Accueil

Contraintes : le même jour à la même heure

Chapitre un : Jeanne chez le « psy »

Quand elle entre, il n’y a personne dans la salle. Elle s’assoit sur le siège le plus éloigné de la porte du cabinet de consultation. Veut-elle retarder au maximum la poignée de main du docteur Simon Dujoyeux ? C’est pourtant de son plein gré qu’elle vient consulter. Elle n’a pas envie d’affronter les questions indiscrètes de ses parents ; de sa mère surtout. Et pourtant il est inévitable que celle-ci se pose très vite des questions. Une fille de vingt-cinq ans qui n’a plus ses règles depuis quatre mois… bon, ce n’est pas elle qui le lui dira, mais une mère sent ces choses. La cohabitation crée une promiscuité souvent gênante.
Et elle ne voit pas comment elle pourra se justifier. Personne ne la croira. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive. C’est une amie gynécologue qui lui a conseillé de venir consulter ce psy. Le meilleur de la ville. Et surtout son cabinet est loin de chez elle ; elle ne risque pas rencontrer des vois…

— Tiens bonjour Marie ! Clame madame Michu qui entre en virevoltant à grand fracas de talons et s’installe juste à côté d’elle. Ah, vous aussi ça tourne pas rond dans votre tête ? Bizarre, votre maman ne m’en a pas parlé. Ça m’étonne, on se dit tout d’habitude.

— Mais madame, vous faites erreur je ne suis pas Marie…

— Ah bon ? Donc vous êtes Jeanne ! Je vous confonds tout le temps. Vous êtes de vraies jumelles vous deux.

Jeanne baisse la tête et fait mine de chercher quelque chose dans son sac. Quelle guigne d’avoir rencontré cette pipelette ! Elle est sûre que toute la rue va être au courant de sa visite chez le « docteur des fous », c’est ainsi qu’on en parle dans son entourage. Et surtout elle va s’empresser de tout raconter à sa mère. Soudain elle a une idée.

— Non madame Michu, je ne suis pas malade. Je ne viens pas pour moi, je rapporte cette carte bleue au docteur. Figurez-vous que tout à l’heure j’ai voulu retirer de l’argent au distributeur du coin de la rue, et cette carte était à demi insérée dans la fente de l’appareil. Quand j’ai lu le nom et l’adresse, j’ai pensé que ce serait sympa de la rapporter de suite à son propriétaire…

— Ah, je comprends… vous êtes une brave fille. Mais dites-moi, vous risquez attendre longtemps… Donnez-la-moi cette carte, je la lui remettrai moi à monsieur Dujoyeux, de toute façon j’ai rendez-vous. Et comme ça, vous pouvez partir tout de suite !
 

La porte du cabinet s’ouvre brusquement et un homme en blouse blanche, souriant, au regard malicieux appelle : Mademoi…
Jeanne déjà debout se précipite dans la pièce de consultation et c’est elle qui referme la porte avant que la péronnelle puisse dire quoi que ce soit.

Chapitre deux : Marie et Hugues chez le « gynéco »

Le ventre conquérant, Marie entre dans la salle où patientent une bonne dizaine de femmes enceintes à des degrés divers. Elle présente à la secrétaire deux cartes vitales : la sienne et celle de Hugues, son mari qui va arriver d’un instant à l’autre, le temps de garer la voiture.

— Je n’ai besoin que de la vôtre, madame, sourit la secrétaire en rendant la carte inutile, c’est vous, je présume, que le docteur va examiner…

Quelques rires étouffés dans la salle d’attente dénotent un manque total de confidentialité. La jeune femme se penche au-dessus du comptoir et glisse quelques mots à l’oreille de l’employée qui reprend alors la carte verte de Hugues et l’enregistre. Des regards interrogateurs et quelque peu moqueurs se croisent parmi les patientes faussement plongées dans la lecture de leur magazine froissé.

Quelques minutes plus tard, un grand échalas blond ébouriffé fait son entrée, son polo de sport moulant une « brioche » bien proéminente. Un peu gêné sous tous ces regards féminins légèrement ironiques, il cherche une place. Marie lui fait un petit signe pour raccourcir ce moment embarrassant. Tous les sièges étant pris, il s’appuie contre le mur près de sa femme et essaie de prendre un air dégagé.

Chapitre trois : Pedro et Henriette chez le cancérologue

Pedro et Henriette se risquent timidement dans la pièce surchargée de patients. Derrière un paravent translucide, une secrétaire pianote sur son ordinateur tout en répondant au téléphone. D’un signe de tête, elle indique aux deux nouveaux entrants de prendre un numéro d’ordre au distributeur et de s’installer dans la salle. Henriette regarde Pedro, Pedro regarde Henriette. Tentés de faire demi-tour, ils finissent par tirer un numéro. « Treize »… on reste, ça porte bonheur chuchote Pedro à l’oreille de sa femme qui esquisse un pauvre sourire. Ils savent qu’ils sont prisonniers de ce lieu pour au moins trois heures. Il trie dans le tas de magazines ceux susceptibles de l’intéresser : le choix se limite à la presse people, aux programmes télé de l’année dernière et aux nouvelles du club de golf de la ville. Henriette pioche dans son sac et extirpe les « Mémoires d’Hadrien ». Elle persifle : avec Marguerite, je peux tenir le siège…

 

6
Votre vote : Aucun(e) Moyenne : 6 (2 votes)

Commentaires

Manuella
Portrait de Manuella
On est pressé de lire la

On est pressé de lire la suite !

 Les personnages sont tous bien sympathiques. On les aime déjà et on veut savoir ce que va leur arriver !

Une vraie «  série » ? Ce serait chouette !yes

enlightened

Lauris TAN
J'ai vraiment adoré

J'ai vraiment adoré !

 

Pauvre Jeanne, elle qui voulait passer incognito...

 

 

luluberlu
Portrait de luluberlu
On a donc la plume

On a donc la plume malicieuse. J’ai adoré et j’attends la suite avec impatience.

Vous devez vous connecter pour poster des commentaires