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  Il était une fois...   Il était une fois, dans un jardin bleu, une petite – fille – fleur qui habitait là. Mais oui, ça existe !
  Elle était arrivée là, on ne sait comment, et elle-même avait oublié, je crois, d’où elle venait. Mais peu importe. Là n’est pas l’important.
  Dans ce jardin, vivaient aussi, une Sage-Corneille, une Pie-un-peu-folle, un Souriceau-Curieux et le Serpent-Jaloux. Il y avait aussi des enfants, chargés d’y faire pousser la poésie, et beaucoup d’autres animaux... Tout ce petit monde vivait en bonne intelligence. Chacun vaquait à ses occupations, fidèle à lui-même :
  Le Souriceau-Curieux, ses grosses lunettes sur le nez, faisait toujours des recherches dans sa bibliothèque. On le voyait du matin jusqu’au soir, l’air absorbé, tourner les pages d’un livre de ses petites pattes griffues. De temps en temps, il se grattait la tête en fronçant les sourcils, repartait satisfait, et finissait toujours par aborder quelqu’un avec des : « oui, oui, vous savez c’est très intéressant, je viens d’apprendre que... » Le reste se perdait en route, car la personne interpellée ne s’arrêtait jamais. Il nous fatigue cet intello. Il se nourrit de livres... Chacun ses goûts !
   La Pie-un-peu-Folle était imprévisible. On en avait l’habitude. Elle se promenait à pas comptés, cherchait à faire des reflets métalliques avec ses plumes bleues, ajustait son corset noir et blanc et soudain, sursautait comme s’il lui venait des idées... Elle se donnait des airs de dame bien élevée, disait qu’elle descendait d’une bonne famille, mais on la savait cleptomane dès qu’on avait le dos tourné ! Ou bien, alors, elle jacassait... pendant des heures : elle s’écoutait parler. C’est une maladie, dit-on, assez répandue...
   Quant au Serpent-Jaloux, le pauvre ! Il avait été frustré dans sa petite enfance par une éducation trop rigide. « Il-ne-faut-pas-marcher-sur-les-plate-bandes-des-autres ». À force, il en avait perdu ses pattes... Toute sa rancœur s’était logée dans sa tête. Il se glissait subrepticement, cherchant ce qui pourrait soulager son mal-être. Peut-être en essayant de nuire aux autres ? Ça lui ferait tellement de bien ! On se sent moins seul quand on entraine les autres dans son malheur...
   La Sage-Corneille disait qu’il ne fallait pas le juger, mais... qu’il fallait s’en protéger... D’ailleurs, elle ne parlait pas trop. « Celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas », avait dit Lao-Tseu...
    Et que dire de notre Petite-Fille-Fleur là-dedans ? Sinon que c’était le bonheur du jardin lorsqu’elle dansait sur ses longues tiges, faisait tournoyer les pétales de sa jupe, parlait au soleil, aux oiseaux, buvait la Voie Lactée, s’éclairait aux étoiles, posait sur sa tête une clochette de lupin bleu, et lançait son rire de cristal. En somme c’était une vraie petite Fleur-Bleue...

    C’est par une belle matinée d’automne que les évènements survinrent.
 
  Beaucoup de feuilles s’étaient déjà habillées d’or pour la grande répétition de valses au cours de danse de Maître Éole. Quelques-unes tournoyaient toutes seules pour s’entrainer et d’autres, soudain, par petits groupes, amorçaient une ronde endiablée qui se terminait en éclats de rire, sur le gazon, près de la fontaine.
   
    C’est alors qu’on entendit grincer le petit portillon du jardin... Un homme venait d’entrer.
 
  Pendant un court moment, le temps s’arrêta de respirer. Ce fut un petit temps d’éternité. Oh ! bien petit, bien court, mais ceci allait tout changer.
   L’homme s’était perdu, disait-il. Il était aviateur : il aimait ça grignoter les nuages, pour oublier qu’il restait toujours sur sa faim quand il était par terre, sur le plancher des vaches. Celui de toutes les vaches...
   Il cherchait un repos pour une ou quelques nuits, sans plus... Un opportuniste...
  Quand tout le monde reprit ses esprits, Fleur-Bleue lui fit les honneurs du jardin. L’homme fut enchanté. Il ne pensait pas que ça pût exister... Il fut émerveillé...
   Au bout de plusieurs jours, il était encore là. Il se plaisait tellement qu’il en avait oublié son avion et les nuages à croquer. Ce jardin bleu, c’était bien autre chose... Un je-ne-sais-quoi d’extraordinaire qui l’enchantait vraiment. Fleur-Bleue le ravissait. N’avait d’yeux que pour elle. Il sortit le grand jeu, la grande séduction, lui fit ses yeux si doux, si chaud la voix câline, si fort le creux des bras... La petite était prise. Fleur-Bleue s’était donnée. Un amour était né.

    Au bout de quelque temps, le temps ayant passé, l’homme pensa qu’il fallait se remettre à penser. Il pensa qu’il avait assez pris de bon temps, et qu’il était temps de laisser faire le temps... Il devait donc reprendre son avion. C’était à Andernos, à l’hôtel des avions. Il devait ensuite traverser le Bassin d’Arcachon, survoler l’île aux Oiseaux pour y prendre quelques photos, longer la Dune du Pilat et sortir au-dessus du Banc d’Arguin pour y finir son reportage. C’était un homme sérieux. Il n’allait pas rester toute sa vie dans un petit jardin bleu !

     Il était donc reparti un matin. Éole avait un peu toussé et quelques larmes avaient gelé sur le rebord de la fontaine. Le temps s’était encore un peu arrêté. Le cœur des choses avait cessé de battre et il y eut un grand silence...   Même la Folle-Pie avait fermé son bec – pour un moment.
   Le Serpent-Jaloux s’était enroulé d’aise et semblait vouloir hiberner dans un sourire méchant (enfin ! il y avait une justissssssss...)
   
    Ce fut la Folle-Pie, qui, n’y tenant plus, ameuta tout le monde pour crier au scandale !
On réveilla Fleur-Bleue, lui prodigua des soins. Une cure de pollen la remit sur ses tiges. Petite était solide. Elle avait eu sans doute d’excellentes racines. Le bleu plus délavé, la corolle froissée, elle redressa la tête. Allait-elle vraiment mieux ? On le croyait sûrement jusqu’au petit moment où elle regarda tous, et leur dit calmement :
  — « Je vais rejoindre aussi celui qui m’a tout pris, car je ne sais depuis lequel de nous deux est parti. »
   Ils étaient là, tous ses amis, consternés, sidérés. Une si gentille gamine ! Est-elle devenue folle elle aussi dirent-ils en jetant un coup d’œil à qui-vous-savez-bien ?
   La Corneille décréta que l’amour était un grand danger, qu’il fallait s’en méfier. Le souriceau notait sur son calepin mité. La pie ne savait plus que s’agiter et le Serpent-Malin dans un sourire gluant lui posa la question :
  — « Mais comment feras-tu ? ... »
  — « Je construirai, moi aussi, un bel engin volant. Souriceau cherchera. On doit trouver des plans. Éole nous aidera. Il sera le parrain. Ce sera une fille. Ce sera Éolienne.
    Ce qui fut dit, fut fait. Et Fleur-Bleue s’activa. Tout le monde s’y mit, chacun participa. On prit une coquille, un siège capitonna. Un roseau on planta, de plumes on couronna. Éole, on convoqua, et le moulin tourna. La petite vola... Vers l’azur s’en alla....

     Plusieurs saisons passèrent.......  Les ronces avaient poussé....
  C’est alors qu’un matin, on entendit soudain le portillon grincer.   L’homme était revenu. Il était là, penaud, désolé et perdu. Il avait pris du ventre. Ses cheveux étaient gris. Des rides apparaissaient sur son front dégarni.
   — « Tiens, tiens dit la Corneille, aurais-tu oublié ici quelques effets ? »
   — « Heu non, heu oui, c’est à dire... j’ai oublié Fleur-Bleue. Je voudrais la revoir. Elle manque à ma vie. »
   — « Elle manque à ta vie ? Manques-tu à la sienne ? Toi qui parles d’amour comme on parle d’envie... »
   — « J’ai compris la leçon... que l’amour est un don. Et moi, j’ai juste pris !... »
   — « Juste prix, juste prix ! il a parlé de vendre, mais il faudrait le pendre ! »
   — « Tais-toi la Pie-Jacasse ou tu nous escagasses. Laisse le beau parleur nous conter ses malheurs. Au bout d’un peu de temps, il va rendre sans doute Fleur-Bleue responsable d’un pistil en déroute. »
   — « Pisse-t-il ? ça aussi l’a-t-il fait ? »
   — « Mais non, tête folasse, concentré de bécasse, arrête d’embrouiller notre conversation. Laisse Mon-sieur  s’expliquer. Tout condamné y a droit avant exécution... Ah ! non, tu me fais dire un gros tas de bêtises. Je veux dire, ici, la défense est de mise ! »
 
   Le serpent fut requis pour ficeler la pie, afin qu’on eût la paix et un peu de répits, afin qu’on entendît ce qu’il avait à dire, l’homme qui jouissait avant que de partir.
   Il reprit doucement et ça faisait pitié de le voir maladroit, seul et tout empoté.
  — « Il est peut-être tard... je serais si heureux si je trouvais ici, par hasard, en passant, une lettre, une carte, juste un – hé ! – crit d’elle !...» Le ‘hé’, c’était vieille Corneille  qui avait asséné un coup de bec puissant sur la tête de bois de ce cher mécréant pour y faire pénétrer............... un soupçon de sagesse...

    Si un jour vous passez non loin du jardin bleu... prenez le temps de vous donner le temps... un petit temps d’éternité... poussez le portillon, marchez sur le gazon. Essayez de savoir à propos de Fleur-Bleue... Je n’ai plus de nouvelles... Et plus de jardin bleu...  

Thème proposé lors d’un atelier d’écriture à Bergerac (UTL : Université du Temps Libre).

Contraintes : voir ICI   

   
   

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Commentaires

A.Nonyme
Dans un jardin

    Cher Louis.P ,je vous sens un peu agrssé ... Lo

 

 -in de moi cette intention !... Je n'ai pas ressenti votre commentaire comme étant "moraliste" . Je suis prête à reconnaitre que je me trompe peut-être sur le sens de certains mots .

   - Je suis d'accord avec vous pour l'étymologie du mot mal-malheur .

   - Oui, j'ai besoin d'expliquer par la psychologie puisque le mal , le bien , le beau , le laid sont inhérents à la psyché de l'homme .Faire le mal pour le mal relève de la psychiatrie . Faire le mal ou le bien qui s'explique psychologiquement est notre pain quotidien .

   - je ne nie pas l'existence de la morale , sauf que je reste sur ma faim , car elle n'est pas universelle . Elle est utile pour le bon fonctionnement d'une société , certes . Mais demande à être dépassée , nuancée , relativisée - ce qui est contraire à ses dogmes -. Que de crimes se perpétuent au nom d'une bonne morale !...

    - Quant à Fleur-Bleue qui "aurait dû" , le verbe devoir ici n'a aucune obligation . Il aurait juste été préférable , pour une bonne thérapie .

   - Enfin , je suis d'accord avec vous pour enseigner morale et psychologie , mais convenez quand même que nous ne nous arrêtons souvent qu'à la pre mière !... La psychologie ne nous dit pas ce qu'il faut faire certes , mais justement parcequ'elle ouvre le chemin de notre liberté , de notre responsabilité , donc de notre dignité d'homme . Là , nous arrivons sur un chemin scabreux : ne me faites pas dire ce que je n'ai pas encore dit ... Merci  pour vos commentaires .

Louis P.
A.Nonyme, vous faites erreur.

A.Nonyme, vous faites erreur ! Mon commentaire n'est en rien « moraliste » !

Le mot « mal » n'a pas un sens exclusivement moral. Il est la racine du mot « malheur », et c'est principalement en ce sens qu'il apparaît dans le commentaire.

Aucun « manichéisme » de ma part, j'ai simplement souligné ce que dit le texte. C'est lui qui oppose deux moments : un premier temps heureux du jardin avant l'arrivée de "l'homme", et un deuxième temps, celui du jardin bouleversé et malheureux, après son arrivée.

Qu'il n'y ait pas de « mal » au sens moral dans ce jardin, dans le premier temps heureux, paradisiaque, je l'ai pourtant signalé, en particulier à propos du personnage du « serpent ». Ce personnage est tenté de faire le mal, au sens moral cette fois, mais du fait de sa « psychologie », en effet, parce qu'il est un « frustré ». Le « mal » a aussi dans le texte un sens moral ( mais non moraliste), c'est pourquoi j'ai utilisé ce mot « mal », et ne lui ai pas totalement substitué le terme « malheur », bien que ce dernier mot soit plus souvent utilisé dans le commentaire que celui de « mal ». Vous expliquez le « mal » moral, en effet, par des causes psychologiques, et non par ce qui est présupposé dans le moralisme : « la méchanceté », c'est à dire une volonté de faire le mal pour le mal, par la nature présupposée mauvaise d'un individu, destinée à faire le mal. Cela encore, je l'ai souligné !

Vos personnages n'ont aucune « mauvaise intention », mais on le sait, « l'enfer est pavé de bonnes intentions ».

Voudriez-vous nier toute morale ! Cela ne se peut. Vous expliquez le mal qui est fait (aux deux sens du terme) par des causes psychologiques, très bien, mais il faut mettre psychologie et morale chacune à leur place, et l'une ne supprime pas l'autre.

Je n'ai pour ma part émis aucun jugement moral dans mon commentaire. J'ai indiqué les similitudes et les différences entre votre jardin et celui de l'Eden, rien de plus.

 

Le plus surprenant, c'est que vous me reprochez ce que vous pratiquez ! Vous dites, en effet à propos de Fleur-bleue : «Elle aurait dû rester dans le jardin », vous vous placez ainsi sur le terrain du « devoir faire » qui est le terrain moral ! Dans mon commentaire, il n'y a aucun jugement de ce type, à propos de ce qu'auraient dû faire les personnages. Il se contente de constater ce que vous écrivez, et d'en dégager les présupposés, rien de plus.

 

J'émets enfin un désaccord avec votre remarque finale : « Enseignons plutôt la psychologie que la morale ». Il convient d'enseigner et l'une et l'autre ( à condition de ne pas confondre morale et moralisme). La psychologie a son intérêt pour comprendre et expliquer un comportement, mais elle ne peut dire ce qu'il faut faire, ce qu'il est bon et juste de faire, et ce qui est mal et injuste. La psychologie ne peut dire, par exemple, s'il faut trahir une amitié ou pas, s'il faut être honnête, tolérant, pacifique, respectueux de la personne humaine ou pas, c'est le rôle de la morale. La psychologie nous dit pourquoi il y a eu trahison, malhonnêteté, intolérance, violence, etc. La morale nous dit qu'il faut comprendre avant de juger, et la psychologie aide à comprendre. On ne peut s'empêcher de condamner moralement, comment ne pas condamner un meurtre, un viol, etc..., mais de condamner humainement, ce que la morale aussi exige, et l'on ne peut condamner humainement qu'à la condition de comprendre un acte, ce à quoi contribue la psychologie.

 

Désolé donc de ce malentendu.

 

A.Nonyme
Dans un jardin

   Merci pour ce cmmentaire de texte . J'aurais peut-être préféré qu'il soit moins manichéen . Le bien , le mal . La vie n'est pas aussi simple ...Mon texte se veut plus psychologique que moraliste - cette chère morale judéo-chrétienne qui remplit si bien les cabinets de psy. - L'homme par qui le" mal" arrive n'est qu'un humain .Dame Nature lui intime l'ordre de satisfaire son égo pour survivre et pourtant nous n'avons soif que de cet amour qui manque à tout amour , de cette non-possession , de cette ouverture , de ce don de soi ... cette exigence qui donne un autre goût de la Vie . Voilà le dilemme de l'humanité . " Que celui qui n'a jamais ..... lui jette la première pierre " . Fleur-Bleue n'est pas parfaite elle non plus dans sa fragilité . Elle fuit sa douleur au lieu de l'affronter dans une douce résilience . Elle aurait dû rester dans son jardin . On ne combat vraiment les choses que de l'intérieur . L'humain n'est que ce qu'il est : un enfant admirable et décevant à la fois . Enseignons lui plutôt la psychologie que la morale !... La compassion , peut-être ,alors , aurait son rôle à jouer ?...

Louis P.
De l'origine du mal dans le jardin d'une jeune fille en fleur

La première partie de ce joli conte est un tableau seulement descriptif. Sont passés en revue chacun des personnages de ce «jardin bleu».

Nul être humain dans ce jardin, seulement des animaux et une «fleur bleue», aucun être humain n'y demeure, mais tout est humain pourtant, tous ceux qui vivent là sont humanisés, l'anthropomorphisme domine, comme toujours dans les contes, et ce texte se présente comme tel, comme un conte, «Il était une fois...».

Ce jardin, c'est donc notre monde, celui des humains, mais dans son côté paisible, son côté heureux.

Le jardin, depuis celui d'Eden, a toujours été associé au paradis, à la vie heureuse.

Jardin rêvé d'une jeune fille en fleur.

 

Bien sûr, il y a un serpent dans le jardin-paradis, un « Serpent-jaloux », mais il n'est pas un méchant, juste un «frustré», victime d'une éducation trop rigide, «le pauvre !». Il n'est pas l'ange déchu qui a perdu ses ailes, mais un animal qui a perdu ses pattes. S'il est tenté de faire le mal, c'est pour se sentir moins seul.

Une Pie-un-peu-Folle fréquente le jardin, un peu voleuse, surtout bavarde, qui aime «s'écouter parler», ce qui n'est pas un mal, mais une «maladie répandue».

Non, le mal ne règne pas dans ce jardin, d'autant plus que les risques d'y verser, que représentent la Pie et le Serpent, sont compensés par le Souriceau-curieux, l'«intello», curieux et savant, et la Sage-Corneille. Un équilibre s'instaure entre les membres de la société du jardin, qui empêche donc le mal de régner.

Fleur-bleue, «c'était le bonheur du jardin» dans la mesure où le jardin en équilibre permet l'éclosion du bonheur ; dans le mesure où elle est en correspondance avec tout l'univers, « … parlait au soleil, aux oiseaux, buvait la Voie Lactée, s'éclairait aux étoiles... », en harmonie avec lui ; dans la mesure où elle est sentimentalité, amour. La princesse du jardin est amour.

 

Le conte prend de l'ampleur, se fait mythe en racontant comment le mal pénètre dans le jardin.

Le récit commence quand un homme s'introduit dans ce monde heureux de la jeune fille fleur, dont le début du texte dresse le tableau.

Le personnage est désigné par le terme «homme». Il est un homme au masculin, un homme sans la distanciation anthropomorphique constatée dans les autres personnages, représentés par des animaux ou une fleur.

C'est donc par l'homme que le mal advient dans le jardin heureux.

L'homme y arrive par hasard. ( le hasard est dans tel homme singulier, et non dans l'homme en général. Il semblerait plutôt que le mal arrive fatalement par l'être humain). C'est un « aviateur », il descend du ciel.

Il se plaît, il s'attarde dans ce jardin terrestre, il devient amoureux de Fleur bleue.

Tout va bien, et le bonheur est à son comble tant que dure l'amour qui unit l'homme et la jeune fille en fleur. L'amour vient accomplir, parachever ce qui était en attente dans ce jardin au cours du temps, il met fin au devenir temporel pour laisser place à une éternité: «Ce fut un petit temps d'éternité».

Si l'amour accomplit le bonheur avec l'arrivée de l'homme, il provoque le malheur quand il prend fin.

L'homme repart, ne reste pas dans le jardin heureux. Tout en est bouleversé, «le cœur des choses avait cessé de battre et il y eut un grand silence...»

L'homme repart parce qu'il est temporel, parce qu'il est soumis au temps, et ne sait s'inscrire dans l'éternité, ou plutôt la perpétuité, l'amour pour toujours dans le jardin enchanté. Il n'y eut, oui, qu'un «petit temps d'éternité», et l'homme s'est retrouvé pris dans le temps, «il pensa (...) qu'il était temps de laisser faire le temps».

Or le temps est changement, il est fait d'événements, l'homme repart donc à l'aventure, reprend ses activités temporelles. Il s'envole. Il pilote son avion, survole le bassin d'Arcachon, survol qui joue ici un rôle très secondaire, le thème du texte est ailleurs. Et c'est vers un ailleurs que l'homme s'envole.

Fleur bleue, éperdue, quitte le jardin pour le retrouver. Mais le départ de son amant l'a déjà expulsée du Jardin-paradis, l'a rejetée hors du bonheur : « je ne sais depuis lequel de nous deux est parti ».

 

Le jardin semble dès lors, comme celui de l'Eden, condamné aux mauvaises herbes : « Les ronces avaient poussé » ; il cesse d'être un jardin, lieu enchanté d'équilibre, d'harmonie et de bonheur.

Vieilli, puisqu'il s'est engagé dans le temps, puisqu'il a brisé l'éternité, l'homme y fait retour, mais pour constater que Fleur bleue n'y est plus.

 

L'homme tire une leçon de sa conduite : « l'amour est un don. Et moi, j'ai juste pris ! »

L'amour authentique serait généreux et désintéressé ( idée accentuée par l'erreur commise par la pie, qui entend « juste prix »), et non égoïste.

 

Le mal est donc entré dans le jardin heureux parce que l'homme ne sait pas aimer, parce qu'il est de nature égoïste. Nul n'est méchant de nature, le mal n'a pas sa source dans une méchanceté native, mais dans une dérive de son égoïsme. L'homme ne sait pas voir le bonheur quand il est là, il n'en prend conscience que lorsqu'il s'est évanoui, ainsi il s'engage dans le temps cherchant toujours ailleurs, au loin, - « la vraie vie » serait « ailleurs » -, un bonheur qui se trouve au présent.

 

Un texte donc qui s'élève au rang du mythe, pour faire une genèse de l'origine du mal. Origine dans le monde rêvé des jeunes filles « fleurs bleues », mais pas seulement. Le monde, bien sûr, serait meilleur, plus proche d'un jardin enchanté, si les hommes, au sens des êtres humains, savaient aimer avec plus de générosité.

 

 

 

plume bernache
   Derrière ce conte

 

  Derrière ce conte enchanteur, pétri de poésie, je devine une fable.

La sage Corneille est fine psychologue.

Et  on espère avoir bientôt de bonnes nouvelles de cette petite fleur

et de ce jardin bleu.

luluberlu
Portrait de luluberlu
Voilà bien une histoire à

Voilà bien une histoire à lire à tous les enfants, petits et grands. C'est adorable, plein de fraicheur et d'enseignements. On a vraiment envie de rester dans ce petit jardin bleu.

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