Contrainte : Sur une musique d’A. Vivaldi (Les exos de l’atelier) - Nisi Dominus
Quelles sont ces ombres ma mère
Quelles sont ces ombres au clair de lune ?
Ce sont les arbres mon fils
Ce sont les arbres au clair de lune
Pourquoi bougent-ils ma mère
Pourquoi bougent-ils au clair de lune ?
Ce sont leurs feuilles mon fils
Ce sont leurs feuilles qui frémissent
Pourquoi pleurent-elles ma mère
Pourquoi pleurent-elles au clair de lune ?
Mais c’est la pluie mon fils
La fraîche bruine qui les arrose
Pourquoi ces cris ma mère
Pourquoi ces plaintes au clair de lune ?
Mais c’est le vent mon fils
La douce brise dans les branchages
Pourquoi ces feux ma mère
Pourquoi ces coups au clair de lune ?
Mais c’est l’orage mon fils
C’est le tonnerre sur les cimes
Pourquoi mens-tu ma mère
Pourquoi mens-tu à ton enfant ?
Alors tu sais mon fils
Mais que sais-tu du clair de lune ?
Ce sont les âmes ma mère
Ce sont les âmes au clair de lune
Quelles âmes mon fils
Mais quelles âmes entends-tu donc ?
Celles des transis ma mère
Celles des transis au clair de lune
De quels transis mon fils
De quels transis me parles-tu ?
Tous les bannis ma mère
Tous les exclus les écartés
Les méprisés les refusés
Les égarés les massacrés
Les suppliciés les invisibles
C’est le long troupeau de nos frères
Des temps de guerre ou d’aujourd’hui
Qui nous supplient au clair de lune.
Commentaires
Je relis pour la énième fois ce superbe texte. Outre l'écriture j'ai particulièrement aimé le "binôme " mère-fils...
Etrange propension des mamans en général à les protéger de tout, les réalités de l'existence y compris, à leur cacher certains évènements et situations, à taire tout ce qui pourrait bousculer leur petit "éden" : le risque énorme au bout du compte de perdre leur confiance.
Nos enfants ne sont pas dupes, ils ont des antennes, un sixième sens qui sait distinguer le vrai du faux, le faux du vrai... et ils sont capables d'entendre et de comprendre beaucoup de choses. A nous de trouver les mots pour dire, expliquer, accompagner.
Dur métier que le nôtre, tu ne trouves pas ?
Oui, ce morceau et cette voix s'infiltrent en des zones profondes qui en ce moment sont bousculées par une actualité nauséabonde.
Et tout cela entre tellement en résonance avec le livre magnifique abordé ensemble …Tristesse et sentiment d'impuissance. On n'a donc rien appris du passé.
Mais je crois qu'il est bon de réfléchir et de partager… ne serait-ce qu'en écoutant cette belle musique de Vivaldi.
Merci Croisic. Je suis heureuse d'avoir pû faire partager mon émotion éprouvée à l'écoute de cette musique de Vivaldi interprétée divinement par une voix qui vous renverse le coeur et l'âme.
... superbement écrit, je dirais même ciselé.
Texte bouleversant.
J'ai beaucoup aimé. Merci.
Un texte poignant, qui m’a rappelé le café littéraire d’hier ( En mémoire de la forêt, Charles T. Power ) et les vidéos que je vous ai infligé. Il m’en reste une tristesse profonde, un dégoût de l’humaine nature dont je n’arrive pas à me départir. Triste, profondément.
« De quels transis me parles-tu ?
Tous les bannis ma mère
Tous les exclus les écartés
Les méprisés les refusés
Les égarés les massacrés
Les suppliciés les invisibles
C’est le long troupeau de nos frères
Des temps de guerre ou d’aujourd’hui
Qui nous supplient au clair de lune. »
Une fois encore un bien joli texte, tout en nostalgie et belles allégories.