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Contrainte : d’après le film Inspiré de l’histoire vraie de William Kamkwamba et adapté de son roman.   

     

C’était l’histoire d’une petite fille et d’un renard, ou bien d’un renard et d’une petite fille... Enfin, peu importe, les deux étant inséparables. L’un n’allait pas sans l’autre. On ne savait plus de quand datait cette amitié, mais un jour ils s’étaient reconnus, s’étaient aperçus qu’ils avaient le cœur de la même couleur.

Au bord de l’étang, on voyait donc souvent une flamme blonde et rousse onduler dans le soleil : c’était le renard. Quant à la fillette, on savait qu’elle était là, mais on ne voyait pas grand-chose car c’était une petite fille qui vivait dans son ombre de petite fille, oui, vous avez bien entendu. Elle avait peur de sortir de son ombre, bien à l’abri, chez elle en somme. Son ami le renard avait bien essayé quelquefois de l’en faire sortir, mais chaque fois elle se sentait si ridicule, vilaine, bouffie comme un vulgaire beignet de foire, et ne supportait pas le moindre regard des autres. Les choses étaient ainsi et tout le monde s’en accommodait : la petite sous son ombre et le renard resplendissant au soleil.

Un jour qu’ils marchaient cœur à cœur le long de l’étang, survint un troisième compère : c’était le vent. Il faut vous dire que ce vent-là n’avait reçu aucune éducation. Des parents laxistes en avaient fait un petit dieu, tant ils le trouvaient beau et fort. Malheureusement notre Éole en était resté dans la confusion et le manque identitaire. Il se voulait maître du monde. Et bien sûr, qui aurait voulu d’un ami aussi caractériel ? Il changeait sans arrêt de comportement au gré de son humeur. Il en était, je crois, devenu un peu fou. On pouvait le nommer Zéphyr ou Brise quand il était calme et que son souffle avait des airs de douceur, de tendresse même. On l’appelait Aquilon quand il était désagréable, et même Bourrasque ou Blizzard quand il devenait odieusement cruel. Bref, il était donc très seul, en souffrait beaucoup et comme on sait la souffrance peut rendre parfois très méchant.

Ce jour-là, notre Aquilon avait très envie d’agacer et d’ennuyer quelqu’un. Quand on est seul et malheureux n’a-t-on pas envie de démolir le bonheur des autres ? Aussi après avoir tournoyé en ricanant autour de la gamine et de son ami le renard, il voulut arracher l’ombre de la petite qui s’y accrochait de toutes ses forces. Renard vint à son secours et ce diable d’Aquilon en fut pour ses frais. De guerre lasse :

— Bah ! se dit-il, je reviendrai quand ils ne s’y attendront pas. Allons jouer plus loin, je vais bien trouver quelque chose à démolir !...

La fillette avait de grosses larmes dans les yeux. Heureusement, son ami le renard était là, et c’était un renard qui connaissait la vie...

— Mais pourquoi est-il si méchant ? sanglota-t-elle

— Parce qu’il est seul, il n’a pas d’amis.

— Je veux bien être son amie, mais c’est lui qui ne veut rien savoir. Que peut-on faire ?

— Il faudrait l’apprivoiser.

— Comment peut-on apprivoiser quelqu’un qui ne veut pas ?

— Il faut lui faire confiance, lui donner sa chance. Nous allons l’accueillir en ami, lui qui n’en a pas, et nous allons lui demander de l’aide pour qu’il se sente utile. Il faut lui tendre le miroir de ce qu’il porte en lui de plus beau.

— De quelle aide parles-tu ?

— Et bien, as-tu remarqué la musique qu’il fait quand il court dans les roseaux le long de l’étang ?

— Oui, quelquefois c’est très beau.

— Et bien nous allons lui demander de nous apprendre à faire de la musique.

Ainsi fut fait.

À quelque temps de là, notre polisson de vent s’apprêtait à renouveler ses bêtises avec sournoiserie. Il s’approchait doucement des deux amis quand :

— Bonjour Zéphyr, quel beau temps n’est-ce pas ? Comment fais-tu pour produire une si belle musique en jouant dans les roseaux ? Renard et moi, nous aimerions tellement que tu nous l’apprennes...

Le vent en eut le souffle coupé. Il n’était plus l’ennemi qu’on chassait ? À qui l’on tournait le dos ? Qu’on fuyait en lui claquant la porte au nez ? Il n’était utile à personne ( à part les moulins à vent bien sûr ) et voilà qu’il devenait important pour une petite fille et un renard... Un peu gêné, notre Zéphyr, qui peut-être s’appelait Brise à ce moment-là, alla cueillir quelques roseaux et fabriqua des flûtiaux pour ses tous nouveaux amis. Il leur montra comment le souffle peut donner vie à la plus merveilleuse des musiques. La petite fille se mit à rire et en oublia son ombre qui avait glissé et désormais traînerait par terre comme toutes les ombres, et le soleil en profita pour jouer dans ses longs cheveux avant d’aller rire, lui aussi, en une cascade de miroirs à la surface de l’étang...

 

Désormais, le long de l’étang on verrait donc souvent quatre amis rire dans le soleil.

Quatre amis ?

Mais oui, voyons : une petite fille cheveux au vent, un renard, le vent, et une merveilleuse musique !

 

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Commentaires

olala
L'enfant qui apprivoisait le vent

Un très beau conte tout en douceur, poésie et musicalité.

plume bernache
album

 

  On pourrait faire un album illustré pour les enfants avec ce joli conte. Les mots sont justes, poétiques,

 et les scènes décrites comme les tableaux successifs d'un livre d'images.

De plus j'aime beaucoup la morale de cette histoire :

"Comment apprivoiser quelqu'un qui ne veut pas ?"

"Lui faire confiance lui donner sa chance, lui tendre le miroir de ce qu'il porte en lui de plus beau"

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