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Contraintes : le même jour à la même heure

 

Résumé du 2e épisode : Georges, le demi-frère d'Arlette, se prépare pour le rendez-vous chez sa cancérologue. Arlette arrive chez son gynécologue tandis que Jean-Claude et Samba rejoignent le cabinet de psychiatrie.

 

Georges, assis sur un strapontin, regardait distraitement les maisons défiler et jouant à cache-cache derrière des platanes dont les moignons semblaient implorer le Ciel. Mais peut-être était-ce une Internationale qu’ils accompagnaient de leurs poings levés ? Georges y devinait les bourgeons qui n’attendaient que le signal du printemps. Il aurait pu choisir une des nombreuses banquettes disponibles à cette heure, mais il affectionnait les strapontins qui lui rappelaient d’heureux souvenirs d’enfance.

 

Un brusque coup de frein le tira de sa rêverie. Le chauffeur venait de sauver la vie d’un chien qui arpentait nonchalamment la chaussée en toute inconscience des dangers de la rue.

 

Quelques gouttes zébrèrent obliquement la vitre, mais cela ne dura pas et Georges en descendant au Rond-point Poincaré n’eut pas à regretter le parapluie absent.

 

« Tiens, j’ai un peu d’avance et je prendrais bien un petit noir… ».

 

Mais en ce quartier excentré les bistrots étaient rares. En cheminant Georges aperçut un chat pelotonné sur l’appui d’une fenêtre et… devinez ce qui arriva ! mit le pied sur un étron fraîchement pondu.

 

« Quelle guigne ! » pesta-t-il, cherchant une arête de pierre où laisser le plus gros du paquet. Il essuya ensuite la semelle sur une maigre touffe d’herbes.

« Il me faudrait une flaque d’eau pour finaliser l’opération », marmonna-t-il.

 

Au terme de ces deux minutes perdues il aperçut un bistrot du genre Routier « Chez Véro et Jules ».

 

« Un expresso, s’il vous plaît ! » commanda-t-il au patron qui, détail peu banal à notre époque, arborait des bretelles sur un gaillard d’avant généreux. En dépit de cet atout non négligeable le présumé Jules ne respirait pas la joie. À quelques mètres de Georges deux retraités mâles étaient penchés sur leurs bières et l’un d’eux chuchotait assez distinctement pour qu’il puisse entendre :

 

« … Oui, elle est partie avec le livreur de bière, tu sais, le rouquin qui lançait une vanne à chaque livraison ! »

 

« Cancer ou arrache-cœur… Quel est le plus grand malheur ?… » songea Georges en avalant la dernière gorgée, un peu trop sucrée. Il sortit une pièce de deux euros, prit sa monnaie et franchissant la porte avisa un vieux paillasson en caoutchouc et y frotti-frotta sa semelle aux effluves indélicats.

 

Bon, plus de temps à perdre ! Il allongea le pas, l’œil aux aguets de sournois traquenards, et de trottoir en trottoir il finit par atteindre le cabinet du Docteur Jhimagine installé au rez-de-chaussée d’un immeuble des années 50.

 

« Docteur Emma Jhimagine
Ancien interne des hôpitaux de Nantes
Cardiologie 
»

 

annonça une plaque à l’éclat éteint. Il allait appuyer sur le bouton quand soudain…

 

« De bon matin j’ai rencontré le train ! »

 

C’était son téléphone portable qui entonnait la Marche des rois. Georges extirpa fébrilement l’objet de sa trousse et appuya sur la touche idoine…

 

« Allo ? Ah, c’est toi Arlette ! … Dimanche à midi ?… Oui avec plaisir… Ah, bon !… Oui, c’est aujourd’hui et j’allais justement entrer dans le cabinet… Amitiés à Jean-Claude… Oui, à dimanche ! »

 

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Commentaires

plume bernache
rébellion

 

 Les platanes au moignon levé (quelle trouvaille !) manifestent contre l'élagueur qui les a mutilés à ce point.

Ils ont raison. Je les soutiens. Quand leurs feuilles paraîtront, ils pourront y inscrire leurs revendications…

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