bécaud et c’est là que mon regard vint télescoper le drapeau : En bandes horizontales blanc bleu rouge, souligné par l’inscription Bolchoï MOSKVA, il s’étalait sur la portière du bus garé juste à côté de moi.

Sur la plage arrière reposait un parapluie « vieux rose ». Mon cœur se mit à patiner avec frénésie.

 

*Victor Hugo : Notre Dame de Paris ( II.3 Besos para golpes )

 

olala

Dieu, pourquoi ce vide incandescent en moi tout à coup, pourquoi ce feu dont le crépitement m’assourdit ?

Incapable de contrôler le tremblement de mes doigts, j’ai laissé choir mon casque qui gît misérablement à mes pieds.

— Esméralda mon amour, me murmurai-je, désireux de taire l’angoisse et la confusion qui se sont emparées de moi, m’assaillent et m’ébranlent douloureusement, désireux de taire cet élan, cette force intérieure qui, je le sens, m’expatrie irrémédiablement vers un ailleurs, vers une autre. Esméral... mais c’est un autre prénom qui franchit mes lèvres, presque un cri, un prénom que je croyais oublié, Nathalie. Les souvenirs refont surface soudain et m’étreignent. Nathalie, Nathalie mon guide, la Place Rouge, un visage lumineux et très doux tout auréolé de boucles blondes, des yeux de velours limpides et si bleus, un rire en cascade, le crissement soyeux et joyeux des patins sur la glace, nos deux pas accordés... -

Fébrilement j’ai récupéré mon casque, réenfourché mon scooter. Vroom. Esméralda, Nathalie... L’amour de quelques jours, l’amour d’une vie...?

Qui l'emportera ?

 

Plume bernache

Une bruine glacée s’était mise à tomber et le macadam devenait une vraie patinoire. La place de l’Opéra luisait comme la Place Rouge là-bas… Troublé par la vision de l’autobus moscovite, le cœur martyrisé entre deux rêves de femmes également sublimes, je fis un écart pour éviter in extremis un piéton distrait et Slaschhhh… mon scooter dérapa et me voilà au sol, un genou à l’envers et le cou à moitié dévissé !

Lorsqu’après quelques minutes d’éclipse totale, j’ouvris de nouveau les yeux, la douleur avait disparu, le ciel au-dessus de Paris était devenu rose. Vieux rose… nimbé d’une étrange lumière bleue.

Sous le dôme enveloppant  du tendre parapluie rayonnait le visage de Nathalie auréolé de boucles frémissantes. La foule autour n’existait plus. Nous étions deux, nous étions seuls. J’entendis ma voix, vacillante :

— Dieu, un ange ! Mon Ange. Mon guide… ne suis-je pas de nouveau en train de délirer… Nathalie ?

— Non, tu ne rrrrêves pas mon beau Basile. Je souis bien Nathalie. Ici, à Parrris ! Frantsiya . Et je ne souis pas un Ange tu sais…

 

Luluberlu

Rendez-vous sous la pluie !

 

Plume bernache

Subitement, allez savoir pourquoi, une voix de crooner caressa ma mémoire :

Pourquoi m’avoir donné rendez-vous sous la pluie ? Petite aux yeux si doux trésor que j’aime plus que tout. Mais ici sur cette place très fréquentée, l’accompagnement musical était moins langoureux que dans l’enregistrement de Jean Sablon. Une symphonie de klaxons et de voix dont je tairai les mots assiégèrent notre frêle oasis rose.

 — Basile, les parrroles disent quoi ? S’enquit ma belle aux yeux doux. Pas jolies comme les chœurs de l’Armée Rrrouge chez moi à Moskva !

 Bâillonnée ma réponse. Par un « sôviet kiss » au goût de miel et de cardamome qui me propulsa « in subito » sur la Place Rouge.

Trop vite interrompu car une grosse moustache noire s’immisça alors sous notre abri. En sortit une voix grave et bien rythmée :

« Les amoureux qui s’bécot ’ sur les bancs publics bancs publics bancs publics… ont des p’tit ’s gueul ’s bien sympathiqu ’s  …* mais au milieu de la Place de l’Opéra, NNNNON ! Vous deux là, vous allez dégager. Et plus vite que ça ! »  

Toutes sirènes hurlantes, arriva alors la police. Et nous voilà embarqués, moi mon scooter tous deux hors d’état, Nathalie et son parapluie rose trempé. Tout à coup elle pointa celui-ci vers l’entrée du Théâtre Garnier.

« Rrregarde Basile, la belle gitane en rrrobe rrrrouge qui descend l’escalier de l’Opérrra ! On dirrait elle fait grrrands signes vers nous… »

 

*Brassens : « les amoureux des bancs publics »

 

olala

— ?

Le temps de se retourner et Basile vit la sublime gitane en rrrobe rrrouge s’effondrer sur les marches.

— Esméralda ! s’exclama-t-il, se précipitant sans réfléchir vers elle et laissant à son hébétude la jolie Nathalie.

— Ba… Ba… Basile murmura-t-elle, encore sous le choc, apparemment, d’une terrible émotion. C’est affreux, c’est…

— Qu’est-ce qui est affreux ? Dis-moi.

— Là, dans la grande salle… Du doigt, elle désignait l’Opéra.

— Va Basile, je m’en occupe. Nathalie les avait rejoints et le sommait doucement mais fermement d’aller voir ce qui se passait !

 

Oups ! Adieu les roucoulades, bonjour les emm… pensait notre Basile en gravissant les marches qui le séparaient de l’entrée de l’Opéra.

 

 Manuella

 

Esméralda était apparue dans sa vie à la suite d’un évènement qui l’avait fait basculer à jamais. Il lui revint immédiatement à l’esprit ces deux mots ; si seulement !

Jeune étudiant en médecine à la faculté de Montpellier il était parti avec son meilleur ami et colocataire deux semaines en Espagne à l’issue de leurs examens de deuxième année. Depuis le début de leurs études ils ne s’étaient pas, ou peu, accordé le droit de se divertir déterminés à réussir. Ils venaient d’être admis en troisième année. Le plus dur était derrière eux et donc ils pouvaient prendre des vacances bien méritées. Le premier jour à Barcelone, installés dans un appart ’city au nom improbable « Apartament Rigolaud » ( ce qui les avait amusés et poussés à confirmer la réservation ), promettait un lâcher prise total ! Au petit matin ils se retrouvèrent assis dans le sable sur la plage de la Barceloneta, non loin de leur logement. Alors que le jour allait poindre ils sortaient de « l’Opium », le dernier établissement de leur tournée nocturne. Chacun plongea son regard dans celui de l’autre et ils partirent d’un fou rire intarissable, heureux et incrédules. Ce serait encore une journée qu’ils passeraient effondrés dans leur lit et non pas à lézarder au soleil. Invariablement ils se réveillaient à la tombée du jour. Ils émergeaient avec une faim de loup devant un frigo vide. Plus ou moins remis de leur soirée de la veille ils recommençaient leurs déambulations de bar en clubs, ne serait-ce que pour remplir leurs estomacs. En fait ils ne manquaient aucune occasion de s’adonner, avec quelques beautés méditerranéennes aussi assoiffées qu’eux, à tous les excès. Une des dernières nuits de leur séjour ils portèrent assistance à une jeune femme poursuivie par deux hommes, qui s’affala de tout son long à leurs pieds. C’était Esméralda.

Nicolaï avait fait irruption devant Sergeï et Pavel. Ils assistaient à la répétition générale, du ballet, au programme du Gala de l’École de danse de l’Opéra. La conversation à voix basse entre Sergeï et Nicolaï s’envola rapidement en paroles véhémentes qui firent cesser l’activité des danseurs. Pavel tenta de s’interposer entre les deux hommes. Mais bousculé, il ne put empêcher l’altercation de dégénérer. Esméralda, au ton vindicatif qui montait, s’arrêta au beau milieu de son pas de deux. Elle saisissait le sens des paroles proférées ! Alarmée par les hommes qui se battaient, elle s’avança au bord de la scène atterrée par la violence des coups qui pleuvaient. Pavel était maintenant à genoux auprès de son ami tandis que Nicolaï s’enfuyait. Sans réfléchir elle se précipita derrière lui ! Arrivée dans le hall elle l’avait perdu de vue. Alors elle n’hésita pas à sortir sur le parvis à sa recherche. C’est ainsi qu’elle repéra Basile. Elle lui fit de grands signes pour attirer son attention, ce fût la femme blonde à côté de lui qui la remarqua. Mais que faisait donc là Nathalia ! Essoufflée elle se laissa aller sur les marches. Vêtue de sa légère tunique rouge et d’un jupon volanté descendant sur les mollets, elle ressentit soudain le froid. La bruine collait le tissu vaporeux sur sa poitrine, son cœur battait vite, sa respiration était rapide. Elle se sentit soudainement accablée, par le passé qui refaisait surface brusquement et rouvrait une plaie que le temps et Basile avaient cicatrisé.

Il accourut devant Esméralda. Assise en haut des marches, elle leva son beau visage poudré de bruine. Il était dur. Cependant ses yeux lui disaient combien elle avait besoin de lui, combien il était tout pour elle. Tous les deux furent parcourus d’un frisson au même instant. Il admira la courbe de son cou, le chignon serré sur sa nuque. Il déposa un baiser sur son front alors qu’elle tendait son bras vers l’entrée du théâtre. Il se hâta. La jeune femme éveillait en lui les pires craintes, du coup la présence de Nathalie en était éclipsée.

Sergeï Vikharev gisait devant le premier rang, inconscient. Le médecin réalisait les premiers soins en même temps qu’il parlait au blessé pour évaluer ses réflexes. Pavel Gershenzon ne quittait pas son ami des yeux. Désarroi et révolte agitaient sa tête d’un côté à l’autre et il maugréait en russe. Claire était consternée devant l’état du chorégraphe. Elle se tourna et vit Basile.

— Ah, Basile vous êtes là ! Puis-je compter sur vous pour accompagner nos invités à l’hôpital. Je dois rester ici, pour répondre à la police et m’occuper des élèves.

Elle s’avança vers les danseurs rassemblés un peu à l’écart sur la scène. Les chuchotements cessèrent tandis que Le premier danseur venait à sa rencontre.

— Madame la directrice de la danse, ne vous inquiétez pas les élèves vont bien. Tout est allé si vite. Une seule chose me tracasse je n’ai pas revu Esméralda qui s’est élancée derrière l’agresseur de Sergeï en un éclair.

—Guy, je reste là, la police souhaite recueillir les premières dépositions dès que possible. Allez-y, voyez où elle est.

Danseuses et danseurs s’écartèrent d’un gracieux mouvement d’ensemble et formèrent un cercle autour de la Directrice de la Danse avec respect.

Dans l’ambulance qui se faufilait dans la circulation à vive allure, Pavel apprit, à la grande surprise de Basile que Sergeï était régulièrement menacé.

— Mais pour quelle raison un chorégraphe peut-il bien être menacé ?

Pavel s’exprimait dans un français parfait. Seuls un léger accent et des tournures presque littéraires révélaient ses origines étrangères.

Guy se frayait un chemin dans le hall bondé. L’incident avait fait le tour du théâtre comme une traînée de poudre. Les agents de sécurité faisaient barrage à l’entrée. Il repéra enfin Esméralda et Nathalie.

« L’hôtesse » du Bolchoï, qu’il avait entr’aperçue la veille. Ils se rejoignirent.

— Esméralda, j’étais très inquiet quand je t’ai vu bondir de la scène pour courir derrière l’agresseur de Mr Vikharev. Qu’est-ce qui t’a pris ? Il se rendit soudain compte qu’elle tremblait.

— Mais tu es trempée, vas vite te changer et rejoins-nous immédiatement. J’espère que tu n’auras pas pris froid ! Je ne saurais pas par qui te remplacer demain soir pour le Gala de l’école si tu tombais malade !

— Oouii c’est vrrai ! Vite Esmérralda va te changer. On se verra plous tard ? Puis s’adressant à Guy.

— Bonjourr, je souis Nathalie j’accompagne la troupe du Bolchoï, que s’est-il passé ?

— Oui, je vous ai croisée hier. Eh bien une altercation entre un grand homme blond et Mr Vikharev a dégénéré rapidement. Cet homme est une vraie brute. À la stupeur générale, il l’a roué de coups de poing, et une fois au sol il y est allé avec les pieds !

— Comment va môssieur Sergeï ?

— Mal, très mal ! Il était inconscient quand le SAMU est arrivé. Excusez-moi, mais je dois retourner auprès des élèves.

— Ouui bien soûrre je vous en prie.

Guy tourna prestement les talons, mais Nathalie le héla aussitôt.

— Et Môssieur Pavel ? Guy se retourna.

— Il est parti dans l’ambulance avec le kiné.

Pavel Gerhenzon, la tête entre les mains, était assis dans le couloir des Urgences dans l’attente et l’angoisse de nouvelles. Basile était parti leur chercher des cafés. Il en avait profité pour téléphoner à Esméralda, mais il n’avait eu que son répondeur. Il repassa les portes battantes conduisant aux Urgences. Pendant son trajet de retour dans l’interminable couloir, il repensa à ce que lui avait confié Pavel. Il avait du mal à croire que Sergeï Vikharev soit poursuivi et menacé de mort à cause de son travail. Le chorégraphe était décrié par une grande majorité du monde de la danse à l’est, certes ! mais il avait tout de même été salué pour son travail partout ailleurs. À Londres, le Royal Ballet avait adopté sa nouvelle « ancienne » version chorégraphique ( disait-on ) de Coppélia, un an après qu’il l’ait montée pour le Bolchoï. D’ailleurs il avait gagné la confiance et le soutien inconditionnel de quelques maîtres de ballet en Russie. De plus l’interprétation exceptionnelle de Natalia Osipova sous sa direction, dans la partition originelle, avait remporté un succès sans précédent. Il avait été propulsé sur le devant de la scène internationale. Comment un artiste, un danseur talentueux, devenu un chorégraphe célèbre pouvait-il porter préjudice en quoi que ce soit, et à qui ? L’URSS avait disparu, mais la Russie avait conservé les dictats des soviets. Notamment dans la culture et l’art. La danse était toujours régie dans son interprétation par des notions d’expression culturelle imposées. Sortir du cadre c’était s’offrir, dans son propre pays, en pâture à la vindicte. Même avec une notoriété bien acquise !

 

Les policiers avaient interrogé tous les témoins. Ils suivaient à présent La Directrice de la Danse de l’Opéra national de Paris dans son bureau pour s’entretenir en privé avec elle.

— Messieurs, je vous en prie, asseyez-vous. Les invita-t-elle en passant derrière son bureau. Puis-je vous offrir une boisson chaude ou peut-être une boisson fraîche ? Moi même je vais prendre un café. Amélia entra.

— Madame Claire ?

— Un café s’il vous plaît Amélia. Et se tournant vers eux.

— Un café, un thé, une boisson fraîche ?

— Pour moi un café sera le bien venu.

— Pour moi aussi alors. L’inspecteur commença.

— Madame Delattre pouvez vous un peu nous expliquer la raison de la présence de Mr Vikharev et de Mr Gershenzon.

— Bien sûr messieurs. J’ai invité Sergeï et Pavel à Paris pour qu’ils choisissent les danseurs et notamment la danseuse qui incarnera Coppélia, dans le ballet du même nom, que je souhaite mettre au programme du gala de notre école de danse pour la saison 2019.

— Mais nous ne sommes qu’en février 2017 ! se risqua le commissaire.

— Oui, mais voyez-vous c’est le temps minimum nécessaire à l’entraînement de l’ensemble des participants. J’entends par là y compris le personnel technique associé.

— Et pourquoi avez-vous choisi des chorégraphes russes ?

— C’est aussi la question que je me pose...

— Messieurs l’art n’a pas de patrie, il est une patrie à lui seul. Sergeï assisté de Pavel a réalisé un travail remarquable de recherche sur un ancien feuillet d’annotations de chorégraphie.

 

Amélie apporta les cafés sur un plateau qu’elle déposa sur le bureau avant de ressortir en fermant la porte. Le commissaire et l’inspecteur se regardèrent un peu décontenancés !

 

— Madame Delattre, un homme à presque été tué dans votre théâtre, nous ne sommes pas ici pour entendre un cours sur l’histoire de la danse. Recentrons-nous s’il vous plaît sur le présent.

— Vous avez tort commissaire cet incident est en relation directe avec l’histoire de la danse !

 

Nicolaï entrait dans l’ambassade Russe au même moment. Il y était attendu par l’agent du SVR.

 

Plume Bernache

 

Lors de l’altercation qui avait failli si mal finir sur la scène de l’opéra, au milieu de la confusion générale, personne n’avait remarqué — hormis Juliette, petit rat en tutu rose moins rapide ou plus curieuse que ses camarades — une étrange présence dans la loge n°5.

 

Drapé de noir, un homme au visage masqué de blanc observait attentivement la scène de ses yeux couleur glacier. La fillette prêta l’oreille et l’entendit proférer d’une voix spectrale :

 

« Une bagarre de chorégraphes, quelle vulgarité… Ici, c’est moi qui règne depuis 1873 et il me plaît de semer le trouble. J’ai bien envie de leur montrer qui est le Fantôme de l’Opéra : Voyons, le lustre qui tombe ? Déjà fait…

 

— Et le verre cassé ça porrrte malheurrr ajouta une deuxième entité dont la haute stature sombre et raide se dressa dans la loge voisine.

 

— Alors… pourquoi pas le feu ? proposa le fantôme du lieu.

 

— Da, da, pojar ! Ça fairre toujourrrs joli effet ! Pojar… comme chez nous Place Rrrrouge. »

Acquiesça son homologue russe, le spectre de Pojarski arrivé clandestinement caché dans la malle aux costumes du Bolchoï.

 

Luluberlu

pendant ce temps, dans les locaux de l'ambassade, ça chauffait pour Nicolaï :

Товарищ Николай! Вы хотели бы путешествовать, резать в тонких шайбах, в дипломатической сумке, чтобы вернуться в нашу прекрасную страну ... Если, конечно, вы не захотите поработать над строительством оледука в Сибири, как маневр! Ответить!*

Glups !

—  Plaît-il ?

—  Popopo…

—  Le voilà qui retombe en enfance !

—  Et pipipi Popopojarski est de retour !

—  Et vous pensez m’impressionner avec de telles bababalivernes ?

Jejeje l’ai vu ! c’est spectral ! je vous assure qu’il ne s’est pas fait la malle.

* Camarade Nikolai ! voulez-vous  voyager coupé en fines rondelles dans une valise diplomatique pour rentrer dans notre beau pays ... À moins, bien sûr, que vous souhaitiez travailler à la construction d'un oléoduc en Sibérie, comme manœuvre ? Répondez !

 

Plume bernache

Nicolaï sortit du bureau de l’ambassade plus mort que vif. Il se voyait déjà condamné à vie à charrier des pierres ou pire… Le camarade Raskal Achnikhov n’était pas un rigolo et ses menaces étaient à prendre au sérieux. Son rôle était de « protéger la culture soviétique des errements de la culture contemporaine européenne ». Il était grand temps de mettre un terme aux fantaisies chorégraphiques de ce soi-disant prodige Serguei Vikharev et rétablir enfin le rayonnement d’une chorégraphie plus conforme aux exigences de leur Grand pays.

Nicolaï avait obligation de réussir la prochaine fois. D’être plus discret et surtout plus efficace. Infiltré au sein de la troupe du Bolchoï il avait pour mission de mettre définitivement hors circuit ce Vikharev devenu vraiment trop populaire en Europe.

Nicolaï se hâtait pour regagner l’Opéra quand il aperçut  deux créatures qui ne lui étaient pas inconnues : bras dessus bras dessous, le spectre Pojarski et le fantôme au masque blanc marchaient droit vers lui.  Son cœur allait sûrement exploser… âââ ! Et, rien… Ils le croisèrent sans dévier, ou plutôt ils le traversèrent comme s’il était lui-même un ectoplasme ( d’ailleurs n’était-ce pas le cas ? ) Puis, le plus simplement du monde, en devisant joyeusement ils pénétrèrent dans un petit jardin* à l’angle de la Chaussée d’Antin.

 

*Jacques Dutronc,  « le petit jardin »

Voir aussi sa caricature par Jean Mora

 

Manuella

Juliette discrètement avait suivi les deux fantômes ! Oui c’étaient bien deux fantômes ! Les yeux écarquillés elle venait d’assister à l’incroyable traversée des spectres. Elle réprima un tremblement, non pas de peur mais d’excitation, bien décidée à poursuivre sa filature.

Nicolaï sentit ses jambes se dérober soudainement. Il glissa vers le sol en même temps qu’il sentait toute lucidité le quitter. Malgré son combat interne pour garder la maîtrise, son esprit bascula du doute à l’incompréhension. Il se releva incrédule. Il reconnaissait les lieux, mais en même temps il ne les reconnaissait pas ! Il se rappelait tous les évènements depuis l’agression de Sergueï sans pouvoir s’en expliquer le sens. En proie à une tension extrême, il se mit à courir dans une fuite effrénée. Sa vie était en jeu !

 

Plume bernache

Ce que Nicolaï n’avait pas saisi c’est qu’être traversé par un fantôme n’est pas sans conséquence.  

Dans sa fuite effrénée pour traverser le jardin, il trébucha et atterrit au milieu du bassin sur lequel voguait un petit voilier esseulé. Là, ses habits s’épanouirent autour de lui comme une chevelure de méduse. Un léger souffle de vent le poussa au milieu de l’eau. La petite Juliette vola à son secours et n’eut aucun mal à le ramener sur la rive en même temps que le bateau miniature, juste en l’effleurant à l’aide d’une branche de saule pleureur. Elle ne s’en étonna pas plus que ça car à l’Opéra elle vivait dans un monde de rêve et d’artifice.

 Nicolaï dut se rendre à l’évidence : sous ses vêtements, il n’avait plus de corps, plus de substance vivante. Il était devenu un ectoplasme. Passé les premiers  instants de panique, il se dit que finalement, il avait de la chance. Il ne risquait plus rien : peut-on couper un ectoplasme en rondelles ? Ou le faire travailler sur un chantier ?

Quant à Serguei, il l’ignorait encore mais il était sauvé lui aussi, son principal ennemi étant devenu inoffensif. Un ectoplasme peut-il détruire un danseur, fut il étoile ?

Ni  Pojarski  ni le fantôme de l’Opéra  ne trancheront la question. D’ailleurs ils n’ont rien vu trop occupés sur leur banc à se raconter des blagues d’Halloween à se faire dresser les cheveux sur la tête. Au fait, les fantômes ont-ils des cheveux ?

 

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Commentaires

plume bernache
chanson

 

  Je ne sais pas la télécharger, mais si ça vous tente, ne manquez pas d'aller écouter sur "you tube" la belle chanson de jacques Dutronc "le petit jardin".

Avec "Paris s'éveille" ce sont à mon avis deux petits bijoux.

plume bernache
anachronisme

 

 Ola, manuella? Petit anachronisme en ce qui concerne la rencontre  avec Esméralda.cool Basile dit(chap 15 et 19) l'avoir rencontrée lors d'un festival de flamenco sous les remparts de Sév-i-i- i- ille(comme dans l'opéra de Carmen)...indecision

Aurait-il menti ?

 

En revanche toute l'histoire entre les chorégraphes  russes et les soucis de Sergei Vikharev avec son pays est tout à fait plausible.yes C'est  presque ce qui est arrivé à Noureev et la raison pour laquelle il s'est réfugié en France ! As-tu vu le film "Noureev"sorti cet été ? Fameux!

Autrement dit, il aurait pu finir" coupé en rondelles dans la valise diplomatique…" da da !angryangryangry

plume bernache
gla gla gla glaçante!

 

 Bravo pour cette traduction gla gla gla glaçante...

Ndevilus voilà partis dans un thriller .

luluberlu
Portrait de luluberlu
Da !Camarade Nikolai !

Da !

Camarade Nikolai ! voulez-vous  voyager coupé fines en rondelles dans une valise diplomatique pour rentrer dans notre beau pays ... À moins, bien sûr, que vous souhaitiez travailler à la construction d'un oléoduc en Sibérie, comme manœuvre ? Répondez !

plume bernache
action!

 

 Qui disait que ça manquait d'action?

 Manuella a fait taire les "mauvaises"devil langues. Il suffisait de demander.

 

 Pourrait-on avoir la traduction exacte de la deuxième phrase de luluberlu ?angel

luluberlu
Portrait de luluberlu
On nous balade de « soviet

On nous balade de « soviet kiss » en roucoulades, on nous loge dans un « apartament rigoleau » au frigo vide, y’a des loups, de l’opium, des beautés méditerranéennes ( plein ! et alanguies, si si ! ), 3 oilibrius… d’olive ( Nicolaï, Pavel et Sergeï ) en plus, + Claire ( qui est une Madame, excusez du peu ! ). Il y a même une traînée de poudre… ça va sauter, je vous le dis ; vous allez être propulsés sur le devant de la scène internationale ! Encore un « soviet kiss »... et boum ! et bien soûrre, Esmée râle, da ! quel méli mélo ! Je confirme : « quelle vulgarité » !   Ça nous promet du « spectracle ».

plume bernache
   Ravie de ton retour parmi

 

 Ravie de ton retour parmi nous Manuella! Notre histoire va pouvoir enfin s'étoffer. On commençait à fatiguer.

Comme tu as pu lire notre roman a débuté à Moscou sur la Place Rouge (tableau initial) les évènements l'ont délocalisée à Paris(sous le parapluie rose de Nathalie au beau milieu de la place de l'Opéra et qui sait si elle va rester là  un moment ou se poursuivre ailleurs ? Aux suivants d'en décider: olala , toi, et ensuite les autres! Je m'en réjouis d'avance.

olala
La Place Rouge

Avec plaisir. Tous les intervenants sont les bienvenus d'autant qu'ils se font bien rares comme tu peux le constater. Alors un peu de " sang neuf " que souhaiter de mieux !  A bientôt donc le plaisir de te lire ?

Manuella
Portrait de Manuella
Coucou, je viens de découvrir

Coucou, je viens de découvrir cette histoire à poursuivre avec joie et je me suis dit que je pourrais aussi participer si vous voulez bien.

Cordialement, dans l'attente de votre réponse, qui j'espère sera favorable

enlightened

Manuella
Portrait de Manuella
Coucou à tous.  Une pause

Coucou à tous.  Une pause forcée et hop je vous rejoins sur la Place  Rouge de l'Opéra (c'est bien ça ? ) pour ajouter mon grain de sel.

enlightened

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