le temps est tout râpé
c'est ça qui me viole
et jamais ne se termine
à l'heure qu'il est
tout ce à quoi j'ai cru
dérive d'aveux ployés
ce que je savais de l'évasement du monde
est troué de projectiles
oui je débarque
d'une parcelle à quelques encablures
juste vis-à-vis
il y a encore trop d'homme
à bord des jours
sous l'eau les pierres ou l'atmosphère
je ne me quitte pas
pourvu et fruste
de travers sur une trace
avec mon dos de bois
je sens l'épure me décolorer
l'extase m'élaguer sans m'endurcir
je reste du voyage
rauque en ces étroites berges
tu me peuples
Commentaires
Magnifique, ce "nu" d'âme...
Tout en pudeur, parcimonieux en mots, mais assemblés avec une force et une poésie qui touchent au plus juste, au plus intime même.
"Il y a encore trop d'homme"
J'adore ce singulier...
"je ne me quitte pas"
"je reste du voyage"
Malgré le fait d'être "de travers sur une trace", "avec mon dos de bois", pas de renoncement à l'être, à ce qui le constitue, à la vie qui pulse malgré tout
Et malgré tout ce poids, ou peut-être grâce, l'être apprend à "s'élaguer sans s'endurcir"
" tu me peuples"... aaaah, cette phrase, quelle puissance
En si peu de mots, retracer ce chemin d'homme ployé mais droit sous l'épreuve.
Et dire l'amour avec une telle force.
Les 2 premiers tercets sont magnifiques. En quelques mots, tout est dit. Le reste aussi d’ailleurs... et ce « tu me peuples » traduit parfaitement les sentiments éprouvés. « Tu me peuples », superbe métaphore. « Chapeau bas » monsieur Le Poète.
Je suis mal placée pour commenter ce texte sans doute très bien écrit, mais tellement différent de la poésie classique dont je suis imprégnée. Cependant, après plusieurs lectures, car chaque mot a un sens primordial, je crois comprendre qu'il s'agit de passer de notre monde à l'autre et que le poète attend, au débarcadère (oui je débarque....à quelques encablures). Beaucoup de mots me semblent incompréhensibles, notamment "tu me peuples". Pardon pour mon manque de culture dans ce style de poésie, mais il ne me parle pas, ou si peu.