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Un texte inspiré par une émission de France Culture - Série : la E.ghost company - synopsis de Sedef Ecer

— Mariné ! Vous en voulez du mariné ! Savez où vous êtes ?

— Eh oh ! C’est Noël ! Vous me faites venir un jour de Noël et vous voudriez me priver du plat traditionnel ! Vous êtes gonflés à la E.ghost... En fait c’est parce que vous ne savez pas.

— Savoir quoi ?

— La recette tient !

— La recette ?

— Voui. Bon, je vous explique : vous prenez des harengs, vous ôtez la dorsale, faites mariner les filets dans la moutarde avec un jaune d’œuf et un trait de crème. Ensuite, vous refermez deux par deux avec de l’aneth au milieu, roulez dans de la farine de seigle tamisée et vous poêlez avec beaucoup de beurre. (1)

— Du beurre ?

— Voui ! pas d’huile d’olive malheureux ! Vous truffez d’ail un jambon de Noël, vous ?

— Euh... non. Faut dire qu’il y a longtemps que je n’ai pas mangé de jambon de Noël. La E.ghost n’offre pas de banquet à Noël.

— Ah ! vous voyez, pas d’ail et pas d’huile d’olive.  

— Oui, bon. Ça semble appétissant, mais où est-ce qu’on va trouver tout ça ici ? Le hareng, faut voir, encore qu’on ait surtout du maquereau de l’inter pas net... faisandé et cuit.

— Cuit ?

— Ben oui, ils ont en enfer. Et puis, de la moutarde ??? J’ai bien de la graine, mais c’est de la mauvaise. En enfer itou.

— Mais, malheureux, vous bouffez quoi à Noël ?

— Parfois du curé, mais pas mariné.

— Du curé ?

— Voui MOSIEUR, du curé !

— C’est pas un peu rance ?

— Ah ça, je vous l’accorde. Tiens ça me fait penser : j’en ai un qui arrive... Il s’est pendu... avec sa soutane. Un fondamentaliste et maigre, maigre. Devait faire carême toute l’année. C’est ça aussi le ça sert d’os. Hihihihi... Zêtes pas croyant au moins ? Parce que Noël ?

— Noël, c’est pas rien... enfin, païen ; avec le petit papa (et des fois la maman si elle a pas mal à la tête). Bon, et mon hareng, et ma moutarde ?

— Mon petit, va falloir vous y faire. Y’a pas de super market icite, même au carrefour. Juste l’azur, et, parfois, un altostratus, juste un. Pis les fantômes, ça bouffe rien... ce qui ne les empêche pas de péter. Vous connaissez le proverbe ?

— Le proverbe ?

— Oui, le proverbe : « Taxe sur les sociétés fantômes : Impôt sur le revenant. Pfuiiit, comme les capitaux. »

— Hou là là ! Je veux pas vous vexer, mais vous trimballez de méchantes valises sous les quinquets et laisse-moi vous dire que c’est pas du Vuitton. Du lourd !

— Ben tiens, à propos de société fantôme, vous pouvez m’expliquer ?

— Hé ho ! Inutile d’employer un thermomètre de haute précision pour prendre la température d’un fantôme (2).

— Hé hé, faut voir.

— Faites gaffe ou le fantôme de ma femme reviendra vous châtier. Elle a toujours eu un fort tempérament. Du coup, j’aimerais bien lui envoyer une petite bafouille. Vous avez un bureau de poste ici ?

— Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route (3).

— Ils bouffent pas, mais ils boivent ?

— Ah, c’est juste une métaphore (à consommer avec modération).

— Vous y croyez aux fantômes ?

— Si vous en aviez rencontré autant que moi, vous n’y croiriez pas. Bon, c’est pas tout, je vais refiler votre dossier fiscal à notre filiale.

— Bercy beaucoup, mais vous croyez que c’est nécessaire ? Une société fantôme, ça ne laisse pas de traces... Y’aurait pas des courants d’air, parce que je m’enrhume, je crois.

— P'tain ! les fantômes, arrêtez de brasser de l’air. Faut toujours qu’ils s’agitent quand on leur parle de cuisine... fiscale ou non d’ailleurs. En attendant, je vais vous laisser mariner au purgatoire. Parce que là, la moutarde me monte au nez, vous essayez de noyer le poisson. Y’a des harengs, mais ce sont des demi-sel... Sont pas prêts de sortir ceux-là. Vous connaissez le proverbe.

— Heu...

— Lorsque le hareng saur, les vierges se roulent dans la farigoulette.

— Rien de tel que les aromates pour donner du piment. Bon, c’est pas tout, j’y vais : j’ai la moutarde, les harengs à dessaler, pour le jaune je vais bien trouver un syndicaliste, et pour l’aneth, y’a Annie qui y est aussi.

— Annie ?

— Bé voui, Annie. Vous connaissez pas la chanson ?

— Qué chanson ?

— Annie aime les sucettes, les sucettes à l’aneth...

— En plus, il se fout de ma gueule. Allez ouste, au purgatoire, y’a plein de fiscalistes et des anciens de Bercy, vont bien vous arranger.

N’empêche, le zigue de la E.ghost, peut pas s’empêcher de fredonner « Annie aime les sucettes, les sucettes à l’aneth... »

1) recette suédoise
2) Jean Rostand
3) Kafka – Lettre à Milena

 

 

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Commentaires

plume bernache
innocence

 

 Encore des découvertes à la e.ghost company…Mais il y a tant de références, politiques, littéraires, religieuses, anatomiques, musicales, plus toutes celles que je n'aurais pas décelées, que je ne sais plus si c'est du lard ou du cochon…

Et me voilà avec une ritournelle dans la tête, attifée de paroles dont je n'avais pas soupçonné la perversité. quoi que avec Gainsbourg…

Pauvre France Gall, quand elle arrivera à la" e. ghost company" elle risque avoir du mal à prouver son innocence !

barzoï (manquant)
Alors c'est toi Luluberlu qui

Alors c’est toi Luluberlu qui à écrit cette histoire, je guettais l’auteur, j’ai eu un soupçon, mais je me disais que Luluberlu avait trop de poids pour faire le pois sauteur. J’ai eu besoin de le dire en face : ce texte m’a régalée et tant pis si je rabâche, c’est un tic que j’ai depuis l’enfance. On s’amuse vraiment bien à la E.Ghosth, bravo pour ça aussi.

barzoï (manquant)
E.Ghost mariné

Comme j'ai éclaté de rire, j’ai noté avant le commentaire, l’auteur en a pris pour son grade!. Bravo et merci, on se régale., même avec les boissons : Judas nie ou Judas net ?

En plus j’adore les histoires de cuisine et de recettes, au propre et au figuré cf. « beignets de tomates vertes » et d’autres encore dont je n’ai plus le titre ni le nom de l'auteur, seulement l’immense plaisir du souvenir..

Un texte stylé, rythmé qui reste en tête.

J'ai cliqué sur le lien, c'était super.

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