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Au langage des corps, le verbe s’amenuise

 

il altère son souffle, s’allège et puis se rend

finalement conquis

non sans un brin de résistance

émouvante et bavarde

flottement d’arrière-garde

où sans en avoir l’air

sous quelques gloussements profanes

on dépose les armes

devant la force vive

d'où s'élance, puissant, l'irrésistible appel

l’éclatante évidence

transcendance charnelle

d’une source première

 

et les mains qui se disent

entament leur prière

mélodie du désir

libérant ses arpèges

 

et puis cède la chair

apprivoisée

joyeusement soumise

finalement consentante

... si consentante

qu’elle en pleure, farouche, quelque caresse immense

vaste, douce et sauvage

étreinte émerveillée

chaude, tendre et humide

comme la terre odorante

enlaçant chaque instant

en vagues immortelles

en danse originelle

primordiale

animale

intimité sacrée, infiniment candide

voyage d’eau et de feu

abondamment joyeux

au-delà de l’espace et de la roue du temps

tandis que se dilate l’éternel présent

que se parlent les peaux

que se tressent les yeux

en longs frémissements

 

merveilleux chant d’amour éclaboussé de joie

où coule le désir comme une eau de printemps

 

à cette pulsation rythmée sur l’infini

grande marée d’équinoxe

engloutissant l’hiver

s’abandonnent les corps et se fondent les âmes

dans les bras de la vie

jouissance éblouie

où chante l’univers

 

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Commentaires

Louis P.
Quand le langage du corps

Quand le langage du corps l'emporte sur le langage verbal, " le verbe s'amenuise "

Le langage verbal perd sa force, quand s'exprime le langage du corps, il perd son poids, il « s'allège », il résiste, mais finalement se rend, capitule face à la puissance expressive corporelle, irrésistible.

 

Cette puissance se manifeste dans une «  danse  originelle ».

Le corps s'exprime d'abord par la danse. Par elle, par la danse, le corps suit un rythme, une musique, elle suit un rythme premier, celui de la vie, celui du cœur qui bat  ; le corps danse et suit la cadence, celle d'une énergie première, celle d'une pulsation vitale.

Par la danse, le corps trouve une légèreté, il se délivre de toute gravité, il s'élève au-dessus de toute pesanteur, il se soulève et trouve un équilibre entre la terre et le ciel, entre l'envol et les contraintes terrestres.

La « transcendance » n'est pas du côté de l'esprit, mais dans la force vitale du corps, « transcendance charnelle ». La danse est vie, et le corps qui danse affirme la vie. « La danse est un poème » disait Diderot ; par la danse, le corps exprime la poésie de la vie.

 

« et les mains se disent », elles ne disent pas, elles ne représentent pas autre chose qu'elles-mêmes, elles « se » disent ; le langage du corps n'est pas représentation, mais présentation. Elles s'affirment dans leur être corporel traversé de désirs.

Les mains « entament leur prière », elles ne se tournent pas vers le ciel d'une transcendance spirituelle, mais célèbrent le désir, mais honorent la vie qui est désir.

La prière est une mélodie, une mélodie à deux mains, quand les mains s'unissent, quand elles s'accordent, quand elles se joignent, ferventes, aimantes.

Le langage du corps est un langage musical.

Aux dieux transcendants du spirituel, le corps préfère le mélodieux charnel.

 

Les mots du texte à leur tour entament une danse et un chant quand « cède la chair ». Le verbe se soumet à la danse originelle, « primordiale », il chante avec ses mots un autre langage, sans verbe, qui s'exprime dans un corps accord, dans une « étreinte émerveillée », où tout se dit par des pleurs, des caresses « immenses », de « longs frémissements », des « peaux » qui s'effleurent, s'accollent, se serrent ; où tout se dit et en même temps se vit, dans une union qui abolit l'espace et le temps, « au-delà de l'espace et de la roue du temps ».

Les corps, d'abord prisonniers des dimensions spatiale et temporelle, trouvent dans leur enlacement, dans leur étreinte folle, un mouvement de transcendance qui les libère des limites temporelle et spatiale ; ils se vivent dans une éternité, un illimité, un infini, quand le verbe ne peut que les désigner.

 

Le verbe chante l'union, l'entente des corps qui se parlent dans leur langage charnel, entente répétée dans la chair « consentante... si consentante ». Le langage des corps, contrairement au verbe, est sans distance ; il n'est pas un substitut d'une absence, une re-présentation, mais présence qui s'affirme, mais suture de toute distance, abolition de toute séparation, annulation de tout isolement, jusqu'à cette fusion des corps entre eux, et les âmes qui suivent, qui « se fondent », jusqu'à cette fusion corps et âme avec tout l'univers, avec la « pulsation » vitale de l'univers « rythmée sur l'infini »

Ce que dit le corps est ainsi un para dit, mais enchanté, et merveilleux.

 

Le verbe du texte ne « s'amenuise » pas pourtant quand il exalte le langage du corps...

 

 

RB
Portrait de RB
Nous sommes dans le même

Nous sommes dans le même cas.

Et je vous comprends parfaitement.

Écrire, c'est se tenir à côté de ce qui se tait
Jean-Louis Giovannoni - extraits de Pas japonais

Tinuviel
Portrait de Tinuviel
Je comprends parfaitement ce

Bonjour RB,

 

Je comprends parfaitement ce que vous voulez dire et à quoi vous faites allusion...

 

Et vous êtes parfaitement dans l'impression juste, étant donné que ce texte est plus "cérébral" que charnel... il dépeint un idéal, un fantasme, et non une réalité tangible du moment.
Il dépeint un état d'extase et d'union totale que je n'ai pas encore eu la joie et la plénitude de connaître vraiment, tout au moins pas à ce niveau.
Bien entendu, il fait appel à du vécu également (heureusement me direz-vous), mais il "complète" ce vécu de quelque chose de plus puissant, complet.

 

Par contre, sachant parfaitement à qui il s'adresse, j'ai sublimé et "prolongé" ainsi des sentiments profonds en un fantasme plus... concret dirons-nous :)

 

Merci pour votre pertinente lecture !

RB
Portrait de RB
Beau

Bonjour Tinuviel.

J'ai aimé lire votre texte. Vous maîtrisez parfaitement ce sujet que tant aimeraient décrire mais où tant commettent des erreurs qui gâchent tout : vulgarité, excès de romantisme, trop "anatomique" ou platonique, etc.

J'ai aimé le lire et le relire à nouveau. Vous écrivez bien et "juste", à une longueur d'onde parfaite, à l'écart de tous les pièges.

Mais, c'est curieux, malgré que je ne lui trouve que des qualités, je n'aurais pas souhaité l'avoir écrit. (Tant mieux direz-vous...).

Pourquoi ? Simplement parce qu'il lui manque ce petit quelque chose "d'insensé", d'intimement déraisonnable, de particulier à vous, à vous seule (je pense ne pas me tromper en écrivant cet adjectif au féminin).

Il est presque trop parfait pour évoquer ces moments d'éphémère éternité. Mais je ne lui dénie absolument pas tout son charme.

Et vous m'avez fait vibrer. Merci.

 

Écrire, c'est se tenir à côté de ce qui se tait
Jean-Louis Giovannoni - extraits de Pas japonais

brume
Portrait de brume
Bonjour,

Pas de commentaire constructif, c'est juste beau, intense. Comme j'aimerais savoir écrire comme ça!

Chaque vers me font cogner le coeur. Des mots simples mais enveloppés de tant d'émotion.

Un vrai poème d'amour:

"et puis cède la chair

apprivoisée

joyeusement soumise

finalement consentante

... si constentante

qu'elle en pleure, farouche, quelque caresse immense

vaste, douce et sauvage

étreinte émerveillée

chaude, tendre et humide

comme la terre odorante"

Sublime.

 

 

Jamijo
Portrait de Jamijo
Au langage des corps

Merci pour ce poème très poétique. Les images défilent tout naturellement, positives, belles, douces, intimes mais voluptueuses, "merveilleux chant d'amour éclaboussé de joie où coule le désir comme une eau de printemps" pour finir par "jouissance infinie où chante l'univers": L'Amour, la Vie, l'attirance charnelle de deux corps avec une communion spirituelle palpable. C'est très épanoui, très beau. Ce poème devrait être lu par les jeunes adolescents avant leur première expérience sexuelle. Félicitations pour cette si belle interprétation expressive mais très poétique de l'amour.

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