
Au bel enfant de Perse et d’ailleurs
viens
ici nos maisons ont des murs qui soutiennent des toits bien étanches
les chaussées sont praticables
les unes des journaux emplies de scandales dérisoires
évite juste de jeter un œil sur nos paquets de tabac
ils contiennent des images qui pourraient te traumatiser
mais notre vision du monde n’est pas insupportable au travers du monocle à pixels
ici nous ne devons pas nous battre
nous parlons de roses au jardin
de cendres dans les cœurs
et de draps désertés par nos couples
nous parlons d’excès d’heures de labeur
de protection à l’abri du préau des mutuelles
nous lisons beaucoup d’histoires palpitantes
nous passons du temps à écrire sur ces événements de la vie
et
l’hiver ici
on enduit nos lèvres de beurre de cacao
pas de poussière
pas de vacarme et de chlore la nuit
pas d’avenir angoissant à interroger au travers de châssis brisés
ni de déserts empierrés à s’écorcher les pieds
nous n’irons pas en mer
où risquer d’aspirer une dernière gorgée de vie
quand coulera le rafiot chèrement emprunté aux passeurs
viens sans rien
sans qu’il faille t’enfouir au fond d’une cave suffocante
approche petit
une mine vient de croquer la jambe de ton ami
un tireur embusqué d’évider la tête de ton papa d’un bout de cuivre à capsule explosive
un plop de mortier a soufflé les boyaux et le fusil
d’un inconnu dans le quartier
sur les gravats de ta maison
viens mon garçon viens ma fille
viens
car nous avons perdu l’angoisse
nous ne savons plus d’ailleurs en quoi cela consiste
sinon de n’être pas tout à fait assurés que tu n’es pas dangereux pour nous
mais laissons cela
« dieu reconnaîtra les siens »…

Commentaires
Quand la poésie se met au service de la réflexion lucide avec une ironie bien dosée.(et l'hiver ici on enduit nos lèvres de beurre de cacao)
"Dieu reconnaîtra les siens…" L'argument inusable .
En écho avec vous RB, je répète "Viens petit, viens petite…"
Merci d'avoir proposé cette réflexion.