Je tiens à prévenir nos chers cousins les ânes, dont j’apprécie le caractère et l’intelligence, qu’il n’est pas question d’eux ici. D’ailleurs, ils le liront bien.
Commençons par un exemple :
Parlez-lui-en. Bien que ce soit grammaticalement correct cela sonne mal car il manque le s euphonique. C’est un hiatus. Il faut dire : parlez-lui s’en.
Depuis une dizaine d’années, je suis frappé par l’omission, l’oubli de plus en plus fréquent, avec la montée des générations, des liaisons. Le phénomène est à peu près contemporain de l’introduction de la monnaie unique, l’euro, néologisme que l’on a curieusement doté d’un h aspiré.
Or, les liaisons sont un des éléments constitutifs de notre langue et de son génie, à savoir la fluidité.
C’est la fréquentation d’autres langues qui en fait prendre conscience. Je me borne à 2 exemples voisins.
La langue italienne, également très fluide, pratique les liaisons (et abondamment les élisions) et elle se caractérise par sa richesse en voyelles sonores et chatoyantes, articulée sur une puissante intonation. Elle dévale comme un torrent sous le soleil. L’allemand en est l’opposé, complètement dépourvu de liaisons (parler haché). Il est riche en consonnes et leurs couplages ou associations peuvent donner une grande subtilité, pour le meilleur allemand, celui de Hannover (Hanovre n’existant pas !), devenu langue universitaire pour tout le pays. Il est pauvre en voyelles, ce qui n’empêche pas une riche et subtile palette de é. L’allemand est une langue du noir & blanc. Personnellement, il m’a fallu 2 ans de séjour en Allemagne avant que, débloqué par une Cure auditive Tomatis, je puisse enfin entendre certaines de leurs consonnes et leurs é, et seulement alors pouvoir les prononcer. Avant je ne les entendais pas.
La langue française se situe entre ces deux langues, bel exemple d’équilibre. Elle réunit harmonieusement consonnes et voyelles au moyen des liaisons. Aussi charme-t-elle souvent les oreilles étrangères. N’y voyons aucun chauvinisme. Monsieur Chauvin est suffisamment occupé ailleurs.
Les liaisons peuvent être obligatoires, facultatives ou proscrites (ou dangereuses !).
. Obligatoire entre le déterminant et le substantif (ex. les’ânes), entre l’adjectif et le substantif (petits’enfants) et entre le pronom personnel et le verbe (il’est). Cette obligation n’est en rien juridique, mais liée au génie de notre langue. Policier, non. Polissé, oui ! Essayez de lire à haute voix Châteaubriant en omettant les liaisons. C’est tout simplement impossible. Il en est de même pour toute notre littérature.
Autres exemples de liaisons obligatoires :
Cent’euros, deux cents’euros, Guerre de Cent’Ans, quatre-vingts’ans,
Mais : cen » euros (san euro, quelle drôle de bête, portugaise ?...), hui’euros (hui euros, pardon ?!) Je souffre quand la caissière de Supermarché annonce di’euros… . Il s’agit d’un hiatus, ce qui pourrait correspondre en musique à jouer en même temps 2 notes séparées d’un demi-ton. Encore qu’en ce domaine cela est parfois fait avec une intention précise.
. Facultatives :
Exemples : je vai(s) à Paris. San(s) un sou. Mais je préfère vais’à et sans’un, tellement plus euphoniques, plus jolis !
. Proscrites ou mal t’à propos :
Les z’haricots (Chanson de Bourvil), Cents’euros, milles’euros,… pénible… .
À mon avis, cette perte du sens et de l’usage des liaisons est due d’abord au déclin de l’enseignement du français (en Primaire et Secondaire) qui a cessé de donner le goût de lire, porte d’accès à la culture, qui ne peut être que personnellement acquise par la suite, et ensuite à la médiatisation du français basique (quelques pauvres 4 à 500 mots, en incluant les mots anglais). Le fait est que la grande majorité des jeunes ne lit plus et s’il leur arrive de lire ce ne seront pas des œuvres de bons auteurs sachant écrire (Anatole France est à mon avis un des meilleurs, pour ne pas dire le meilleur), mais des chiées d’écrivaillons qui d’ailleurs ont si peu à dire. C’est en lisant de bons auteurs que l’on se constitue un riche vocabulaire et que l’on développe sont intellect, c’est-à-dire la faculté de relier. Lire et lier sont très proche, pas seulement en français, mais aussi dans d’autres langues.
Avec ce fabuleux clavier verbal, que vous ne cessez d’enrichir, vous dotez de nouveaux jeux votre propre langage, à l’instar d’un orgue et vous acquerrez la faculté d’exprimer à peu près tout ce que vous voulez. Vous enrichissez votre pensée et votre créativité (comme on improviserait sur l’orgue). Cela peut donner un feu d’artifice ou une cathédrale, verbale et conceptuelle. Ce qui ne veut pas dire que l’écoute et l’entendre en seront à la hauteur. On n’écoute et entend que selon ses capacités auditives et cognitives.
Excusez du peu !
Le Général De Gaulle utilisait 5000 mots. N. Sarkozy n’en utiliserait que 500, chiffre du français fondamental. En revanche, ses discours, écrits par quelque nègre, multiplient par 2, 3 ou 4 ce score. (Certains chimpanzés comprennent 150 mots d’anglais, mais ils sont incapables de les reproduire et de conceptualiser). Je pense que ce sont les sportifs et les jeunes politiciens (de moins de 50 ans) qui massacrent le plus la langue. Aussi ces derniers feraient bien d’écouter attentivement les dirigeants africains francophones, ou mieux, ceux d’Haïti, et de s’en inspirer pour relever le niveau de leur français.
D’ailleurs il n’y a pas que les liaisons qui pêchent.
La pratique du pléonasme s’est généralisée. Le plus bel exemple en est le quasi quotidien tentative d’attentat, l’attentat étant à lui seul une tentative de meurtre ! Et phonétiquement, le mitraillage de dentales tentatidatenda ne constitue-t-il pas une agression en soi ? Il y aussi au jour d’aujourd’hui, double pléonasme, puis que hui (hodie en latin) signifie déjà aujourd’hui.
Les mots parasites ou tics de langage abondent. Effectivement en est le plus bel exemple, après avoir détrôné tout à fait. Il y a jusqu’aux universitaires qui en débitent des chapelets. Cela me fait penser à un professeur de géographie qui ne pouvait dire une phrase sans l’accompagner d’un n’e pas ? (n’est-ce pas). Ses élèves, dont j’étais, mais que je n’imitais pas, comptaient ses n’e pas, comptabilisaient ses scores, notaient ses records, ne pouvant être attentifs à ce qu’il enseignait. Il était même copieusement chahuté...
Commentaires
Sarkosy : 500 mots, les babouins 450 minimum (ou équivalents) : votez babouins !
Bravo : vive l'euphonie... qui rend euphorique. Je suis pour les liaisons, même dangereuses.
Écrivain : lire Maupassant (indispensable).
Je suis captivée et j'espère bien que les points de suspension ne sont là que pour me dire qu'il y a une suite...