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          Elle vit les phares s’éloigner dans la nuit.

Pour la première fois, elle se retrouvait seule dans cette sinistre demeure au cœur de la forêt.

            L’acquisition de cette maison avait été un caprice d’Henry. Il faut dire que celui-ci était devenu acheteur compulsif. Sans jamais se soucier de l’Assiette des impôts. Surtout depuis qu’il était entré en politique et qu’il se sentait présidentiable. Ce qui, pour elle, était totalement rocambolesque : « Il n’avait pas l’envergure. » Ses opposants le lui répétaient sempiternellement. Et aussi quelques-uns de ses amis… cela le mettait en rage.

            Elle ne disait rien et se contentait de cultiver son carré de radis. Tout en réfléchissant. Les colères de son homme devenaient de plus en plus dévastatrices.

Pour le calmer, elle eut l’idée de lui procurer un gros ballon de gymnastique. Le sport canalise l’agressivité n’est-ce pas ? Efficacité supposée vérifiée selon les dires de la Faculté.

Las ! À peine le ballon avait-il roulé à ses pieds, qu’il l’avait lardé de sept coups de poignard de chasse. Puis, abandonnant la dépouille de caoutchouc, il avait sauté dans son pick-up et s’était rué dans le chemin en faisant hurler le moteur.

            Elle alla trouver refuge dans le salon et pour se rassurer, elle piocha une poignée de pastilles de miel dans la fine bonbonnière qu’Henry lui avait offerte au début de leur relation.

            C’est en rajustant le couvercle qu’elle aperçut, caché derrière le piano, le paquet de forme oblongue enveloppé de papier kraft marron. Elle imagina le pire. Elle déchira un coin de l’emballage. Juste un peu pour ne pas éveiller les soupçons de son irascible mari. N’osant pas regarder, elle glissa sa main par l’échancrure, palpa et sentit son sang se glacer…

             Elle ouvrit enfin les yeux : c’était un arbre en peluche ridicule.

Les contraintes ICI

 

  

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Commentaires

cfer
plume citoyenne

Oui, Lilou vire en tête, ce n'est que justice eu égard au piège tendu par l'adversaire. Mais étant donné qu'il s'agit d'un scrutin majoritaire à 2 tours on va attendre la semaine prochaine pour lui laisser le temps de confirmer l'essai!

La politique n'est pas un long fleuve tranquille! le personnage de la micro nouvelle, Henry, en sait lui aussi quelque chose! Ne dit-on pas que le pouvoir rend fou?

Heureusement que dans ce monde de brute il y a aussi des poètes capables de nous offrir une "sidération totale"!

Merci pour ces belles parenthèses.

K-tas-strof
Portrait de K-tas-strof
Surprise sur prise

Pleine de fausse piste cette histoire... lol

On sent venir la noirceur de la demeure et on imagine les sordides légendes, le passé médiatique d'un homme de pouvoir devenant plus rien, la fuite en avant à bord d'un 4x4 dans la forêt menant vers.... et la découverte d'un trésor.... qui n'a de valeur que les sentiments qu'on lui porte.

Ca manquait de piquant, un peu, pour moi. J'aurai aimé que soient creusées chacune de ces idées... qui n'en étaient finalement pas.

Ce Henry, finalement devient une énigme, plus que le paquet.

Une chouette version de ce carré de radis.

Contraintes respectées, les mots se sont fondus.

Bravo.

K

 

 

 

K'adore ou K'pitule ... des fois :-)

plume bernache
   Merci Louis.P pour

 

 Merci Louis.P pour votre commentaire toujours aussi fouillé et perspicace.

 Vous apportez un éclairage sur l'importance du lieu choisi, sauvage et inquiétant : j'avais en tête le château de Barbe Bleue et cela m'a influencée tout au long de l'exercice. J'ai simplement laissé se dérouler le fil de mon imagination en me "jouant" des contraintes( car c'est vraiment un jeu) un peu comme des embûches qu' a du surmonter la femme de ce sinistre personnage. Ah, s'il avait eu un "doudou" en peluche lui aussi... 

 

Louis P.
Le lieu où se situe la scène

Le lieu où se situe la scène semble avoir une importance pour saisir toute la saveur de cette micro-nouvelle : une « sinistre demeure au cœur de la forêt ».

La forêt est le lieu du « sauvage » ( étymologiquement, le mot « sauvage » signifie : « de la forêt ») ; elle évoque la nature primitive, le monde à l'écart de la civilisation ). La demeure se situe « au cœur » de la forêt, en un lieu donc « sauvage », éloigné de la civilisation, et dissimulé, caché à ce qui est « civilisé ».

Le paradoxe, c'est que la maison a été choisie et acquise, dans un « caprice », par le personnage masculin de la nouvelle : Henry, personnage social, « entré en politique », prisonnier de la société de consommation ( « acheteur compulsif » ), un homme en apparence très éloigné de la nature sauvage.

Son épouse ne peut alors que soupçonner et craindre chez son mari une tendance cachée, non encore manifestée, une tendance sauvage, primitive, régressive : une perversion.

D'autant que celui-ci se montre de plus en plus irascible, colérique et violent. N'a-t-il pas planté sept coups de poignard rageusement dans le ballon de gymnastique que son épouse lui a offert  ?

Sa nervosité s'accentue lorsqu'on lui dénie les capacités d'assurer des fonctions présidentielles ( « cela le mettait en rage » ). Ne pouvant être le roi  de la civilisation, ne pouvant occuper le sommet de la hiérarchie sociale, une régression semble se produire en lui vers le plus bas du social et de la civilisation, le plus refoulé, le côté animal, bestial, sauvage.

 

Son épouse trouve un objet caché, dissimulé, enveloppé d'un papier kraft. Elle imagine alors « le pire », un objet témoignant d'une secrète perversion de son mari. Mais ce qu'elle découvre, c'est « un arbre en peluche ridicule ». Un arbre en peluche au milieu des grands arbres naturels de la forêt !

La peluche est un « doudou », un « objet transitionnel », comme disent les psychologues. Il y a donc bien régression de la part d' Henry, mais une régression infantile vers un « doudou » qui a pour fonction de calmer ses angoisses. Dans la forêt, un « doudou » en peluche au milieu de « doudous » en grand !

Ainsi ce qui était caché et redouté s'avère un inoffensif et ridicule « objet transitionnel ». La crainte de l'épouse avait gonflé comme un ballon, et son mari déjà avait tué le ballon.

 

Un fort contraste a été introduit entre le mari et son épouse. Lui a de grands arbres pour préoccupation, des doudous en grand, dans une tendance mégalo, et il veut être au sommet, il veut être président ; alors qu'elle a des préoccupations plus modestes : des petits radis, un « carré de radis », un petit royaume privé où l'on se contente de cultiver des « radis ».

 

Bravo Plume pour cette micro-nouvelle intéressante et bien menée, malgré les nombreuses contraintes auxquelles il lui a fallu répondre.

 

 

 

plume bernache
   Merci pepito pour votre

 

 Merci pepito pour votre commentaire.

 

 Qu'avait-elle donc imaginé? Ben le pire bien sûr !

 

 Alors quel pire ?

 

 À chacun son pire !bombdiablo:ghost:

Pepito
Hello Plume,   Bon, les

Hello Plume,

 
Bon, les contraintes sont un poil trop abondantes, à mon gout, pour laisser son imagination s'éclater. Vous vous en sortez donc très bien. ;=)
 
La fin est mimi, mais qu'avait elle donc imaginé ?
 
Merci pour la lecture.
 
Pepito

L’écriture est la science des ânes (adage populaire)

brume
Portrait de brume
Bonjour Plume

 Et bien vraiment très irascible cet homme!!!

La chute me laisse dans mes questionnements. Même si la contrainte amène le lecteur à faire sa propre déduction, du coup plusieurs me viennent à l'esprit. Peut-être que seul un arbre en peluche peut le calmer. Faut dire que le mari a des réactions d'enfant gâté.

Sur la forme j'ai aimé le rythme alerte bien servi par la bonne mise en place de la ponctuation. J'ai bien aimé le point d'exclamation après "Las" qui accentue l'évocation d'un gros soupir. J'ai toujours aimé les textes aux ponctuations variées qui offrent une nuance à la tonalité, donne du caractère et met de la vie à l'histoire.

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