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Prononcer : l’quat-quarts

Je me trouve dans notre vaste cuisine, haute de plafond. Carrelage blanc cassé à fleurs stylisées rouge et bleu, à droite de la porte un très grand placard vernis marron, en face une cuisinière à charbon restée en place malgré sa remplaçante alimentée au gaz, tout à droite et en face un évier brun au bout d’un plan de travail à carreaux blancs. Sur le mur de gauche six casseroles en aluminium sont accrochées selon leur taille et combien de fois ne les ai-je pas fait danser et tinter de leur son mat et bien peu musical ! Un luminaire à poulie, poussiéreux et gras car il est au repos depuis des années. Voilà l’aspect de notre cuisine roubaisienne des années cinquante.

En ce samedi après-midi le garçonnet de huit ans en culotte courte que je suis se tient auprès de sa mère occupée à poser sur la table tout ce dont nous aurons besoin pour le grand œuvre annoncé : d’abord les ustensiles, une large planche, une jatte en terre cuite, deux spatules en bois dont l’une est dotée d’un bout souple en caoutchouc blanc, un racloir ovale en plastique transparent, une large tourtière en fer blanc, bien noircie il est vrai, un rouleau à pâtisserie qui, je m’en souviens, avait perdu axe et poignées. Ensuite les ingrédients : de la farine bien blanche (et non bio), des œufs, du sucre en poudre ou cristallisé, de la margarine Astra (les quatre complices devant peser le même poids), de la bière, du sel et aussi un citron pour le zeste ou une petite bouteille d’Eau de fleur d’oranger.

Et voici la recette : ma mère bat les jaunes d’œuf avec le sucre. Elle verse la margarine fondue, y ajoute peu à peu la farine et enfin y verse les blancs d’œuf battus en neige et en touche finale un peu de bière, une pincée de sel et l’arôme du jour.

Je ne peux éluder le sujet de la bière, importante donnée culturelle du Nord. Nous buvions de la Maes-Meurisse, une modeste bière de table fournie au litre et apportée régulièrement en caisse de bois par un solide gaillard en tablier de cuir. Elle arrivait sur une charrette dotée de pneus, ce qui valait mieux sur les pavés de notre rue du Trichon, et tirée par deux chevaux munis d’œillères. Ces passages réguliers étaient une bénédiction pour nos jardins et le crottin guetté par les ménagères ne restait jamais longtemps sur le pavé.

Mais tout en digressant je ne perds pas une miette de ce que fait ma mère en attendant mon tour d’agir : elle pétrit la pâte et quand celle-ci forme une boule homogène et souple elle la sort de la jatte en ayant soin de bien racler les quelques réfractaires qui s’accrochent aux parois et refuseraient de passer au four. La boule est déposée sur la planche où j’ai préalablement jeté une poignée de farine antiadhérente. C’est alors que le rouleau à pâtisserie entre en action : roule roule roule ! La pâte subit une cure d’amaigrissement en hauteur mais en profite sournoisement pour étendre son territoire. Pendant la cure je badigeonne la tourtière avec un petit bâton muni d’un bout de chiffon trempé dans l’huile (non bio encore). Et ça brille ! C’est alors que pour moi l’intérêt croît. J’enlève délicatement le surplus de pâte qui déborde de la tourtière et j’en fais des rubans que je torsade un peu. Nous les appelions des « allumettes ». Elles accompagneront l’quat-quarts au four préalablement chauffé. Temps de cuisson : environ une heure.

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Commentaires

plume bernache
   Des couleurs des sons des

 

 Des couleurs des sons des matières, des odeurs, du mouvement. Tout est là pour recréer l'atmosphère de cette cuisine familiale.

On est là avec ce petit garçon et dès que la maman aura le dos tourné, on chipera une de ces "allumettes"torsadées. Mmmm…

luluberlu
Portrait de luluberlu
Une recette prétexte à

Une recette prétexte à nostalgie ou une recette nostagie ? J'ai bien aimé.

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