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Les contraintes (lien : mettre le pointeur de souris sur le lien, clic droit, ouvrir dans un nouvel onglet) : ICI

La Veille

Le mois de mars venait de commencer.

En cette fin d’hiver 1959, le temps n’était pas trop froid et un vent de liberté semblait souffler sur les habitants de Rome.

Il n’existait en effet aucune uniformité dans les tenues vestimentaires car chacun était habillé sans tenir compte de la saison.

Certains avaient décidé que, puisque le soleil était revenu, il serait bon de prendre un café sur une terrasse. Alors adieu manteaux et écharpes : un simple pull-over suffirait bien aujourd’hui !

Quelques-uns, plus prudents, avaient gardé leur blouson : on ne sait jamais, si le vent et la pluie revenaient, comme la semaine dernière ?

Pour d’autres c’était sans doute par manque de temps qu’ils avaient tout simplement repris le manteau porté la veille. Peut-être était-il accroché dans l’entrée ? Alors ils l’avaient probablement vite enfilé et étaient descendus en courant dans l’escalier pour ne pas manquer le bus ou être en retard à leur rendez-vous.

Voilà quelles étaient les réflexions de Michel alors qu’il revenait du Lycée français et remontait la via Mario De Fiori pour rentrer chez lui.

En fait, c’était l’une de ses caractéristiques : il se posait souvent des questions… et n’obtenait pas toujours les réponses.

Lorsque, de la fenêtre de sa chambre, il regardait les multiples lumières de la ville, il se demandait ce qui se passait derrière les vitres. Était-ce une famille heureuse ? Y avait-il plusieurs enfants qui jouaient ensemble ? Étaient-ils en train de faire leurs devoirs ? Leurs parents étaient-ils avec eux ? Si c’était le cas, ils avaient bien de la chance…

Soudain il entendit son nom « Milo, Milo attends-moi ». Se retournant, il vit Marco en train de courir dans sa direction.

Avec son cartable en main qui lui heurtait les genoux à chaque enjambée, son avancée ne serait pas trop rapide ! Mais Milo avait tout son temps, et c’est avec plaisir qu’il attendit son meilleur ami.

Il repensa alors à leur rencontre : c’était le jour de la rentrée et la récréation venait juste de commencer dans la cour de « Chato », tel qu’ainsi on appelait le lycée Chateaubriand à Rome. Il s’était retrouvé seul dans la cour, ne connaissant personne, alors que l’année dernière à Paris il avait plein de copains. Mais maintenant ils étaient tous bien loin puisque ses parents avaient décidé de s’installer dans la capitale italienne, malgré ses colères et ses larmes car lui ne voulait pas partir.

En ce premier jour de classe il n’avait pas osé aller vers les autres, ceux qu’il avait rapidement aperçus, le matin même : il était trop timide pour s’imposer à eux.

Tout d’un coup, un garçon brun s’était avancé vers lui, en criant « He, l’asperge, tu veux jouer au ballon ? ». Après avoir réalisé qu’a priori ceci s’adressait bien à lui, il avait serré les poings dans ses poches, se demandant que faire : l’ignorer ? Lui tourner le dos et rentrer à l’intérieur, dans le préau ? Lui mettre son poing dans la figure ?

Et puis, il avait décidé finalement d’essayer d’appliquer ce que lui répétaient souvent ses parents chaque fois qu’il s’énervait : calme-toi et explique-toi tranquillement. Et Dieu sait s’il avait souvent entendu cela avant les vacances, quand il essayait de leur faire modifier ce ridicule projet de déménagement !

Alors, il s’était dirigé vers celui qui l’avait si désagréablement apostrophé et avait rétorqué : « Je ne m’appelle pas asperge, et donc ne me prénomme plus jamais ainsi ; sans cela, moi je t’appelle Bouboule. »

L’autre, interloqué, s’était exclamé, tout en faisant demi-tour :

Oh, ça va. Ne t’énerve pas comme ça. Moi, si je t’ai proposé de venir, c’était pour toi.

Surpris de ce manque de réaction, Milo avait couru pour rattraper l’auteur de cette proposition finalement assez alléchante

Excuse-moi. Je sais que je suis grand, mais je m’appelle Michel et, en général, on m’appelle Milo. C’est sympa de me proposer de jouer. On y va ?

Et les deux gamins avaient couru rattraper le groupe.

Finalement les surnoms qu’ils s’étaient donnés lors de cette première rencontre (et que par accord tacite ils n’avaient ensuite plus jamais utilisés) leur allaient parfaitement tant ils faisaient penser, lorsqu’ils étaient côte à côte, à Don Quichotte et Sancho Pansa

Michel était grand pour son âge et très mince, à la limite de la maigreur, ce qui lui donnait une allure dégingandée et malhabile de ses gestes, comme cela arrive souvent aux adolescents de cet âge. Marco, quant à lui, mesurait bien 10 centimètres de moins, et avait manifestement quelques kilos de trop. Sa chevelure brune, drue et frisée lui arrondissait encore le visage, et ses yeux noirs et pétillants de malice émergeaient au-dessus de ses joues rebondies.

Aujourd’hui, devenus très bons amis, les deux enfants étaient donc contents de faire route ensemble pour rentrer chez eux après la classe.

Marco rompit le silence le premier.

Au fait, pourquoi on t’appelle « Milo » ? C’est drôle comme surnom ! Ça vient d’où ?

Michel sourit :

Tiens, tu fais une enquête ? Toi qui me mets souvent en boîte parce que je pose des questions et que soi-disant « je cherche toujours midi à quatorze heures ou à résoudre des problèmes lorsqu’il n’y en a pas ».

Pas ceux de maths, parce que ceux-là, il faut plutôt que je t’aide !

Oh, ça va ! Toi tu es bien content quand je relis tes devoirs de français pour corriger tes fautes.

Tu n’as aucun mérite à ça, puisque tu habitais en France avant. Allez, réponds à ma question.

Mon père est Français, mais ma mère est Italienne. Elle voulait m’appeler Michelangelo. Mon père, lui, disait que c’était trop long et finalement ce fut Michel. Mais ma mère m’a toujours appelé « Milo », diminutif de Michelangelo. Moi j’aime bien. Même mon père m’appelle Milo. Sauf quand il n’est pas content, alors là c’est Michel. Remarque c’est pratique : selon comment il commence sa phrase, je sais tout de suite si je vais me faire engueuler ou non.

Marco l’interrogea alors afin de savoir si ses parents étaient sévères.

Non, pas trop, répondit Milo. Mais en ce moment mes relations avec mon père sont plutôt froides. D’abord, il y a eu le déménagement, et il m’a souvent réprimandé car j’aurais voulu rester à Paris. Mais il m’a expliqué qu’on lui proposait dans sa boîte un poste important ici à Rome. En plus, cela permettait de se rapprocher de ma grand-mère qui vit à Florence. Et puis maintenant nous avons un autre sujet de discorde : en janvier prochain, j’aurai 15 ans. Et l’autre jour je leur ai dit que j’aurais voulu qu’ils m’offrent, pour mon anniversaire, des cours de parachutisme. Je ne te raconte pas ! D’abord ils se sont regardés, interloqués. Puis j’ai eu droit à des tas de remarques idiotes du style « Mais où as-tu pris cette idée ? ».

Marco l’interrompit :

Oui, effectivement, pourquoi tu veux faire du parachutisme ? C’est bizarre.

C’est tout simple : parce que c’est dangereux. Mais tu penses bien que je n’ai pas dit la raison à mes parents !

Je ne comprends pas. C’est bien la première fois que j’entends quelqu’un dire qu’il veut faire quelque chose parce que c’est dangereux lui rétorqua Marco !

Milo tenta alors d’expliquer ce qu’il venait de dire.

Il y a plein de choses que je n’ose pas faire et puis, parfois, j’ai peur de parler aux gens ou poser des questions lorsque quelque chose m’intrigue. En fait, je ne sais pas pourquoi, je suis timide ! Mais par contre je sais ce que je veux faire plus tard comme métier : je veux être détective. Eh bien, un détective, il doit sans cesse interroger, l’air de rien, pour faire son enquête et répondre à ses interrogations. Moi, je me pose les questions, mais juste à moi-même. Alors, je n’ai pas toujours les réponses. Tandis que si je sais que le lendemain, par exemple, je dois faire quelque chose de dangereux et risquer d’être immobilisé longtemps suite à une mauvaise chute, je serai bien obligé de tout faire très rapidement pour que mon enquête avance ! Et j’arrêterai d’hésiter ou de repousser à plus tard mes recherches et mes interrogatoires même si je ne connais pas les gens.

Marco sourit.

Oui, mais si cela se trouve, tu te seras cassé vingt fois la figure avec ton parachute avant d’avoir passé ton bac et commencé ton métier.

Mais non, poursuivi Milo, des enquêtes, même maintenant j’en ai plein en tête. Ce matin, par exemple : as-tu remarqué que ce n’est pas le gardien qui était à la porte du collège pour vérifier les entrées, mais sa femme ? Je voudrais bien savoir pourquoi !

Le couple de gardiens était considéré par tous les enfants comme leurs protecteurs. C’était habituellement le gardien qui, à 8 heures précises, ouvrait tous les jours les portes du lycée. Puis il distribuait à chaque élève qui rentrait un grand sourire et un « Bonjour » jovial.

En principe, les portes devaient se refermer à 8 h 15. Mais, lorsque l’heure était venue et même si la cloche sonnait à toute volée, il n’hésitait pas à fermer lentement la grille afin que les retardataires puissent se glisser en courant dans l’enceinte !

Les enfants avaient donc l’habitude, dès le matin, de le voir dans son bleu de travail et ses grosses chaussures, ce qui lui permettait dès la rentrée effectuée de s’affairer au jardin ou aux menus réparations de plomberie ou peinture.

Quant à sa femme, il fallait attendre habituellement l’heure du déjeuner pour qu’elle apparaisse : c’est elle en effet qui, après avoir participé à la préparation des repas, les servait à la cantine. Et, bien souvent, elle donnait en petite portion les haricots verts mais était plus généreuse pour le dessert.

Pour la cantine, il y avait deux services : la gardienne s’occupait du premier d’entre eux, alors qu’une autre dame la remplaçait au suivant. Il n’était donc pas étonnant de voir tous les élèves se précipiter pour faire partie de ceux qui seraient servis par la gardienne.

Les deux enfants continuèrent leur route tranquillement, et traversèrent la piazza Del Popolo. Milo aimait bien cet endroit : avec cet obélisque au centre on se croyait place de la Concorde, à Paris.

Puis ils rejoignirent la via Del Babuino, où habitait Marco.

En passant devant la fontaine située dans cette rue et qui portait le nom de cette dernière, cela rappela un vieux souvenir à Milo, qui dit à son ami :

Tiens si j’avais su, lorsque tu m’as appelé « Asperge », le jour de la rentrée, moi je t’aurais appelé « le babouin ». Allez, bonne soirée et à demain, dit-il en riant et s’enfuyant rapidement par crainte des représailles.

Il avait en effet appris par sa mère la raison de cette appellation de la statue qui ornait la fontaine et ne représentait nullement un babouin : il s’agissait en fait d’un vieillard jovial, mais que les Romains avaient trouvé si laid qu’ils le nommèrent « le Babuino » !

Il continua son chemin d’un pas nonchalant : ce soir, il n’était pas pressé.

Ses parents étaient absents durant trois jours. Ils étaient partis le matin même, très tôt, pour une « escapade » à Venise afin de fêter leurs 20 ans de mariage. Juste avant de partir, sa mère l’avait réveillé et, bien sûr, les recommandations n’avaient pas manqué ! C’est drôle, il avait parfois l’impression qu’elle le considérait toujours comme un bébé. Il était bien capable de rester seul durant trois jours ! Surtout que tout avait été organisé : chaque matin, elle lui téléphonerait afin de savoir si la journée de la veille s’était bien passée. Et puis il la soupçonnait aussi de vouloir ainsi vérifier qu’il avait bien entendu son réveil. Le soir madame Verutti, leur femme de ménage, viendrait à 18 h 30, au lieu de venir le matin, comme elle le faisait en temps ordinaire. Elle pourrait préparer le dîner qu’ils partageraient tous deux, puis lui tenir compagnie jusqu’à 20 h 30. Et il avait la consigne : « Après le départ de madame Verutti, tu lis un petit moment au lit et ensuite, extinction des feux à 9 h ».

Peu de temps après avoir quitté son ami, Milo atteignit la via Frattina, où ses parents avaient trouvé un charmant appartement, en rez-de-chaussée, et qui disposait également d’une petite cour agréablement aménagée.

Ils avaient vraiment eu de la chance de trouver ceci pensa-t-il : à tout juste un peu plus d’un quart d’heure du lycée et tout près de la villa Medicis, où sa mère occupait un poste de responsable des expositions. Certes, elle devait souvent se déplacer pour mettre en place les manifestations à venir, mais au moins lorsqu’elle travaillait à son Bureau cela lui permettait de ne pas rentrer trop tard.

Il pénétra dans la maison, vide comme c’était souvent le cas lorsqu’il rentrait de classe, et jeta un rapide coup d’œil à sa montre : dans une demi-heure, madame Verutti serait là. Il avait le temps de goûter tranquillement, et de se mettre à ses devoirs afin qu’elle puisse dire à ses parents à leur retour qu’il avait été très sérieux !

Et soudain il le vit…

Le lendemain matin, comme prévu, le téléphone sonna alors qu’il était en train de finir son petit déjeuner. Ses parents semblaient ravis de leur séjour et il leur dit que pour lui tout allait bien également.

Tout allait bien ?

En raccrochant il se demanda si c’était bien vrai. La veille au soir, madame Vérutti avait au cours du dîner détruit son espoir de possible enquête !

Elle était très bavarde et s’était crue obligée, alors qu’il partageait leur repas, de lui faire la conversation. Milo l’écoutait d’une oreille distraite raconter les nouvelles du quartier et de Rome : la construction du métro avançait, on était en train de tourner un film près de la Fontaine de Trévi…

Elle avait donc dû lui répéter 2 fois sa question pour qu’il atterrisse sur terre :

— Vous avez su, à l’école, pour le gardien ? Ce matin, j’ai rencontré sa femme au marché. Il est parti 8 jours à Gênes où vit sa mère. Il paraît qu’elle s’est cassé la jambe et il a dû y aller pour l’aider le temps qu’elle s’habitue à ses béquilles.

Non, on ne nous a rien dit, répondit enfin le garçon. Mais effectivement, ce matin c’est sa femme qui a fait l’accueil.

Et tout en répondant ceci, Milo avait pensé : pas la peine d’interroger la gardienne à ce sujet (d’ailleurs, aurait-il eu l’aplomb de le faire ?). Finalement, c’est peut-être vrai que je me pose des questions qui n’ont pas lieu d’être.

C’est donc un peu déçu qu’il reprit le chemin du lycée après avoir vérifié deux fois qu’il avait bien fermé la porte à clé.

En arrivant dans la cour il réalisa une chose : il avait oublié de se donner un coup de peigne ! D’habitude, sa mère s’assurait de sa tenue vestimentaire ! Mais il avait encore le temps de passer aux toilettes.
C’était un petit bâtiment, indépendant et un peu isolé. À gauche, les sanitaires, à droite une porte sur laquelle était apposée une grande affiche : « Local technique — Interdit aux élèves ». Au début de l’année scolaire, Milo avait entendu les bruits les plus fous courir sur ce local. On y enfermait les mauvais élèves, par exemple !

En fait, lors de la réunion des parents au premier trimestre, il leur avait été indiqué que ce local contenait les outils et produits nécessaires à l’entretien du jardin. Donc, par sécurité, il était strictement défendu aux élèves d’y aller. Sa mère lui avait rapporté ceci tout en renforçant bien sûr le message.

En sortant des toilettes Milo eut l’impression soudaine que quelque chose n’était pas comme d’habitude ; il recula donc légèrement, alors qu’il s’apprêtait à courir pour rejoindre les rangs qui commençaient déjà à se former préalablement à la rentrée en classe.

Quelle ne fut pas sa surprise d’apercevoir la porte du fameux local entrebâillée ! C’était bien la première fois qu’il ne la voyait pas fermée. La seule personne qu’il ait déjà vu entrer dans cette pièce était le gardien. Il sortait alors une grosse clé, toujours accrochée à sa ceinture, pour ouvrir la porte et chaque fois, tout comme Milo ce matin en sortant de chez lui, il vérifiait bien en partant qu’il avait donné les 2 tours de clé nécessaires à sa fermeture.

Mais, aujourd’hui le local était ouvert !

Milo se dit qu’il avait un peu de temps devant lui pour vérifier, une bonne fois pour toutes, ce qu’il en était et ce qu’il y avait vraiment derrière la porte. Il la poussa délicatement, tout en s’assurant que personne ne pouvait l’apercevoir.

Et c’est alors qu’il le vit…

Malgré la pénombre qui régnait dans la pièce, l’ouverture laissait entrer une lueur suffisante pour distinguer un corps allongé.

Car il s’agissait bien d’un corps, il n’y avait pas de doute : près de la porte, les 2 grosses chaussures côte à côte se poursuivaient par 2 jambes vêtues d’un survêtement kaki. Puis une couverture masquait tout le reste du corps, laissant deviner la forme des bras le long du thorax et, plus haut, le léger renflement de la tête.

Il fut pris d’un léger vertige. Longtemps il se rappellerait cette sensation de froideur qui envahissait tout son corps même s’il sentait des perles de sueur apparaître sur son front.

Sans l’ombre d’un doute il reconnut le gardien, avec ses grosses chaussures lui permettant de travailler au jardin et son survêtement, bien souvent maculé de traces de terre ou de peinture. Il était un peu difficile d’en déterminer la couleur exacte...

Il chuchota :

Monsieur, monsieur, quelque chose ne va pas ?

Aucune réponse.

Le seul bruit fut la cloche du lycée, indiquant aux élèves qu’il fallait rentrer en classe.

Milo repoussa rapidement la porte et courut à perdre haleine pour rejoindre son rang.

Ce matin-là il eut de la chance car les 2 premières heures de cours s’enchaînèrent sans que les professeurs ne semblent le remarquer. Enfin vint la récréation.

Il sortit rapidement et alla s’asseoir à l’écart afin de réfléchir à ce qu’il allait faire.

En parler à Marco ? Celui-ci allait se moquer de lui et dire qu’il voulait se rendre intéressant.

En parler au surveillant ? Il se ferait punir puisque les élèves n’avaient pas le droit d’entrer dans le local.

Aller voir la gardienne ? Elle avait sûrement pris son travail en cuisine. Et puis, si elle avait dit à madame Verutti que son mari était chez sa mère, c’était certainement un mensonge fait volontairement. Quelle serait sa réaction si elle voyait que son stratagème était découvert ?

Si ses parents avaient été là, il aurait pu leur en parler. Mais aucun moyen de les joindre à moins de laisser un message à leur hôtel, message qu’ils récupèreraient tard puisqu’ils devaient faire une excursion toute la journée. Autant attendre demain matin qu’ils téléphonent.

De toute façon il n’avait pas envie de montrer à ses parents qu’il avait besoin d’eux alors qu’ils s’absentaient juste quelques jours !

Finalement, après mûres réflexions, il décida d’en parler à Marco à l’heure du déjeuner. Ensemble, ils décideraient ce qu’il fallait faire.

Il se leva sans entrain, et rejoignit sa classe. Et il fit discrètement passer à son ami un petit morceau de papier sur lequel il avait écrit rapidement : à midi, attends-moi ; il faut que je te parle.

Un après-midi bien long

Dès la fin des cours les deux amis se retrouvèrent donc dans le préau, attendant l’heure de la cantine.

Marco s’exclama :

Alors, qu’est-ce qu’il t’arrive, tu es blanc comme un linge ! Non pardon, comme la Vénus.

Milo, arrêtant 30 secondes de penser à ce qui ne cessait de le préoccuper, s’interrogea sur ce qu’il venait d’entendre :

Pourquoi tu me parles de Vénus ?

La Vénus de Milo, pardi ! Tu ne l’as jamais vu au Louvre ? Tout en marbre blanc !

Oh écoute, je n’ai pas envie de rire. C’est vrai que je suis blanc ?

Tu es livide, répondit Marco, sentant qu’il y avait probablement quelque chose de grave. Allez, viens t’asseoir là-bas avant que l’on ne nous appelle pour déjeuner et dis-moi tout.

Milo raconta la découverte qu’il avait faite et finit son récit par :

Selon toi qu’est-ce que je dois faire ?

Eh bien, lui répondit Marco, on va aller voir ensemble tout de suite et ensuite on en parlera peut-être au prof de gym. C’est le plus sympa de tous et s’il nous punit car on est allés voir le local technique, au moins on sera deux.

Milo commença à se sentir un peu soulagé. Maintenant il en était sûr : Marco était vraiment un ami sur qui il pouvait compter.

Toutefois après un instant de réflexion il lui répondit :

Non, il vaut mieux déjeuner maintenant et y aller au moment du deuxième service : il y aura moins de monde car tu sais bien que juste après les cours, ils se précipitent tous aux sanitaires pour aller se laver les mains. Attendons donc un peu, il y aura moins de monde et on sera plus tranquilles.

Après le déjeuner, les deux enfants se dirigèrent donc vers le local technique mais Milo craignait une chose : si la porte avait été refermée ? On en serait revenu au point précédent c’est-à-dire qu’il ne pourrait prouver que ce qu’il disait était exact et personne, même pas son ami, ne le croirait !

Arrivé devant la porte, il vit tout de suite qu’elle n’avait pas bougé depuis le matin et était toujours entrebâillée. Très rapidement il la poussa légèrement.

Tous les outils étaient là, de la pelle à la pioche en passant par la tondeuse.

Toutes les boîtes d’engrais ou de traitement divers étaient là.

Tous les sacs de terreau étaient là.

Mais le corps étendu qu’il avait vu le matin même avait disparu.

Alors, Marco commença à s’énerver :

Écoute, maintenant, ça suffit. Si tu veux faire ton intéressant trouve d’autres moyens. Si tu veux me faire une blague sache que le 1er avril c’est dans trois semaines.

Milo sentit les larmes lui monter aux yeux et répliqua :

De toute façon, ne me dis pas que tout est normal ! Tu vois bien que la porte est ouverte alors que d’habitude elle est toujours fermée.

C’est vrai, rétorqua Marco, un peu perturbé par l’attitude de Milo. Je veux bien te croire. On va aller voir la gardienne et lui dire que la porte est restée ouverte.

Manifestement il y avait un malaise entre eux. Ils rebroussèrent chemin en silence et se dirigèrent vers la grille d’entrée, située à côté du logement des gardiens.

Mais la loge était fermée et devant le peu d’empressement que manifestait Marco pour aller chercher la gardienne, Milo lui dit :

Bon, ça ne fait rien ; ne t’en occupe pas. On va dire que j’ai rêvé et, pour la porte, laisse tomber. On ne va pas risquer de se faire gronder pour rien.

Les cours de l’après-midi parurent très longs aux deux collégiens et l’un comme l’autre n’était pas très concentré sur ce qui se passait au tableau. Milo était inquiet. Presque autant parce qu’il repensait à ce corps allongé que par la crainte de s’être ridiculisé auprès de son ami. Quant à Marco, il se demandait ce qui avait pris à son ami d’inventer toute cette histoire. À la sortie, regrettant sans doute son attitude un peu dure, il proposa qu’ils rentrent ensemble, comme la veille.

Et tous deux commencèrent à descendre la via Di Villa Ruffio, à la sortie du lycée. Mais l’ambiance, tendue, était loin d’être la même que celle du jour précédent.

Rompant le silence Milo raconta ce que lui avait dit madame Verutti au sujet de la mère du gardien, ce à quoi son ami en profita pour lui lancer une « pique »

Eh bien tu vois, parfois tu as les réponses à tes questions sans même avoir besoin de les poser.

C’est alors qu’ils entendirent de grands cris.

He les gamins, attendez-moi. J’ai oublié mes clés.

Ils se retournèrent et virent un grand garçon de 16 ou 17 ans qui courait pour les rattraper. Marco fit les présentations :

Tiens, tu ne le connais pas encore : voilà mon frère. Il est en terminale et il veut devenir médecin, lui. Mais alors, il s’y voit déjà, et j’ai horreur quand il m’appelle « gamin ». Ce n’est pas parce qu’il est plus vieux que moi qu’il doit me traiter de haut !

Les trois garçons reprirent leur route. D’un air condescendant le plus âgé demanda à son frère :

Alors, ça a marché aujourd’hui ?

Oui, rien de spécial s’empressa de répondre Marco ; et puis, ne m‘appelle pas gamin. Surtout quand tu es bien content de pouvoir compter sur moi puisque tu as oublié tes clés. Et vous, qu’avez-vous fait ?

Oh, rien de spécial, Philo, Maths, etc. Ah, si, on a eu quelque chose de super : tu sais que je me suis inscrit à des cours de secourisme. C’est une option aussi cela se passe après les cours du matin, pendant le premier service de la cantine. Aujourd’hui on a eu une présentation faite par un vrai médecin. Il nous a expliqué tout le principe de la respiration, et ce qu’il fallait faire si quelqu’un se noyait. En fait, jusqu’à présent on avait des cours très théoriques. Mais là, ce qu’il y avait de bien c’est qu’il avait amené un mannequin plus vrai que nature. On a fait des exercices avec lui, et on s’y croyait vraiment.

Les deux plus jeunes s’arrêtèrent net et se regardèrent. Milo était passé de la couleur blanche « de marbre », comme aurait dit son ami, à la couleur rouge pivoine.

Vous aviez un mannequin avec de grosses chaussures et un survêtement kaki ? s’écria-t-il.

Oui, c’est cela. Pourquoi, et puis qu’est-ce qu’il te prend de crier ? Celui qui nous donnait les cours l’avait amené hier soir : ce matin juste avant nous il avait des visites à faire et ne pouvait donc s’en charger. Lorsque le cours a commencé un des élèves est allé le chercher dans le local technique. Même que cet idiot a eu un problème avec la clé en partant, et il n’a pas réussi à refermer la porte. On doit la réparer ce soir. Et le surveillant a dit « Cela tombe mal car le gardien qui d’habitude fait ce genre de réparation est absent pour quelques jours. »

Les 2 plus jeunes éclatèrent de rire. En l’espace de quelques secondes la tension entre eux s’était évaporée. Marco fit un clin d’œil à son meilleur ami et dit à son frère.

Oui, et tu sais, Milo a fait une enquête très précise afin de savoir pourquoi le gardien s’est absenté. Eh bien il est allé voir sa mère et revient dans quelques jours.

Le plus grand ne comprenait pas trop l’hilarité soudaine des deux plus jeunes. Mais il mit ceci sur le compte de « l’âge bête ».

Lorsque les deux frères furent arrivés chez eux, Milo continua son chemin. Et, pour changer, il se posa une question : devait-il raconter à ses parents ce qui lui était arrivé aujourd’hui ?

Épilogue

La soirée se passa sans problème. En attendant madame Verutti, Milo s’installa tranquillement dans le canapé et passa en revue les événements de la journée. Quelle peur il avait eu ! Il repensa tout d’un coup à ce qu’avait dit le frère de Marco : un élève était allé chercher le mannequin un peu avant le premier service. Donc si, comme le proposait Marco, ils étaient retournés au local technique juste après les cours du matin, le mannequin aurait été encore là. Et certainement ils auraient alors tous les deux vu qu’il ne s’agissait pas d’un corps humain, mais d’un être dont les jambes molles autorisaient à soulever la couverture. Cela aurait permis de voir sa tête de mannequin. Et l’après-midi aurait été moins dure…

Comme quoi, il suffit parfois de presque rien pour changer le cours des choses.

 

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Commentaires

la poussière
c'est vrai que c'est

c'est vrai que c'est difficile de faire un polar et quand on trouve un corps dans ce qu'on sait être une histoire avec des contraintes inconciliables, il faut bien arriver à faire disparaitre ce corps. Que ce soit sous un lit ou dans une cabane de jardin, je trouve que c'est une amusante solution.

J'ai bien aimé l'idée de s'exercer au métier de détective en imaginant les  histoires  des gens à travers les fenêtres ou parce que leurs vêtements les distinguent de leurs voisins. J'aime l'hiver parce qu'il fait nuit tôt, que les lumières sont allumés et qu'on peut voir dans les maisons...

J' ai trouvé dans ton récit beaucoup de mes propres souvenirs d'enfance et pour cela, entre autre, elle m'a bien plu.

plume bernache
                Hé bé non, ce

                Hé bé non, ce n'est pas un polar !:p
Qui peut s'instituer expert en polar juste parce que c'est une contrainte d'atelier ?
Nous avons toutes une "large marge de progression"devant nous ! Tant mieux !angel

Quant au style, d'autres sont plus compétents que moi pour juger …

 Quoi qu'il en soit,

dans ce texte j'ai retenu plusieurs passages :
la présentation des deux gamins "genre Sancho Pansa et Don Quichotte", leur relation entre chamaillerie amicale un peu maladroite, et provocation adolescente. Je les vois.

Le choix du prénom "Milo": Compromis entre le souhait du père (Michel) et celui de la mère
( Michelangelo) puis le père n'utilisant le nom officiel de "Michel" que pour les reproches :
Très fine observation !!!clapping

Plus loin Marco invitant la "Vénus" dans le dialogue avec son copain à un momet où celui-ci n'est pas du tout réceptif à l'humour. Moment très vivant.
la relation avec le grand frère étudiant en médecine est bien observée aussi.

Le couple de gardiens est  bien sympathique. Leur façon d'aider les élèves est toute en finesse (petitesportions de haricots verts, grosses portions de dessert)

Dans la 3ème partie, la formule (anaphore?) "Tous les outils … Toutes les boîtes…Tous les sacs…Mais…" amène un petit suspense à la manière d'un conte.

Pour tout cela, j'ai trouvé ce texte plaisant.give_rose

 

 

luluberlu
Portrait de luluberlu
1) Il y a pas mal de

1) Il y a pas mal de lourdeurs provoquées par une utilisation intensive des « qu’il » (30), des « que » (37). Exemples :

« Certains avaient décidé que, puisque... »
« c’était sans doute par manque de temps qu’ils avaient... »
« tel qu’ainsi on appelait le lycée Chateaubriand... »
« Et l’autre jour je leur ai dit que j’aurais voulu qu’ils m’offrent... »

De plus, j’ai trouvé la mise en route laborieuse avec un entrelacs de phrases qu’il aurait été judicieux de simplifier. Pour moi, le propos n’est pas clair... Mais peut-être est-ce de ma faute. La contrainte (idiote) des 5000 mots a peut-être induit ce déluge verbal.

2) En principe, le lecteur est capable de combler des vides. Exemple :

« Mais il m’a expliqué qu’on lui proposait dans sa boite un poste important ici à Rome. »
En tant que lecteur, je suis capable de déduire :  si on lui propose un poste plus gratifiant, il s’agit de son entreprise.
Prendre le lecteur par la main n’est pas toujours judicieux.

Autre exemple :

« Je ne comprends pas. C’est bien la première fois que j’entends quelqu’un dire qu’il veut faire quelque chose parce que c’est dangereux lui rétorqua Marco ! »
Pourquoi préciser « lui rétorqua Marco » ? L’alternance des dialogues suffit. Il n’y a que 2 interlocuteurs... pas de quoi se perdre.

Idem :
« avec cet obélisque au centre on se croyait place de la Concorde, à Paris. »
Ben oui, c’est à Paris.

« Elle avait donc dû lui répéter 2 fois sa question pour qu’il atterrisse sur terre » : atterrir se fait sur terre.
« pour rejoindre les rangs qui commençaient déjà à se former préalablement à la rentrée en classe. » Sinon, je ne vois pas pourquoi.

Globalement : un récit laborieux à lire. Des contraintes respectées à minima. Rien à voir avec un polar, tout au plus une méprise.

 

 

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