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Il est 17 heures, heure locale. Nous avons traversé l’Atlantique sans même nous en apercevoir. Pas la moindre turbulence n’est venue angoisser cette réjouissance optimiste que nous affichons. Le survol au ralenti de la forêt qui s’étend à perte de vue et cerne l’aéroport est un instant unique, majestueux qui donne toute sa signification à l’expression « tapis de verdure ». Sous nos yeux se déroule un camaïeu de vert, tendre, vif, cru ou sombre et plus profond. Vision attirante, reposante, rassurante. C’est à peine si l’on entend le bruit des moteurs, on pourrait se croire à bord d’un planeur géant et j’ai envie de retenir le temps.

Nous nous posons en douceur à Rochambeau, commune de Matoury, où il fait trente degrés, nous affirme le commandant de bord, en nous souhaitant un bon séjour. Petit moment de flottement, ces huit heures de vol et les sensations agréables précédant l’atterrissage, dans lesquelles j’ai envie de me lover encore un peu, m’ont légèrement tétanisée. Je dois afficher ce sourire idiot qui suggère : ne me parlez pas maintenant, je ne suis pas apte à vous entendre.

Au sortir de l’appareil, gifle magistrale : il fait effectivement trente degrés sur la passerelle de débarquement mais quand nous atteignons le tarmac, juste sous les réacteurs, c’est une vraie fournaise. Pas de sas climatisé et sophistiqué pour bichonner les arrivants. Du concret, histoire de savoir où nous mettons les pieds. Je me suis sentie prise en étau dans une couverture pesante, chaude et humide et j’ai commencé à transpirer en abondance.

Je ne suis évidemment pas la seule à pâtir de ce désagrément. Dans la longue file d’attente pour m’acquitter des formalités paperassières, j’ai tout le loisir d’observer les auréoles de sueur qui s’agrandissent à vue d’œil sous toutes les aisselles sans exception. Mais il faudra bien s’y faire. C’est la température habituelle, quasiment douze mois sur douze, sous ces latitudes très proches de l’équateur, avec en prime un taux d’hygrométrie dont la réputation n’est plus à faire. Sauf que ces détails, je les ignore. Je les constaterai ultérieurement. À l’image de Leny, je ne me suis pas vraiment documentée sur ce département français si éloigné. Et c’est tant mieux ! Plus intenses seront les découvertes.

La petite valse autour du manège à bagages, la chaleur et le brouhaha engendré par l’agitation des passagers, pressés de s’extirper de là au plus vite me donnent un peu le tournis.

Dès que les douaniers nous libèrent, nous fonçons aux toilettes pour nous rafraîchir un peu. Pour combattre cette moiteur, nous pensons qu’un peu d’eau sur le visage et les bras, va nous sortir de cette espèce de torpeur. Grosse déconvenue ! L’eau n’est pas froide mais tiédasse et ne nous aide en rien. Leny retire sa belle chemise blanche et s’éponge le visage et le reste avec. Puis il la fourre en boule au fond de son sac à dos dans lequel il farfouille et en extirpe un polo tout froissé et bien épais, pas vraiment de circonstance. Mais je me garde bien de lui faire quelconque réflexion, je jurerais que ce n’est pas le moment. Il parait agacé, un peu déstabilisé. Enfin, nous nous dirigeons vers la sortie de l’aéroport en suivant les flèches « taxis ».

Dehors, surprise, il fait presque nuit ! Décidément, on a raté des épisodes… Mais la température elle, n’a pas baissé. Taxi, direction Cayenne centre, s’il vous plaît. Leny reste silencieux, le taximan aussi, ça m’arrange.

En moi, un afflux d’impressions fortes, la magie du dépaysement. Je me sens étrangement faire partie intégrante du panorama qui se déroule sous mes yeux. Les premiers kilomètres en pleine campagne sont un ravissement. Images fortes, empreintes de nouveauté et de pureté. La route principale ressemble à un chemin départemental, pleine de nids de poule. La forêt est tellement proche que je pourrais la toucher en tendant la main par la vitre. Des vélos sans lumières, deux chasseurs sur une même mobylette, sans casque, avec leurs fusils dans les bras. Sur le bas-côté, à moins d’un mètre du bitume et des voitures pressées, un veau attaché à un pieu broute le plus paisiblement du monde. Des pickups dont le plateau arrière grouille de monde, grappes d’enfants, familles entières, ouvriers en ce dimanche soir ? J’ai l’impression de retomber en enfance, en ces temps où la simplicité régnait en maître. Dans ma grande famille, nous nous entassions à huit gosses dans la Juva 4 paternelle et pas question de ceinture de sécurité ou de peur du gendarme. Je sens remonter à la surface de grosses bulles de souvenirs et j’en suis émue. Je sais que je vais me plaire ici.

Une lumière différente, quasi surnaturelle s’étend sur la forêt alors que nous approchons manifestement de la ville. Bien que plus ou moins domptée, cette étendue couleur émeraude, cette extrême pointe nord-est de l’Amazonie délivre un avant-goût de sa sauvagerie luxuriante. Et je suis fan. Je photographie tout : le veau nonchalant, les pickups, des enfants en guenilles et d’autres fillettes en robes de princesses, les chasseurs en mobylette, les premiers bidonvilles, comme une verrue sur une œuvre d’art. Le soleil couchant s’est déjà éteint. La vingtaine de minutes de trajet a suffi pour que la nuit soit complètement tombée quand le taxi nous débarque Avenue de Gaulle, l’artère principale de Cayenne.

Leny règle la course, je descends de la voiture et reçoit mon baptême guyanais : un nid de poule, ou plutôt un nid d’autruche se cachait sous la flaque d’eau dans laquelle je pose le pied sans la voir. J’ai de l’eau jusqu’à la cheville mais au moins je suis prévenue : ici, on regarde où on met les pieds, au propre comme au figuré, même en plein centre-ville.

5.04
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Commentaires

darlène
Oui,

Oui, Pepito, comme remarqué précédemment, je sais lire mais j'ai plus de mal à me relire

Ce satané stylo qui n'en fait qu'à sa tête!

Pepito
Encore un petit coup...

Forme : "angoisser une réjouissance"... là je demande à voir ;=)

Vu le niveau général, il semble manquer une relecture, surtout dans le début de vos textes...
 
Fond : bon, le début m'a ennuyé, pas votre faute, mais l'habitude. Je suis "arrivé" tellement de fois... Je changerai juste de compagnon de voyage, j'aime pas les grognons (grognones)... ;=)
Cela devient bon à partir de la Juva4, du vrai ressenti présent/passé, du délice de "nid d'autruche" plein d'eau.
 
Bonne continuation.
 
Pepito

L’écriture est la science des ânes (adage populaire)

Greg (manquant)
C'est intéressant et fourni.

C'est intéressant et fourni. Un peu trop de subjectivité à mon goût. J'ai apprécié les détails concrets.

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