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Anita somnolait devant la télévision quand la sonnette la tira brutalement de ses rêves. Ses battements de cœur modérés, elle se dirigea vers la porte d’entrée et l’ouvrit ; un paquet bariolé surmonté d’un nœud doré était posé sur le paillasson. Elle regarda alentour – personne –, s’empara du cadeau et jeta encore un coup d’œil discret par la fenêtre. Ce colis inattendu l’émoustilla.

Elle déchira le papier en une multitude de morceaux qui s’éparpillèrent sur le canapé et découvrit une boîte à bijoux. Elle essaya de l’ouvrir – en vain, le coffret était fermé à clé –, tenta de crocheter la serrure avec la pointe d’un couteau, sans succès, employa alors deux fourchettes comme levier, mais les couverts se plièrent.

Il lui fallait s’équiper convenablement. Pas bricoleuse pour un sou elle ne possédait aucun outil, mais la maison lui avait été vendue avec quelques reliquats. Elle s’aventura donc dans la remise : un marteau lui parut approprié. Mr Gedmond l’observait depuis sa terrasse.

— Alors Mlle Anita, on se met au bricolage ?

— Oui… en quelque sorte, répondit-elle un peu confuse.

Mr Gedmond était sympathique, mais assez envahissant. Ce retraité d’une soixante d’années, fragilisé par un veuvage précoce, saisissait toutes les occasions d’engager la conversation… Des monologues parfois difficiles à enrayer.

La jeune femme s’éclipsa à l’aide d’une légère œillade pour faire passer la pilule et regagna le salon pour s’atteler à la tâche. La résistance de la boîte la désarçonna : un véritable coffre-fort.

La curiosité qui l’avait piquée à la découverte du paquet tournait à l’agacement. L’auteur de ce petit présent – un homme sans doute – se méprenait ; Anita n’était pas friande de ce genre de parades amoureuses. Pragmatique, elle se débarrassa du cadeau sous les fenêtres de Mr Gedmond qui l’épiait derrière les rideaux.

Dans la nuit, une étrange détonation la réveilla. Quand elle aperçut Mme Trimeil en peignoir et patins sur la chaussée, elle enfila quelques vêtements à la va-vite. La vieille dame était formelle : le coup de feu provenait de chez Mr Gedmond. Comme ce dernier ne se manifestait pas – chose assez surprenante –, Anita donna trois coups à la porte et attendit, mais son acolyte n’eut pas sa patience et usa du double des clés.

 Anita la suivait hésitante et dépassée par la situation. Madame Trimeil, déterminée, l’entraîna jusqu’à la chambre du sexagénaire, tambourina à la porte – silence – et l’entrouvrit. Mr Gedmond, en sang, gisait sur le lit, un trou dans la tempe gauche et un revolver lâché au sol.

Les deux femmes crièrent d’effroi. L’aînée courut prévenir les secours, mais sa cadette se figea, stupéfaite du nombre incalculable de boîtes à bijoux qui recouvraient les étagères. En sortant, elle n’entendit que de vagues échos d’un hommage posthume improvisé entre Mme Trimeil et quelques riverains – le cancer de son épouse, le décès, les difficultés du métier d’artisan, la faillite, le courage, la force, la solitude… –, mélangé aux sirènes morbides. Elle rentra abasourdie et récupéra le fameux coffret qui semblait la lier à cette tragédie.

Le lendemain, un serrurier parvint – en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire – à percer l’ouverture du petit coffre en bois. Une lettre s’y trouvait, rédigée dans une écriture tremblotante.

 « Parce que la vie manque souvent de fantaisie
Parce que nos longues conversations méritent d’être prolongées
Parce que l’affection que je vous porte, n’a d’égal que votre bonté
Parce qu’il n’y a plus qu’en votre présence que je souris

Il vous suffira d’un signe pour refuser
Il vous suffira d’un signe pour me permettre encore d’exister
En acceptant ce présent qu’en toute humilité je souhaite vous offrir
En signe d’une possible amitié

Monsieur Gedmond, qui compte sur vous

PS Si vous regardez attentivement, j’ai gravé votre prénom sur la clé, elle vous appartient désormais »

L’impuissance et la culpabilité qui gagnèrent la jeune femme menaçaient de la consumer de manière profonde et irréversible. Elle fouilla le salon de fond en comble jusqu’à mettre la main sur l’inéluctable, ce qu’elle redoutait tant. Une jolie clé dorée entortillée dans un morceau de papier cadeau apparut entre deux coussins du canapé, tel un pied de nez à la vie.

 

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Commentaires

plume bernache
commentaire du commentaire

 

 

  Pas d'accord Escampette avec votre commentaire sur mon commentaire:
 
   Nécessité d'une deuxième lecture n'est pas du tout désagréable. D'ailleurs, si un texte ne me plaît pas, je n'ai pas du tout envie de le relire !
  

   Cela ne signifie pas non plus que le texte est raté : Certains lecteurs ont le "cerveau lent", c'est mon cas.;)
  

   Il y a des musiques, des tableaux, des textes qui ne se livrent pas du premier coup. Ce sont parfois les meilleurs. Non ?angel

 

   amicalement plume

 

Escampette
Merci Barzoi. Une nouvelle

Merci Barzoi. Une nouvelle bondissante, l'adjectif me fait plaisir :) . Je suis flattée pour le poème ;) A bientôt !

barzoi (manquant)
présent sans avenir

J'ai adoré le poeme du coffret, je l'ai relu trois fois pour le plaisir, quant à la nouvelle, je la trouve bondissante

Escampette
Merci Plume pour votre avis

Merci Plume pour votre avis qui rejoint celui de Didier : l'importance de la clé n'est pas assez soulignée.

 

Pas très agréable de se faire une deuxième lecture pour comprendre, n'est-ce pas ? Et pas signe d'un texte réussi !

 

J'aime beaucoup le titre en oxymore. "Un présent sans avenir" < vous trouvez le titre pertinent, cela me fait plaisir

 

Une triste histoire racontée avec délicatesse. < merci pour la délicatesse :)

 

 

Escampette
Merci Didier pour votre

Merci Didier pour votre commentaire. Oui la clé est juste destinée à ouvrir le coffret. Pourriez-vous me préciser à quel moment vous avez des doutes ? Manquerait-il une explication plus claire à la fin ? Merci.

Escampette
Merci Brume pour votre

Merci Brume pour votre commentaire détaillé et intéressant. Je travaille dans le sens des émotions comme vous l'avez suggéré, cela me semble être une bonne piste.

 

Boîte en bois < peut-être enlever le détail de la matière. Et oui il s'agit d'une serrure classqiue, pas d'un cadenas.

 

Et j'approuve votre remarque sur le rythme du texte, cette version est trop rapide et expéditive par rapport à la précédente. Merci

plume bernache
   Sans avenir

 

  Moi non plus je n'avais pas compris l'importance de la clé.
  Ni sa perte, très plausible, au moment de l'ouverture fébrile du paquet.
  Ce texte méritait une deuxième lecture.;)
 
 Il n'y a pas de cadenas, c'est la serrure du coffret, donc trop de brutalité avec le marteau risquait de l'endommager.   
 
 J'aime beaucoup le titre en oxymore.
"Un présent sans avenir"… Il l'est en effet, autant pour Mr Gedmond que pour Anita !

 

 Une triste histoire racontée avec délicatesse.

pifouone
Bonjour. Je suis sans doute

Bonjour. Je suis sans doute un peu lent de la cafetière mais je pense qu'il manque à votre histoire, bien que j'ai aimé le fond, quelques détails pour une meilleure compréhension. Personnelllement je n'ai pas bien saisi, en ce qui concerne la clé, si elle était juste destinée à ouvrir le coffret contenant la très jolie proposition d'amitié ou bien à un peu plus. Bien entendu ce n'est que mon avis de petit lecteur.

 

Didier

brume
Portrait de brume
Bonjour,

Je vois que vous avez retravaillé votre nouvelle.

Je reste tout de même étonnée qu'elle ne puisse pas casser le cadena avec un marteau. C'est une simple boite à bijoux en bois.

Mais concernant l'émotion d'Anita il y a une petite amélioration.

Vous dîtes ce qu'Anita ressent:

"Anita la suivait hésitante et dépassée"

"Elle rentra abasourdie"

"L'impuissance et la culpabilité qui gagnèrent la jeune femme menaçaient de la consumer de manière profonde et irréversible".

Grâce aux adjectifs que vous lui donnez, l'héroïne prend corps mais pour moi ce n'est pas encore assez. ça manque de profondeur. J'aime bien Anita, elle semble pas parfaite justement, l'impression de voir en elle son côté grincheux, mais j'aurais voulu l'aimer encore plus.

Il manque ces petits détails qui pourraient mettre plus en valeur la personnalité d'Anita, c'est une question de sensation, c'est une question d'atmosphère, de nuance, de rythme...

D'ailleurs le rythme de votre histoire me pose aussi problème, c'est trop rapide, peut-être que je me trompe mais je trouve le rythme plus rapide que dans votre précédente nouvelle, ça manque de nuance. Pour moi la ponctuation dans une nouvelle ne suffit pas à être bien placée, il faut qu'elle raconte une histoire, la ponctuation exprime les émotions: le non-dit, le soupir, la colère, l'étonnement, le silence...

Je donne que mon ressenti de lectrice, peut-être que d'autres seront d'un autre avis. 

Mais le point positif je le répète c'est qu'Anita a plus de présence, il y a un peu plus d'émotion et je visualise bien le déroulement de l'histoire, je ne me suis pas ennuyée.

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