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Ordre de passage pour écrire les suites : Plume, A.Nonyme, Anika, La poussière, Olala, Cfer, Barzoi, Luluberlu, Manuella. En cas d’impossibilité, envoyez-moi un courriel en indiquant que vous passez votre tour. Je ferai le nécessaire pour prévenir la suivante.

Je mettrai à la suite les uns des autres les différents épisodes, au fur et à mesure de leur parution.

Ah ! si. Si quelqu’un d’autre veut participer, il suffit de me le signaler et je l’ajoute dans la liste.

Pour publier : Mes contributions, Poursuivre l’histoire (Libre sans sélection), choisir « Histoire à poursuivre – titre : Dany B. », Mettez le titre Dany B. et collez votre texte. La suite vous la connaissez.

Début du texte à poursuivre :

Auteur : Mysane

Et bientôt, les dunes apparurent plus proches de lui. Mais il devait monter, descendre, encore et encore, se laisser fouetter les jambes par les touffes d’oyats, s’enfoncer dans le sable sec.

Tout à coup, la mer se montra, grise, démantelée, à l’écume bousculée... Il frissonna, l’air glacé traversait son manteau pourtant très épais : le vent du Nord…

Son regard scruta l’immense étendue d’eau. Malgré le mauvais temps, des pétroliers géants sillonnaient la ligne plate de l’horizon.

Ce fut en tournant la tête que son regard rencontra la falaise éclatante de blancheur.

Et, là-bas, tout au bord du gouffre, il distingua une forme étrangement noire, une forme inhabituelle qui lui évoqua tout de suite une silhouette humaine. Non, ce n’était pas possible...

Mais qu’est-ce que cela pouvait bien être, alors ?

Auteur : Plume

Il ne pouvait déterminer avec précision comment il devait nommer… la Chose ? La Bête ? L’Humain ? La Créature ? En attendant plus d’informations, il opta pour le « Ça Noir » puisque la seule certitude était sa couleur.

De sa position sur la dune, il n’en pouvait distinguer les détails ; mais il pouvait affirmer que ce « Ça Noir » n’était pas immobile et semblait bien vivant. Il se mouvait lentement en un balancement « pachydermique » ou « plantigradien ». Sans doute se rapprochait-il insensiblement de lui ? Mais n’était-ce pas une illusion d’optique ? D’autant que la bise du Nord soufflait de plus en plus fort et soulevait le sable fin de la dune en draperies abrasives et irritantes pour les yeux. Si bien que malgré le ciel très sombre, il dut chausser ses lunettes de soleil. Comme le vent les lui arrachait tous les cinq ou six pas, il dut les bâillonner autour de sa tête avec son foulard de scout jaune et rouge abandonné jadis au fond de sa poche. Oui, il avait l’air ridicule, mais qui était là pour le voir ? Sauf… l’Autre, là-bas sur la falaise ! Cette idée le troubla.

Lui si logique d’habitude et prompt à prendre la bonne décision, ne savait plus quelle attitude adopter. Curieux de nature, il voulut en savoir plus. Il décida de se rapprocher du « Ça Noir ». Mais au fur et à mesure de sa progression, il avait le sentiment que sa vue lui jouait des tours. Il crut à un moment que la noire silhouette décollait de la falaise et s’élançait dans le gouffre. Il poussa un hurlement. Mais l’instant suivant, elle était de nouveau là, affalée au sol, agitée de soubresauts apoplectiques, puis d’un coup se dressait, gigantesque. Bientôt, la dune tout entière résonna de longues plaintes lugubres. Des coups sourds ébranlèrent la falaise à intervalles réguliers. Tels les pas du Cyclope dans le récit d’Ulysse.

Conscient tout à coup qu’on était hors saison et qu’il n’y avait âme qui vive des lieues à la ronde, n’écoutant que sa terreur, il fit demi-tour et courut vers le sud, sentant sur sa nuque le souffle du « Ça Noir ». À bout de souffle, il buta contre une racine et se laissa tomber sur le sable, plus mort que vif…

Qu'allait-il lui arriver ?

Auteur : Anika

Plaqué au sol, sa lente respiration mêlée d’angoisse le fit plonger dans un état semi-comateux. Il commença à ressentir des hallucinations, le ciel lui tombait sur la tête tant les nuages grossissaient et s’assombrissaient.

D’effrayants sifflements s’approchaient. Il n’osait ni bouger ni crier, abandonné à son funeste destin. S’était-il aventuré dans une zone mystérieuse où seuls les esprits ont droit de cité, marchait-il au milieu d’une scène de tournage d’un film d’épouvante, avait-il attiré un mauvais sort en voulant pousser trop loin sa curiosité dans ce site hostile ?

Le « ça noir » était là, juste au-dessus, un gros ballon sombre, flanqué de deux ailes nerveuses, qui ondulait, le frôlait, tournoyait en une étrange danse macabre comme pour le provoquer.

Devait-il réagir ou se laisser emporter au gré des vents ?

Auteur : La poussière

Au rythme de sa respiration, le sable lui rentrait dans le nez. Le froid et l’humidité commençaient à le glacer. Je suis ridicule pensa-t-il, je ne vais pas passer la nuit ici. Il tourna doucement la tête, l’énorme masse noire était toujours là. Elle planait à environ trois mètres au-dessus de lui, elle avait cessé de gémir. Seuls ses bras informes raclaient le sol en s’accrochant aux brindilles de la dune. Il distingua un filin noir qui la retenait.
Bon, je ne suis pas une mauviette, je ne vais pas me laisser impressionner par un ectoplasme, j’en ai vu d’autres.
Il tâta au fond de la poche de son blouson le couteau à cran d’arrêt qu’il avait pris à un gamin énervé sur la ZAD de Notre Dame des Landes. Il défendait avec acharnement les causes qui lui paraissaient justes, mais avait gardé de son passage au Larzac une profonde aversion pour la violence gratuite et craignait plus que tout les mouvements de foules qui dégénéraient en violence incontrôlable.

Mais là mon vieux, s’apostropha-t-il en silence, il va peut être falloir faire saigner la bête !

Il se leva d’un bon et galvanisé par une poussée d’adrénaline qui effaça toute peur, se précipita sur le « ça », saisit le filin, ramena la forme vers lui et le transperça de trois coups de couteau violents.
Le « ça » émis un long gémissement, un liquide noir et nauséabond fusa de ses plaies en pets longs et bruyants, « pfueettt, pfueettttt », engluant le bras de l’homme et le sol autour.
Maintenant, il faut éclaircir ce mystère, pensa-t-il.
Il remonta le long du filin, arriva au bord de la falaise. Là, il buta contre un tuyau qui sortait du sol, il vit que s’était un télescope.
Un grincement, une trappe qui s’ouvre dans le sol, une voix impérative qui monte du trou dégagé : « descendez, on vous attendait. »

Auteur : luluberlu

— Venez, venez, on vous attendait, vous avez fait du bon boulot. Depuis que les pétroliers ne dégazent plus en mer, les plages sont trop propres. Il faut à l’humain des causes à défendre, et le pétrole sur des étendues vierges provoque l’indignation à coup sûr. Vous serez un héros et vous avez gagné le prix Total.

— Le prix Total ?

— Oui... Un bain dans un tonneau de schistes bitumeux. Vous verrez, ça resserre les pores et ça stimule les zones kérogènes... Heu... Érogènes. Excusez-moi, déformation professionnelle. N’ayez pas peur, vous n’êtes pas une mauviette. Vous étiez bien à Notre Dame des Landes, si je ne m’abuse ?

— Oui docteur... Comment le savez-vous ?

— Votre coiffure de triton crété en témoigne. Vous êtes certainement aussi une espèce à protéger. Mais, je m’aperçois que je ne me suis pas présenté : Patrick Pouyanné, directeur général du groupe Total... sans la moustache.

Auteur : Plume

Sa chute l’avait un peu sonné et les émanations carburées embrumaient son entendement. Il n’avait pas réagi aux propos complètement dingues de ce gros type mal fagoté qui se disait grand patron de Total.

Qu’est-ce que c’étaient que ces zones kérogènes ou zérogènes ? Lui, il se rappelait la formule favorite de sa grand-mère : « À la gêne y’a pas de plaisir ! » et il ne voyait pas le rapport.

Bon, de toute façon, hors de question de se laisser mazouter comme ces malheureux oiseaux lors de la marée noire de1978 en Bretagne. Ses parents avaient passé leurs vacances à shampouiner des centaines d’animaux englués. Peu survécurent. Il avait vu les photos. Écœurant ! C’est là qu’était née sa conscience écolo.

Sortir de là au plus vite sans alerter l’autre géant. Il n’était pas une mauviette (il se le répétait de plus en plus souvent) mais face à ce Pouyanné il ne faisait pas le poids lui, Dany, avec son mètre soixante et ses cinquante-cinq kilos et demi (pesé mouillé avec son maillot de bain en laine).

Quelques lumignons posés dans les anfractuosités du rocher éclairaient faiblement la caverne en dégageant une âcre fumée noire. On ressentait les secousses des vagues toutes proches. Juste derrière la paroi semblait-il. De minute en minute, le bruit s’amplifiait. Serait-on dans une de ces grottes sous-marines où la mer pénètre seulement à marée haute ?

Pour explorer les lieux, Dany voulut saisir un lumign… CLANG ! Une pince puissante lui arracha la main. Aïïïe… Ah tiens, non ! il ne sentait aucune douleur. Seul son gant beaucoup trop grand pour lui avait été arraché par… un monstre noir et huileux à la mâchoire redoutable et dont l’haleine pulsait des postillons de pétrole s’enflammant au contact des chandelles. Le rire de Patrick Pouyanné ricocha dans tout le souterrain :

— Ah ah ah ah ! Alors, monsieur Dany B. qui n’est pas une mauviette, que dîtes-vous du feu d’artifice que vous offre Crocro ? Il déteste qu’on lui mette le doigt dans l’œil. Vous aussi non ?

— Crocro ?

— Oui, mon fidèle Crocro. Mon compagnon. Mon collaborateur. Bien plus encore : mon alter ego.

— Euh… C’est un chien ?

— Vous n’y voyez pas clair mon ami. C’est un crocodile.

— Ici ? En France ? Sous terre ?

— Mais oui. Puisque vous avez l’air sympathique, je vous explique.
Mon prédécesseur, Big Moustache, avait choisi un tigre comme mascotte (d’où le slogan « mettez un tigre dans votre moteur »). Moi, j’ai pensé qu’un crocodile serait mieux armé génétiquement pour évoluer en eaux troubles.
Alors voilà pourquoi, lors d’un de mes voyages en Amazonie, j’ai adopté mon petit Crocro. Il venait juste de sortir de l’œuf. Tellement craquant ! Je l’ai nourri toutes les trois heures au bitume en poudre. Super raffiné. Enrichi en plomb dès la poussée de sa première quenotte et supplémenté en mercure pour réguler sa température corporelle ; ce qui lui a permis de s’adapter à sa vie de crocodilien bitumineux cavernicolo-marin.

Faisant mine de se passionner pour la vie de ce beau rejeton, Dany demanda :

— Cavernicolo-marin ? Il va dans la mer ? Mais comment sort-il d’ici ?

— Il faut bien que de temps en temps il fasse une vidange. Et vous ne voudriez pas qu’il fasse cela ici dans la grotte ! Alors il profite de la marée haute pour nager jusqu’à la plage et y faire tranquillement son dégazage.

— Comment cela ?

— N’avez-vous pas remarqué les galettes d’hydrocarbures qui jonchent les plages ? Celles qui se collent sous les pieds des enfants et sous les serviettes de bain ? Les bateaux n’y sont pour rien, n’est-ce pas mon Crocro ? D’ailleurs la mer monte, ça va être ton heure…

— …

— Il nous revient à la marée suivante, blanc comme neige. Et affamé.

— De quoi se nourrit-il maintenant qu’il est grand ? Seulement du bitume en poudre ? Ou bien…

Auteur : A.Nonyme

— Monsieur B., monsieur B. ça va ? Vous commencez à vous réveiller. L’opération s’est bien passée. Vous revenez de loin je crois... On va vous monter dans votre chambre.

La grotte s’était éclaircie subitement et cela lui infligeait une douloureuse brûlure aux yeux dès qu’il cherchait à les entrouvrir. Les odeurs de carburants s’étaient changées en quelque chose de plus suave et plus écœurant, pharmaceutique pensa-t-il. Quelqu’un l’avait-il assommé ? Il se sentait si léger, comme en lévitation. Un corps tout en coton, seule la tête en plomb. Du schiste peut-être, et on avait cherché à en extraire un peu de gaz ?... Mais où était passé le ventru qui n’arrêtait pas de parler ? Il lui semblait aussi qu’il était question d’un animal... mais lequel ?... Qu’était-il venu faire ici ? Que lui était-il arrivé ? Il chercha en vain dans le blanc de ses souvenirs. Quelques silhouettes passèrent, floues, délavées, à petits pas drogués. Une voix à peine audible : Dany... Dany... Et puis cette femme en bleu : monsieur B., monsieur B., ça va ? Ça devait le concerner. C’était sans doute lui ce pantin de chiffon sur un brancard, dans la salle de réveil d’un hôpital, quelque part. mais où ?...

Le chiffon n’entourait que du vide. Un vide à la mesure d’un espace interplanétaire. Il n’était plus que cela : une poussière perdue dans le cosmos. Une poussière sans poids ni consistance qu’on venait d’opérer, mais de quoi ?
Il n’avait plus aucune mémoire !

Quelques heures plus tard, on le véhicula vers une chambre où il fut branché de nouveau à plusieurs sortes d’appareils. C’était un corps qui se laissait manipuler. Un corps sans âme, sans mémoire. Un petit paquet de viande recousue, sans trop de perception. Une bulle flottante dont le seul point d’ancrage était ce lit d’hôpital.

De nouveau, une femme en bleu essaya de communiquer avec lui.

— Monsieur B. nous avons trouvé ce nom inscrit sur une étiquette de votre blouson. Est-ce bien le vôtre ? Vous n’aviez aucun papier d’identité. Vous souvenez-vous de ce qui vous est arrivé ?

Un imperceptible balancement de la tête fut sa seule réponse.

— Nos bureaux ont fait un début de recherche. Dany B. est bien votre nom ?

Un léger abaissement des paupières pour tout acquiescement.

— Le problème, voyez-vous, c’est que ce nom-là n’existe nulle part...

Auteur : Anika

Nulle part, nulle part, évidemment puisque je ne suis personne, pensa-t-il tristement.

Il tenta alors de rassembler quelque énergie jalousement stockée dans les bandages et les tuyaux ainsi devenus le fil de sa vie. Défilaient sur le blanc de son nouvel espace aseptisé son errance et les circonstances qui l’avaient amené jusqu’ici.

Rien ne s’était passé comme il l’avait prévu... Sa course folle sur les dunes devait le conduire au creux d’une crique déserte en vue de sa fuite au-delà de l’océan. Là-bas, dans ce lointain, il devait renaître pour échapper à son destin de criminel. Mais il venait de comprendre qu’il avait été pris au piège, rattrapé par ce « ça noir ». Malgré une lutte féroce, il s’était senti glisser dans l’abîme de sa folie meurtrière.

Il avait pourtant pris soin de s’inventer un autre nom, dûment accroché à son blouson, et de détruire toute trace d’identité. Rien ne devait laisser penser qu’il avait commis l’irréparable, une nuit de juillet, lorsque se sentant menacé il perdit la raison et frappa mortellement un inconnu qui l’empêchait de rentrer chez lui.

Il avait alors profité de la période de congés annuels pour exposer largement à son entourage un projet de mission humanitaire en Éthiopie, là où il fallait soulager tant de souffrances et accompagner une population totalement démunie et déchirée. Ainsi, nul ne pourrait soupçonner la mascarade. Tout prêterait à croire qu’il avait disparu sous les décombres de la guerre civile, dans le chaos et l’anonymat....

Auteur : La poussière

Il retomba dans un sommeil feutré. Une odeur âcre qui brûlait son nez et sa gorge le réveilla. Il distingua une silhouette massive qui s’affairait près de lui.

« On le tient, on le tient, je crois qu’on a réussi ! On en est à combien, madame Dessence ? »

« Presque un litre mais il s’affaiblit, il faut peut être arrêter. »

« Encore un peu, juste un peu et après, je vous invite, Champagne !!! »

Un rire sardonique et tonitruant s’échappa de la silhouette massive.

« Ah, monsieur B, monsieur B, vous êtes ma plus belle victoire. Qui aurait cru qu’un petit bonhomme comme vous, une mauviette écologiste, assassin du dimanche, gaulé comme une sauterelle finirait en pompe à essence ! Plus besoin de forages polluants, plus besoin de se soucier de normes écolos »

Un litre ! Vous venez de me fournir un litre de super parfaitement raffiné. Dans six heures vous me redonnerez encore un litre, et encore, et encore, toutes les six heures de chaque jour, de chaque nuit ! Imaginez une usine entière d’hommes comme vous, génétiquement modifiés, nourris uniquement aux petites galettes rejetées sur les plages. Remarquez, syndicalement parlant, on peut vous y rajouter un peu de sucre ou du chocolat, je ne pense pas que cela nuise au rendement. Mais on n’en est pas encore là. Allez venez madame Dessence, allons fêter notre réussite. »

Le rire de l’homme résonnait encore dans la tête de Dany alors qu’il était seul dans la chambre. Je rêve, je suis dans un cauchemar, pensa-t-il.

Tournant son regard vers la droite, il distingua un bocal plein d’un liquide noirâtre qui s’écoulait d’un tuyau sortant de son bras.

Il était attaché sur son lit par une large sangle qui l’empêchait de bouger.

Il essaya, en vain, de se tortiller pour se dégager.

« Veuillez rester calme, s’il vous plait, vous devez vous reposer, on va vous porter votre repas. »

Un cliquetis résonna du côté de la porte, elle s’ouvrit sans que personne n’entre, le bruit se rapprocha, il distingua un énorme crocodile qui avançait vers son lit.

Je suis mort pensa-t-il, et il s’évanouit.

Auteur : Luluberlu

Il ne sut combien de temps dura son inconscience. Mais il n’en avait cure. Seule sa tête bandée semblait douée de vie. Elle agitait aussi fébrilement qu’un shaker une foule de souvenirs fuligineux. Il avait, lui semblait-il, connu une Odile... Odile comment d’ailleurs ? Ducré... non plutôt Ducroc. Oui, Ducroc Odile. La pompiste de la station qui jouxtait son domicile. Ou bien était-ce l’infirmière du dessus... moustachue. Un peu comme ce Big Moustache tigré auquel ce Pouyanné s’était référé. Et puis, ça sentait le kérosène.

Au bout de son lit, au lieu de l’habituelle fiche de soins, était accroché... Quoi d’ailleurs ? Il lui fallut faire un effort d’accommodation énorme pour s’apercevoir qu’il s’agissait d’un compteur de pompe à essence.

— Aaaah ! songea-t-il. Il me suffit de passer à la caisse pour être enfin libéré de ce cauchemar pétrolifère.

Auteur : Manuella

Caroline vint s’asseoir pour remplacer Sylvie. Le jour se levait. La petite pièce, d’où elle assurerait la surveillance du patient était tout en long. Devant-elle une grande et haute fenêtre, munie de barreaux. Dans son dos la porte d’accès avec hublot et digicode, complété d’un intercom. À sa droite, deux autres portes : La porte du sas de la chambre où Mr B  se reposait, la porte de la salle de soins avec un espace douche ouvert.

Portant son mug à ses lèvres, elle but son café tout en lisant la fiche relatant les six dernières heures de garde.

Mr B. avait dormi d’un sommeil agité, et parlé. Parcouru de tremblements au début de la nuit, il avait gémi et par moments sa respiration avait été haletante, à plusieurs reprises poussé des hurlements entrecoupés de paroles pour la plupart inintelligibles. Mais Sylvie avait relevé tout de même quelques mots clairs : chat noir — crocro — total.

Elle éteignit la lampe car la lumière avait maintenant envahi le minuscule bureau où le psychiatre viendrait tout à l’heure voir le patient.

Caroline, après avoir refermé la porte ouvrant sur le sas de la chambre capitonnée, observa Mr B. au travers de la fenêtre prévue à cet effet. Cette pièce, refaite récemment, rarement utilisée, accueillait un malade pour la première fois.

Le Professeur Legardian avait ordonné le transfert de Mr B. ici, la veille au briefing du matin. Toute l’équipe médicale avait conclu que c’était la meilleure solution.

Mr B, Taxi de son métier, était rentré trois jours auparavant d’Éthiopie. Il avait souhaité participer activement à une mission humanitaire pour faire un break urgent et nécessaire dans sa vie. Sortir de la routine où il s’était englué ces dernières années, perdant Odile. Après son départ, il s’était senti incompris, malheureux, victime. Il avait cru être un homme sérieux, travailleur, prévoyant, avec la tête sur les épaules. Un homme sur qui l’on pouvait compter, s’appuyer. Ne s’était-il pas sacrifié, en travaillant depuis six ans comme un dingue, douze à quinze heures par jour.

Odile, un matin, avant de se rendre à l’hôpital lui avait annoncé qu’elle avait répondu favorablement à l’appel d’une ONG. Elle prendrait l’avion dans une semaine à peine.

À son retour cinq mois plus tard, leur séparation, sans heurts cependant, fut inévitable.

Auteur : Plume

Lorsqu’il ouvrit les yeux ce matin-là dans cette chambre aux murs unis et capitonnés, sans fenêtre, il manquait d’air et de repères. Aucun son, aucune odeur, corps déconnecté, total isolement sensoriel. Plus aucune notion du temps. Bizarrement, sans doute pour pallier ce manque, son imagination tournait à plein régime et son cerveau était en surchauffe. Imagination ou souvenirs ? Comment savoir ? Et le plus troublant était le désordre chronologique de tout cela.

Odile par exemple : il la voyait clairement. Ses beaux yeux mordorés, sa large bouche au sourire éclatant, son corps souple et ondulant… son frais parfum d’huiles essencielles. Mais bon sang ! quand l’avait-il vue pour la dernière fois ? Était-elle déjà de retour d’Éthiopie ? Ou jamais partie ? Ne confondait-il pas avec cette autre – et était-ce une autre – dont il avait partagé la vie et dont il avait été obligé de tuer le frère qui l’empêchait de rentrer chez lui ? Et puis cette fuite sur les dunes, quand ? Où ? Le désert d’Éthiopie ? La côte Atlantique ? Le Larzac ? Paris-Plage ?

Ah ! tout se mélangeait. Au secours Crocro !!!

Auteur : A.Nonyme

Petit à petit les choses reprenaient lumière et couleur dans sa pauvre tête. Il essaya de rassembler les souvenirs solides dont il était certain, tel un joueur de cartes faisant le bilan du jeu sur lequel il pouvait compter. Odile ?... Oui, mais elle était encore bien floue... La seule chose dont il était sûr maintenant : il s’était évadé. Oui, c’est çà ! Il s’était sauvé, mais d’où ? Une ville... des bâtiments... des humanoïdes partout, à son service, au service de tout le monde... Les caméras de surveillances qu’il fallait repérer... pourquoi ? Ah ! oui, toutes les six heures, avait dit quelqu’un tout à l’heure... Il devait prendre une sorte de navette, oui le car Burant n° 6, avec d’autres personnes portant comme lui une sorte de bracelet en haut de l’avant-bras. Ils se dirigeaient tous vers un bâtiment, dans une salle où des fauteuils couplés à des machines les attendaient pour pomper dans leurs veines ce liquide noir et puant... Petit à petit, tout se précisait. Il s’était révolté, voilà ! oui, il se souvenait de çà.

Une Puissance Invisible, aidée par une armée d’humanoïdes, asservissait les humains, en avait fait de parfaits mutants dans les veines desquels ne coulait plus que du pétrole. Quelle belle réussite tout de même ! Depuis longtemps, les réserves naturelles de la planète avaient été épuisées, mais le transhumanisme avait enfin trouvé la solution. C’était génial ! Pour cela, bien sûr, il avait fallu formater les cerveaux.

Il devait y avoir eu une petite erreur de programmation chez lui : il s’était révolté. Il avait voulu s’évader. Sans doute avait-il été repris ?... Il faut que je sorte d’ici, pensa-t-il... Comment faire pour s’échapper ?...

L’humanoïde Caroline, à son service, entra dans la chambre. Il eut la force de parler pour lui demander la date.

— Nous sommes le jeudi 26 novembre 3015, Monsieur, à votre service.

Auteur : La poussière

Croc croc croc

Des murs blancs, un silence pesant, aucune fenêtre, plus personne pour le déranger, lui parler, lui dire des choses contradictoires auxquelles il ne comprenait rien, finalement Dany se dit que se concentrer sur lui et sur ce qui émergerait spontanément de son cerveau l’aiderait peut être.

Un mot revenait sans cesse à son esprit, comme les vagues qui léchaient inlassablement le sable.

Crocodile, croque-Odile, et pourquoi pas croque monsieur, croque madame, croque en jambe ou croc-en-jambe, – tiens, ça revenait, un peu de lucidité quand même ! –

Un petit rire le secoua silencieusement. Crocquois, crocquoises, le croque-mitaine vous mangera, crochons les crocidures crocodiliennes – ou diliens, je m’en fous –

Croque nichons, croque jarretelles, ha non, ça, ça n’existe pas…

Odile, son porte-jarretelles au bout d’un doigt, elle le fait tourner autour de sa tête, elle rit, il sait qu’il est là, en face d’elle, mais où ?

C’est pas gagné se dit il !

Croquit, croquez croquons les croquenots, quel croc croquera Odile ; tiens ça me fatigue, j’sais plus où j’suis, je m’rendors !!!

Auteur : Olala

Croc... croc... Croquemi et Croquemoi sont dans un bateau ; croquemi tombe à l’eau ; qui reste-t-il ? Croqumo... noooon... Dany a crié : un grognement plus qu’un cri. Une ombre aussitôt au-dessus du lit :

— Monsieur B vous avez appelé ?

et Dany de penser : un croque-mort, mon dieu le croque-mort à l’affût d’un client potentiel ? Nooon... je ne suis pas mort, regardez je suis encore bien vivant croit-il hurler quand aucun son ne sort de sa bouche. D’ailleurs le croque-mort, si toutefois il y avait croque-mort, est parti, parti s’occuper de la caisse sans doute ! Vite sortir de cette chambre, sortir à tout prix avant qu’il ne revienne, retrouver Odile si croc... croc... croc... craquante dans sa petite robe verte à pois ! oui je me souviens une petite robe joliment bordée d’un large croquet blanc à l’encolure... croc... Odile était-ce elle ou bien une autre ? Je dois me souvenir, mais d’abord me lever, fuir cette atmosphère ouatée : de la ouate partout autour de moi, en moi qui embrume mon cerveau, de la ouate, c’est la ouate qu’elle préfère... un poème ? Une chanson plutôt qu’elle chantait souvent oui c’est cela... Elle ? Odile ou une autre ? Une autre ou Odile ? Essayer de me rappeler, de comprendre : qui, quand, pourquoi, comment ? Rassembler toutes ces bribes, ces morceaux de mémoire et... mais à nouveau ce grand trou noir !

Alors épuisé, vidé, brisé, frustré Dany s’est assoupi. Pour combien de temps ?

Auteur : Luluberlu

Mais bon sang ! que faisait cette Gazoline ou Caroline ou Sylvie, il ne savait plus, penchée sur lui ?  Tiens, elle a un uniforme, formes pas si unies d'ailleurs, siglé... UTL ?

Une pensée lancinante hantait son rêve : où avait-il entendu ça ? "Mettez un migre dans votre toteur". Schiste alors ! J'ai pas une bi thumeur au cerveau pourtant ! Et qu'est-ce que ça peut bien signifier UTL ? Unité Temporelle ? mais le L ? le L ? Liquides... YES ! Unité de Traitement des Liquides. J'ai dû prendre une sacrée bitume pour penser à des choses aussi tordues.

 

P'tain, faut que je cuve ! Ah, et puis penser à passer à la caisse. Parce qu'avec ce que je tiens, je sais pas combien de litres au sang j'ai consommé.

Auteur : Plume

— Que le grand Cric me croque Odile, ma chère Odile. Mais ça suffit, je ne passerai pas une minute de plus dans cet hôpital ! Fuyons ensemble !

— Ah Dany ! J’attends ce moment depuis le jour où je t’ai rencontré, il y a si longtemps dans la caverne sous-marine. Je n’étais qu’une pauvre créature rampante et toi une malheureuse mauviette. Mais les choses ont changé tu vois. J’ai réussi à m’évader une nuit de forte marée et à me débarrasser des gènes sauriens greffés par cet infâme Nouillapé ou chépakoi. Ça m’a pris du temps. L’évolution a été très lente. D’ailleurs peut-être n’est-elle pas terminée ? Mais je suis patiente. Mes pattes ont poussé, sont devenues jambes et bras, mes griffes sont devenues ces beaux ongles nacrés ma peau s’est peu à peu affinée – à grand renfort de crème de beauté – et surtout j’ai perdu bon nombre de dents. Ah ! j’ai versé quelques larmes…

— De crocodile ?

— Ça va de soi ! Quand mon apparence m’a permis de côtoyer les humains, je me suis documentée sur ces techniques de kleptoplastie (transfert de gènes d’une espèce à une autre) dont nous avons été victimes tous les deux mon pauvre Dany. Aux États-Unis, j’ai même fait partie de l’équipe de chercheurs du CRISPR qui travaille sur la thérapeutique génétique : mon cas les intéressait beaucoup. Ensuite j’ai réussi à infiltrer l’Unité de Traitement des Liquides où tu étais captif. Et avec toi maintenant, je me sens pousser des ailes…

— Hé là ! Pas si vite ma crocotte ! Première chose, passer à la caisse ; me délester de toute cette énergie puante qui me pèse et pollue, moi et les autres. Et en plus cette saleté m’a rendu complètement accro-c-Odile.

— Donne-moi tes bras que je branche la pompe ultra rapide sur tes bracelets de transfusion et puis il faudra passer dans la cabine d’extrusion finale pour débarrasser chacune de tes cellules des résidus carburés qui risqueraient de se réactiver.

Sur le cadran de la pompe, la cascade de chiffres défile vertigineusement par ordre décroissant jusqu’à un compte négatif. Dany se sent tout chose. Odile s’affole :

— Houla, Stop ! Sinon tu vas disparaître de l’Univers. Ta source d’énergie était non renouvelable tu le sais bien. On te l’a suffisamment reproché. Tu as failli devenir fossile. Mais c’est fini tout ça. Et moi, j’ai quelques projets d’avenir pour nous deux mon petit Dan.

D’abord quelques jours de vacances pour nous refaire une santé. Que dirais-tu d’un séjour au pays de l’Or Noir ?

— QUOI ? Au pays du pétrole ! Tu te moques de moi ?

— Mais non grand nigaud, je te parle de l’Or noir du Périgord !

— Qu és aquo ?

— Les truffes bien sûr !  

Auteur : A.Nonyme

Dany n’avait pas eu le temps de demander à Odile de quelle façon elle avait réussi à pénétrer dans cette clinique et déjoué tous les barrages électroniques. Il savait qu’elle était experte dans l’art de transposer l’information sur des gènes. Cela se faisait depuis presque un millénaire... Mais elle avait participé à l’invention de l’implantation et la permutation des gènes à l’intérieur du corps humain pour contrôler toute information. Elle faisait partie des élites, mais son esprit anar-schiste lui avait valu d’être bannie et changée en saurien prisonnier de la caverne. C’était une peine sans appel quand vous passiez par la kleptoplastie...

Odile était géniale. Elle en avait réchappé. Elle avait même établi un système de communication personnel et inviolable entre Dany et elle-même. Elle avait donc su où il se trouvait de cette façon...

— Ma croquante Odile, mon ode idyllique, je ne saus rien mais j’ai une entière confiance en toi. Je n’ai plus beaucoup d’énergie et ne me sens pas très propre, mais cette société me pompe. Fuyons-la. Ton pays de l’or noir me fait rêver d’un nouveau plein d’énergie renouvelable... Avec toi, j’irai n’importe où, pourvu que je puisse quitter ce rôle que l’on m’impose : un bien petr rôle !...

Dany fut débranché, rhabillé. Il fit de nouveau le plein d’espoir.

Les portes de la clinique s’ouvrirent sur leur passage. Ils retrouvaient enfin comme un goût de vie d’anges. Il regarda Odile. Elle avait remis le tee-shirt qu’il aimait, celui qu’elle portait sur la coste, avec un crocodile brodé à la place du cœur.

Il prit un Total grand bol d’air conditionné. Tout ici n’était que bidon ! En route pour le pays de l’or noir et tintin pour le retour !

Auteur : La poussiere

Dany courait droit devant lui, tenant sa chère Odile par la main. Il reconnut la lande qui bordait la falaise où il avait été attaqué par le gros « ça » noir et gluant. Ils étaient encore loin du pays de l’or noir et le parfum de truffe ne chatouillerait pas de sitôt leurs narines.

Dany jeta un regard derrière lui. Odile semblait flotter et son tee-shirt s’enflait tout autour d’elle comme gonflé par le vent. Dany ne voulut pas le voir, il accéléra l’allure pensant confusément que plus ils s’éloigneraient de la mer et plus ils seraient en sécurité, loin de ce cauchemar pétrolifère. Odile lui semblait de plus en plus lourde à tirer.

Un grand cormoran noir fonçait sur eux, ses ailes claquaient à chaque battement, un rire démoniaque semblait sortir de son bec ouvert et envahissait la lande.

La main d’Odile lâcha la sienne. Il s’arrêta et se retourna au moment ou Odile, liquéfiée, était aspirée par le sol. Seul restait son tee-shirt maculé dont le crocodile à l’emplacement du cœur, lui, semblait grossir, grossir…

Dany vit le cormoran fondre sur lui.

Auteur : Olala

Hébété, pétrifié pour ne pas dire liquéfié à son tour, Dany demeure immobile. « La Poussière » lui colle aux pieds, le fige au sol. Un instant il ferme les yeux, histoire de rassembler un peu ses idées puis les rouvre. Le cormoran a disparu ; seul gît à ses pieds le « cormourant »  de sa bien-aimée, de sa douce Odile et belle Idole.

Pris d’une soudaine et incontrôlable panique, Dany se retourne alors et se met à courir. Il court, vite, très vite, plus vite, toujours plus vite. Sur lui et tout autour de lui perlent d’énormes gouttes noires, affreusement noires, si noires qu’il n’aspire plus désormais qu’à une chose : un bain d’eau fraîche, un bain TOTAL ! Mais pour l’heure seul importe de courir droit devant lui, de s’éloigner. Soudain un panneau sur sa gauche : Bergerac 183 km. Bergerac ? Bergerac, l’or noir... oui il se souvient maintenant et de virer à gauche avec une seule idée en tête : courir encore et encore.

Peut-être finalement Odile n’était-elle qu’un rêve ou mieux sa fée cro, croc... sa fée clo, col... C00ooolette au secours, sors-nous, sors-moi de cette impasse cauchemardesque, de cet immonde trou noir où je m’enlise !

Auteur : Barzoi

Quand Dany atteignit Bergerac, il fut instantanément happé par la joliesse de la petite ville croulant sous les fleurs, tout y était resté comme au siècle dernier, une agglomération aérée, des ponts hypnotiques, des maisons aux styles forts, différents ; et la statue d’un bonhomme au long nez que l’on rencontre à tous les coins de rue et qui devait probablement servir d’étendard à la bourgade. Il y a un ici quelque chose de particulier. Oh l’humanité est bien la même partout, un peu beaucoup de « ça noir », çà et là, en sous-couche, mais une atmosphère de réelle gentillesse vivifiante plane sur la cité, probablement à cause du Pays Basque dont le romantisme sauvage lévige au sommet des arbres déversant son surplus d’oxygène sur chaque autochtone.

Il sent sur la langue un goût de liberté originelle qu’aucune loi ne pourra plier. Il se rappelle avoir entendu que les Basques se disent les descendants des Atlantes et que si on veut leur parler on a qu’à apprendre leur langage… Sage maxime.

Dany sent ses forces lui revenir. Non, il n’est pas étonné, il est bien dans la patrie de ce nouvel or noir, il vibre, devient baguette de sourcier, entre dans le premier commerce à l’affût du premier renseignement.

 

 

 

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Commentaires

barzoi (manquant)
un texte bourré d"énergie qui

un texte bourré d"énergie qui se lit avec plaisir, on va de surprise en surprise c'est trés condensé et j'ai bien aimé.

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