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Je connais un long fleuve rose et gris
qui, inlassablement,
comme un bélier présomptueux se jette
à l’assaut d’un océan.
Le combat inégal le ramène blessé,
sali
et chargé de bois mort sur les berges de l’île.

Un feu permanent brûle la pierre de la cheminée
au cœur de la vieille maison posée sur l’île,
comme une certitude.
Mais,
il ne pourra jamais consumer tout ce bois
ni mater le grand fleuve.

Vasières et roselières
se laissent envahir et déserter
dans de longues plaintes visqueuses.

Sur ma barque à fond plat 
je vais chaque jour à la rencontre de l’île
et j’attends avec elle 
que le fleuve surgisse 
avec la violence de l’océan furieux 
ou avec la langueur d’un soir amoureux.

C’est la grande valse nuptiale de la terre et de l’eau
qui depuis des millénaires se danse
au rythme des marées
l’infidélité de quelques heures
goulûment rattrapée
en une étreinte sauvage ou tendre.


Les assauts répétés
de cet amant insatiable
se brisent sur mon île
en laissant des présents nacrés ou sombres selon son humeur. 
La maison est la gardienne de ces trésors sans âge,
sans noms souvent, sans destins immédiats.
Seul le bois mort termine son voyage
dans la cheminée de pierre 
en sanglotant parfois,
selon qu’il arrive du Limousin par la Dordogne
ou de pays plus lointains par l’océan.

Je suis celle qui nourrit le feu
et scelle pour un instant seulement
un pacte d’amour avec les éléments.

 

 

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Commentaires

brume
Portrait de brume
Bonjour Croisic

Comme Tinuviel j'aime qu'on me parle des éléments de cette façon. Pas de banalités ni de descriptions figées.
Je vois et j'entends tous les éléments évoqués ici: la danse nuptiale du fleuve et de la terre, les bois morts ballottés, la chaleur du feu, la vieille maison témoin de toute cette vie qui s'anime, des éléments en fusion. Et ce poème est aussi très chaleureux, je m'y sens bien quand je le lis.

Tinuviel
Portrait de Tinuviel
La terre et le feu...

La terre et le feu... éléments primordiaux, qui s'entremêlent ici dans une danse sensuelle, presque chamanique. "La grande valse nuptiale de la terre et de l'eau"... et au milieu, cette narratrice qui se fait témoin, gardienne et lien de cette valse nuptiale éternelle.

 

Un texte hypnotisant, dont la liberté me fait penser à ce fleuve évoqué... tantôt fluide et calme, tantôt furieux et chargé de bois morts, empruntant différents lits et différents trajets selon son débit et son humeur. On y sent le regard d'amour porté sur ces éléments évoqués. J'aime quand on en parle ainsi... le regard et les mots m'émeuvent. Merci.

 

j'aime beaucoup aussi :

 

"l’infidélité de quelques heures
goulûment rattrapée
en une étreinte sauvage ou tendre."

luluberlu
Portrait de luluberlu
Aïe ! je vais juste poser là

Aïe ! je vais juste poser là ce qui me semble...

1) « au cœur de la vieille maison posée sur l’ile » : au cœur de la vieille maison. L’ile étant évoquée précédemment, je trouve que c’est inutile et que ça alourdi.

2) J’aurais aimé un mot plus fort et moins coupant comme « vorace » :

« Les assauts répétés
de cet amant insatiable
 »

3) « La maison est la gardienne de ces trésors sans âge, » :
Le « la » me semble superflu et nuit à la fluidité.

4) « Seul le bois mort termine son voyage
dans la cheminée de pierre
 » : on sait que la cheminée est de pierre. Je crois qu’on peut se passer de la redite qui n’amène rien.

 

Et ce qui me plait :

1) « Vasières et roselières
se laissent envahir et déserter
dans de longues plaintes visqueuses. » les plaintes visqueuses.

2) « Seul le bois mort termine son voyage
dans la cheminée de pierre 
en sanglotant parfois, » : les sanglots du bois.

3) « C’est la grande valse nuptiale de la terre et de l’eau »

 

Globalement, je crois que l’auteur aurait dû laisser la marée polir encore un peu son poème... Mais ce n’est que ma perception, bien sûr.

 

la poussière
comme j'aimerais connaitre

comme j'aimerais connaitre une maison entre terre et eau, propice à la contemplation et à la reflexion, qui génère un si beau texte.

plume bernache
valse nuptiale

 

Je connais et j'aime le spectacle de

 " cette grande valse nuptiale qui depuis des millénaires se danse"
 

 Vous y participez activement en invitant le feu (autre élément essentiel) et le bois mort venu de loin.
 

 La maison sur l'île est le point fixe, le témoin immobile de cette histoire d'eaux, de terre et de feu.

 

 Merci pour ce superbe partage !

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