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Des mots pour une histoire (vocabulaire imposé, forme libre : poésie ou nouvelle) : barboter, crapule, un berlingot, un flocon, brillantine, nom : Assuérus, prénom : Norma, le cachet, réfléchir, étouffer, chocolat.

Assuérus barbotait dans les eaux cristallines de sa piscine, quand il aperçut la jolie Norma, de 25 ans sa cadette, traverser le jardin pour venir le rejoindre.
Accablée par la chaleur caniculaire de ce mois d’août, la jeune femme avait fini par accepter l’invitation du sémillant quinquagénaire. Maintes fois, ce dernier avait insisté pour qu’elle vienne passer un week-end dans sa villa du Cap Ferret. Norma se méfiait. Elle connaissait la solide réputation de séducteur de son hôte. Aussi, avant de répondre favorablement, elle avait pris le soin de clarifier la situation. Elle ne viendrait qu’à la condition que son séjour soit placé sous le signe de l’amitié. Assuérus avait promis, bras tendu, craché, juré, qu’aux côtés de Norma, de glace il resterait.
Toute en galbe et chevelure lustrée, la séduisante rousse dégageait une troublante sensualité. Elle avançait impériale, dans un maillot de bain bayadère aux couleurs chatoyantes.

Arrivée sur le bord du bassin, alors qu’elle trempait timidement un orteil dans l’eau, à sa vue, tel un pachyderme en folie, Assuérus vint l’éclabousser copieusement avant de lui lancer gourmand :
« Oh ! le joli berlingot que voilà ! J’en salive déjà ! »
Puis il se hissa sur la margelle. Incorrigible, il déposa un baiser furtif sur le front de la belle tout en glissant une main dans la cambrure de ses reins. La naïade se rembrunit et fit un pas de côté pour esquiver l’étreinte. Tête baissée, tout en bougonnant, le bellâtre disparut dans la véranda.

 

Un quart d’heure plus tard, Norma le vit revenir, moulé dans un slip panthère, l’œil grivois, la mèche grise plaquée de brillantine. Sans un mot, il commença son numéro :
Pose poitrine numéro 1 : il fit tressauter en mode clin d’œil chacun de ses pectoraux...
Pose numéro 2 : double biceps de face, à la manière du discobole de Myron...
Pose numéro 3 : déploiement des dorsaux...
Tout ça, histoire de rappeler à la jeunette, que cette année encore, il avait remporté le titre de champion de France de culturisme, catégorie séniors certes... mais il n’empêche que tout de même !
Norma le félicita pour sa prestation et alla même jusqu’à se dire impressionnée.

 

Gonflé comme un ballon d’hélium, Assuérus pensa que l’heure du retour sur investissement était arrivée. Après tout ce n’était que justice, au prorata du temps passé à s’échiner pour soulever la fonte, dans la salle obscure saturée de sueur et de relents suspects. Trois heures d’entraînement quotidien, avec anabolisants et poulet à la clef, pour rester au top dans la course au toujours plus. Mais combien de temps encore, allait-il pouvoir ahaner sur les machines, pour sculpter sur son torse les viriles plaques de chocolat ? Le temps pressait. Il n’en était plus à une promesse prés.

Depuis un bon moment déjà, Norma enchaînait les longueurs de bassin et ne prêtait guère attention au ballet de l’Apollon.
Tout à coup, en virant, elle l’aperçut un verre à la main en train de gesticuler, aphone, en proie à une véritable crise de panique. Quand elle le vit croiser les mains à la base du cou, le visage en partie violacé, là, elle comprit qu’il était en train de s’étouffer. Sans réfléchir, elle courut lui porter secours. Après lui avoir asséné, sans succès, trois grandes claques dans le dos, elle se colla derrière lui les deux poings serrés. La deuxième compression abdominale exécutée avec dextérité eut pour effet immédiat d’expulser l’objet.
Tel un flocon, un cachet de Viagra toupilla dans les airs en remous bleutés, avant de venir mollement s’écraser à ses pieds.
Le nez dans le coude, Norma pouffa :
« Oh ! La crapule ! »
Le rouge au front, Assuérus se dégonfla.

 

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Commentaires

barzoï (manquant)
Oh, la, la.....

Super magnifique ! Tout le style, l'histoire, l'humour, je ne sais quoi te dire Cfer, si ce n'est d'écrire, d'écrire, d'écrire.

Merci^pour ce que tu viens de me donner.

Pepito
Bonjour Cfer, avec Lulu comme

Bonjour Cfer, avec Lulu comme prénom ce serait diabolique ;=)

 
Forme : un régal, avec une mention spéciale pour le "toupilla". Rien à chipoter.
 
Fond : un humour distillé tout du long, aux dépens du gonflant gonflé, cela se savoure. Comble de bonheur, une vraie chute (de rien) à la fin.
 
Merci pour cette charmante lecture et mes félicitations pour l'ensemble. Du grand art !
 
Pepito
 

L’écriture est la science des ânes (adage populaire)

pifouone
Bonjour cfer  (tu parles d'un

Bonjour cfer  (tu parles d'un pseudo, ça m'rapelle la caf ou bien la cam etc...).  Moi les constructions, les tournures, les formulation et les règles me laissent froid ('videmment je les connais pas) mais par contre quand je lis quelques lignes simples ou non qui me font vraiment plaisir, j'explose de bonheur pour quelques secondes. Merci.

 

Didier

cfer
Chère brume que votre logo

Chère brume que votre logo est beau!

Un grand merci pour avoir pris le temps de me lire mais surtout de commenter ma nouvelle.

Un exercice avec lequel j'envisage de me familiariser à l'avenir!

Pour lever toute équivoque je tiens à préciser que je suis de sexe féminin.

Ceci explique peut-être cela!

 

brume
Portrait de brume
Bonjour cfer

Je trouve Assuérus très caricatural et en même temps son attitude m'a fait sourire, je visualise très bien le gros lourd qui se donne tant de mal pour se rendre intéressant aux yeux de Norma. Norma très patiente prenant tout cela à la légère.

 

Je ne me suis pas ennuyée, c'est plaisant, j'ai aimé l'énergie offerte par la personnalité du héros.

J'aime le ton de la narratrice (ou narrateur?) un peu moqueuse sans tomber dans le cynisme comme cette phrase:

"Le rouge au front, Assuérus se dégonfla"

 

Bon rythme, beau dynamisme, certains passages sont un régal: 

"il avait remporté le titre de champion de France de culturisme, catégorie séniors certes... mais il n’empêche que tout de même !"

"Trois heures d’entraînement quotidien, avec anabolisants et poulet à la clef"

 

plume bernache
   Coucou c.fer!     Très

 

 Coucou c.fer!

 

  Très visuel tout ça: j'adore la séance d'exhibition en slip panthère. J'aurais bien vu Aldo Maccione(il y a quelques années) dans le rôle de cet Assuérus.

 

 Et cet instant poétique où, tel un flocon, le cachet de Viagra"toupilla dans les airs en remous bleutés"...qui casse pitoyablement la superbe de ce vieux beau, oh ! la la! :=) laughlaughlaugh

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