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L’exo : l’eau

Il était une fois...

Ainsi pourrait bien commencer l’histoire de Gotalina la jolie et si pétillante petite goutte d’eau qui certain jour, un vilain soir d’orage, quitte le moelleux douillet de son petit nuage.

Sans savoir trop comment, la voilà alors échouée sur un pan de montagne un peu abrupt dans une anfractuosité de rocher.

Combien de temps y reste-t-elle tapie ? Difficile à dire. Le temps, c’est certain, d’en connaître tous les recoins, toutes les aspérités car elle est très curieuse. C’est cette même curiosité qui, très vite, l’amène à s’ennuyer. « J’aimerais tant voir le jour, découvrir le monde et connaître la mer », soliloque-t-elle en explorant pour la énième fois son domaine exigu.

C’est alors que se produit un grand branle-bas là-haut tout là-haut dans le ciel, une agitation extrême et fort bruyante que reconnaît aussitôt notre gouttelette pour en avoir été un jour la malheureuse victime.

« Baoum braoum », gronde le tonnerre furieux.

« Wouuuh », souffle le vent agacé en bousculant et chassant devant lui des nuages noirs de peur.

Plic-ploc tambourinent alors les premières gouttes de pluie. Plic-ploc plic-ploc... les gouttes se font plus drues, plus pressantes.

Aussitôt en alerte Gotalina prête une oreille attentive, comprenant que le moment est peut-être venu pour elle de...

Un nouveau et énorme coup de tonnerre déchire l’atmosphère et un amas d’eau, des milliers, des millions, des milliards de gouttes d’eau pareilles à elle s’abattent sur la montagne dans un fracas assourdissant, envahissent son petit abri et l’entraînent au-dehors.

« Pas si vite, pas si vite », s’époumone en vain notre Gotalina courageuse, certes, mais pas téméraire. Rien n’y fait ; ses appels se perdent dans le vacarme infernal des abats d’eau. « Aaaaaaaaaaah » son cri cette fois se fait plus strident ; il troue l’espace et se répercute en écho dans la montagne. Gotalina vient de faire le grand saut. Une gigantesque cascade l’entraîne dans ses eaux hurlantes et tapageuses. Très vite pourtant son « Aaaaaah » épouvanté se transforme en « Ouiiiiiiiiii » d’aise et de contentement !

« Même plus peur, même plus peur », fanfaronne-t-elle, bien calée dans les eaux bouillonnantes du torrent comme s’il s’agissait ni plus ni moins que d’un toboggan ou d’un bobsleigh un peu fou, mais inoffensif.

Ainsi de cascades en cascatelles Gotalina se laisse porter, prudente certes, mais sans plus d’appréhension aucune, confiante même. Adviendra ce qu’il adviendra. Entraînée dans une course folle, se riant des rochers et des pierres, des creux et des bosses elle saute, bondit, caracole ; enfin libérée de sa sombre prison, telle une nymphe joyeuse et intrépide elle poursuit son tumultueux voyage aquatique.

Tiens, quelque chose a changé brusquement qu’elle n’a pas eu le loisir de pressentir : le paysage alentour, les fragrances, l’ambiance sonore, le remous de l’eau au-dessous d’elle... et pour cause. C’est un ruisseau qui la porte maintenant ; plus paisible et tellement moins bruyant ; à peine un murmure, juste un babil, un doux gazouillis qui se mêle à celui des oiseaux. Tout autour d’elle doucement se balancent les joncs et autres herbes serpentines. Sur la berge fleurie, trembles et aulnes étendent leur ombre généreuse. L’herbe partout étincelle de perles nacrées. « Bonjour », leur crie-t-elle gaiement. Comme tout est beau songe-t-elle avec un délicieux petit frisson de bonheur. Gotalina n’a plus assez de tous ses sens pour admirer tout ce foisonnement de couleurs, de senteurs et de sensations ! Dans l’azur désormais très pur le soleil chaleureux et complice lui sourit. Trop à voir, sentir et écouter en même temps, un instant de distraction et... Gotalina vient de heurter un drôle d’obstacle ; « Meuh », fait celui-ci en la soulevant hors de l’eau. « Regarde donc où tu vas », la gourmande-t-il gentiment. « Tu as de la chance, sais-tu, je viens justement de me désaltérer copieusement », poursuit-il en la déposant aussi délicatement que possible sur une feuille que quitte à l’instant Rana la petite grenouille. « Où vas-tu donc ainsi toute seulette ? » s’étonne alors le petit lutin vert en voyant Gotalina. « Voir la mer », répond celle-ci en riant. « Au revoir donc ; sois prudente, le monde est plein d’embûches », lui souffle encore Rana, et « prends garde au soleil surtout ». Mais petite goutte d’eau est déjà bien loin.

Et vogue, vogue le fragile esquif en direction de... la rivière ? Sans doute, car les eaux ici sont plus profondes et moins claires.

Souffle le vent, tourne la roue du moulin, coule, roule, chante l’eau de la rivière en traversant un joli village.

Gotalina observe avec avidité tout ce qui l’entoure et défile sous ses yeux.

La rivière s’est élargie tout à coup, voici le fleuve. La mer ne devrait plus être très loin se réjouit-elle. Épuisée elle ferme les yeux un instant et se laisse porter au gré du courant. Une bonne odeur d’iode la tire de ses rêveries.

« La mer », s’écrie-t-elle joyeusement oubliant d’être vigilante. « Comme le soleil est chaud ! » À peine le temps de s’apercevoir que... Elle se sent si légère tout à coup, légère, légère, tellement légère et elle disparaît dans l’éther pour y rejoindre la douce moiteur d’un nuage qui passait par là. Ainsi prend fin le beau voyage de notre gouttelette.

 

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Commentaires

Pizzicato
Une idée originale que ce

Une idée originale que ce voyage de " Gotalina " depuis cette " anfractuosité de rocher " jusqu'à la mer et puis rejoindre l'éther.

Un conte agréable à lire.

 

brume
Portrait de brume
Bonjour

Que de sensation m'inonde dans ce si joli conte.

C'est d'abord bruyant, survolté et au fil du voyage c'est plus paisible.

J'ai admiré le paysage et je me suis laissée emporté par le ruisseau, la rivière et le fleuve, et la petite Gotalina est attachante, téméraire et curieuse.

Le rythme est entrainant. J'ai aimé les couleurs et la gaieté que dégage votre texte.

 

pifouone
Exercice trop difficile pour

Exercice trop difficile pour moi que de conter l'histoire d'une goutte d'eau surtout avec un nom pareil, donc je salue la performance qui sous ma plume tournerait au ridicule. Pis j'ai beaucoup aimé :

« Baoum braoum » gronde le tonnerre furieux.

« Wouuuh » souffle le vent agacé en bousculant et chassant devant lui des nuages noirs de peur.

Plic-ploc tambourinent alors les premières gouttes de pluie. Plic-ploc plic-ploc..

Ca m'a fait marrer. Bravo.

luluberlu
Portrait de luluberlu
Oserai-je ? Oui, je vais

Oserai-je ? Oui, je vais l’écrire : je trouve qu’au début ce conte manque de fluidité, ce qui pour une histoire d’eau est paradoxal. Le calcaire sans doute. Quelques exemples :

— « d’eau qui certain jour, un vilain soir d’orage... » « Pourquoi certain jour » ?

— « Sans savoir trop comment » : ne dit-on pas plutôt « sans trop savoir comment » ?

— « la voilà alors échouée » : « alors » me semble superflu, ou pour l’exprimer autrement « ne me semble pas super fluide ».

Ensuite, ça s’améliore (Aaaaaah Ouiiiiiiiiii), mises à part quelques gouttelettes, encore appelées virgules, qu’il aurait fallu déplacer voire supprimer... mais bon, c’est sans doute dû à l’orage. Juste un exemple :

« Entraînée dans une course folle, se riant des rochers et des pierres, des creux et des bosses elle saute, bondit, caracole » : compte tenu du contexte il aurait fallu écrire « Entraînée dans une course folle, se riant des rochers et des pierres, des creux et des bosses, elle saute, bondit, caracole... »

Quoi qu’il en soir, j’ai bien aimé les « fragrances » et le charmant « babil » de ce joli conte. Merci pour ce bon moment.

barzoi (manquant)
un aussi beau voyage

Du rythme, de la poésie, un conte, du foisonnement, j'ai adoré. Gotalina j'ai gouté ta vie en moi. Merci.

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