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  •  – Dernière bière, Monsieur Leroy. On va fermer, il est tard.

Le bar s’était vidé de ses occupants, comme se vident les verres quand ils ne sont pas bus cul sec.

Michel Leroy s’était attardé dans la salle enfumée du bistrot désormais déserte, mais il en avait assez des Gueuzes et Mort Subite avalées en nombre dans la soirée, finalement écœurantes. Mort Subite, goût pêche, saveur framboise, il préférait les noms à la boisson, avalait tout label de la mort fruitée, se grisait de l’alcool des mots, plus relevés que la bière, et finissait par s’étourdir de mort sucrée à l’arrière goût d’amertume.

Une Duvel, la Bière du diable, voilà ce qu’il lui fallait à présent, dernières gorgées avant d’y aller, au diable Vauvert ou dans son appartement, pas vert, pas rouge, mais triste et blanc, mais solitaire, situé dans la même rue que le bar, quelques étages plus haut.

 

Il pensa qu’il n’aurait pas dû pousser la porte de sortie, parce qu’il n’avait pas l’intention d’embarquer, parce que tout tanguait suffisamment sur le flot des brunes et des blondes ingurgité et qu’il avait le mal de mer. Il marcherait, vacillant, c‘est sûr, mais il irait à pied sur un sol ferme jusqu’à son lit. Alors ce gros navire, là au milieu de la rue, qu’attendait-il ?

 

  •  – Oh, Martin, y a un rafiot qui s’est échoué juste devant ta porte !

  •  – Vous devriez aller vous coucher, monsieur Leroy, je crois que vous avez trop bu ce soir. On n’est pas à Saint Malo ici, on est Chez Martin, près de Paris, pas au « Café du coin d’en bas de la rue du bout de la ville d’en face du port ».*

  •  – Je n’ai pas trop bu, Martin, c’est ce bateau qui est ivre, il s’est pris une cuite bien salée, une biture atlantique, faut croire, pour se retrouver là, dans la rue.

 

Michel Leroy longea la coque du navire, posa sur elle ses mains. Non, il ne rêvait pas, ce n’était pas une hallucination produite par son cerveau imbibé d’alcool, elle résistait, solide, froide et poisseuse, sans fuir ses doigts comme le ferait une chimère. Elle lui servit d’appui pour avancer de son pas titubant.

Il chanta à tue-tête dans son aventure nocturne et terrestre le long du navire : « Ohé, ohé, matelot… Ohé, ohé… ».

Son odyssée jusqu’à l’autre bout du vaisseau lui parut si longue, et le besoin de s’assoupir là, sans tarder, l’envahit, ses jambes toujours plus flageolantes, sa tête plus lourde, ses yeux voilés par les vapeurs d’embruns des marées de bière, et ainsi il s’affaissa, se pelotonna sur le sol, le dos appuyé contre le corps asséché, ferme et hospitalier, de l’imposant et prodigieux navire.

 

La nuit fut comme une folie, folle de vagues et de houles sur des mers à n’en plus finir, sur des immensités d’eau et de ciel où des vents l’emportaient, démuni, solitaire, toujours et encore en naufrage. Les songes de M.Leroy dérivaient sur un radeau de bois au large d’étendues sans repères, et la nuit mouvante sur les vagues sombres, la nuit noire d’épouvante flottait, trouée de lueurs, halos aveuglants comme de pleins phares d’automobiles au loin s’approchant, parfois couronnes éblouissantes comme l’éclat de spots halogènes en plein visage.

Seul, sur son radeau de bois, il voguait sur les courants marins, flottait vers des inconnus lointains, éloignés de toutes terres, sans horizons de rivages.

Sur le radeau de bois, seul, et rien sur son esquif, pas de voile, le vent, rien d’autre, le vent, pas de vivres, le froid seulement, et juste un caisson, juste des bouteilles de bière, juste un caisson de Mort subite.

Parfois il se dressait sur son radeau de bois, levait au ciel des bras implorants et criait au ciel, criait, s’époumonant, au ciel silencieux mais blessant de ses mille pointes d’étoiles, sur une débauche de mer moutonneuse en perpétuelle convulsion.

Quand il aperçut un navire au loin, il s’épuisa dans de grands signes, en vain.

Il lança pour finir une bouteille à la mer, une bouteille de Mort Subite.

 

Il y eut des voix pour réponse derrière l’horizon, un grondement, des paroles indistinctes, on causait par-delà les mers, et il entendait ces paroles d’au-delà des mers, et une exclamation forte enfin l’éveilla, une voix féminine :

 

  •  – Un bateau ! Un bateau ! Et la mer, elle est où la mer ?

 

Il ouvrit les yeux, s’aperçut qu’il était allongé sur le sol ferme, qu’il n’y avait nulle part l’eau et les vagues, mais au sec, sur lequel il s’appuyait, un navire ancré au milieu de l’avenue du Maine, en plein centre-ville. Michel Leroy reconnut le vaisseau qui l’avait attendu tard dans la nuit, à la sortie du bar, taxi de grande dimension, taxi géant pour embarquer les voyageurs à l’autre bout de la ville, du côté de la porte d’océan, et plus loin encore jusqu’au-delà des terres, quand les chemins maritimes poursuivent les routes de bitume.

Le jour se levait à peine, mais une foule nombreuse déjà s’était rassemblée pour observer le phénomène déroutant, un navire dans la ville, garé là au milieu de la rue, et l’absence d’océan. Un bateau obturait l’artère vitale de la circulation urbaine, empêchait l’habituel flot d’automobiles de s’écouler ; mais la foule affluait.

Des hommes en uniformes maintenaient les curieux à distance, et on interrogea Michel Leroy, membre présumé de l’équipage du navire, passager sans doute débarqué du bateau, d’où venez-vous qui êtes-vous, et la gueule de bois de Michel Leroy ne savait que dire, dire qu’il s’était échoué là, que le radeau, un rêve en réalité, ne savait que dire, il avait dormi, venait du bar d’à-côté chez Martin, dire : il ne voulait pas embarquer, les Mort subite, dire : il n’était pas marin pas capitaine, pourquoi l’attendre, lui, ce bateau-taxi pour d’autres continents, ou des îles, ou des terres sous le vent, mais nulle part il ne voulait aller, nulle part, partout c’est pareil, ici déjà c’est très dur ici, les papiers, oui voilà, mes papiers.

 

Michel Leroy erra dans la foule qui grossissait en vagues déferlantes, venues de tous les quartiers de la cité, et même des régions environnantes. Les klaxons des automobiles au loin s’impatientaient, hurlaient de colère contre l’immobilité, saturaient la ville de leur rage sonore.

 

  •  – Quel beau navire, n’est-ce pas ?

 

Une femme l’interpella, se présenta : s’étaient déjà croisés dans les escaliers de l’immeuble au numéro cinq de l’avenue du Maine, résidait juste à l’étage en dessous du sien, depuis quelques mois déjà, venait de Lorraine où il n’y a pas de mer, quel beau navire, quelle allure, dommage que ce ne soit pas un grand voilier, parce que c’est très beau un voilier, ne trouvez-vous pas ?

 

Lui ne savait que dire, que répondre, boirait bien un café, et sa gueule de bois, si lourde, cette foule si bruyante qui réclame la mer absente, jamais présente, ne savait que dire.

Elle parlait encore, savez-vous on me l’a confirmé tout à l’heure, policiers, gendarmes et pompiers inspectent tous les ponts, il y en a sept, toutes les cales, chaque centimètre du navire, chaque cabine, chaque coin et chaque recoin, et pour l’instant, savez-vous, on n’a rien trouvé. Rien ! Pas âme qui navigue sur ce bateau. Pas de bagages, pas une trace de vie. Un bateau vide. Un vaisseau fantôme.

On sait juste son nom, l’avez-vous lu écrit tout blanc sur sa coque sombre barrée d’une longue ligne rouge tout du long, son nom étrange, son nom : Sangomar.

 

Michel Leroy observait fixement le breuvage noirâtre du café, que le garçon, débordé par une affluence des grands jours, venait de lui servir en toute hâte. Pas de remous, nulle tempête dans sa tasse, un liquide sombre, calme fragment d’un océan de nuit, juste boire la tasse, juste la boire, ce n’est pas la mer à boire, un peu de café, pour ne pas se noyer dans cette journée imbuvable, pour dissiper les brumes dans la tête, un petit noir pour s’éclaircir l’esprit.

 

La femme de son étage du dessous se tenait face à lui, assise dans ce bar envahi par la foule qui voulait apercevoir, tout en buvant un crème ou un petit blanc du matin, le navire égaré pendant la nuit et venu s’échouer dans la rue, conséquence on ne sait de quelle tempête, quelle tourmente, quelle nuit sans phare, de quel méli-mélo entre terre et mer.

 

Brune, élégante, les yeux mélancoliques, elle poursuivait une parole, déjà commencée, la parole, commencée peut-être déjà, bien avant la rencontre avec M. Leroy.

Disait-elle, rêvé, un pont par-dessus les mers, un pont de pierre, disait-elle, des vagues de pierre, par-dessus les océans, d’un continent à l’autre, d’une île à l’autre, et l’on pourrait, disait-elle, marcher sur l’eau, parfois très haut sur la mer, parce qu’il faut bien que les immeubles de croisière, flottants, et les pétroliers aussi, et les chimiquiers, les butaniers et les méthaniers, tous les tankers, les paquebots encore, naviguant, les porte-conteneurs et les porte-avions, il faut bien, disait-elle, leur laisser des passages. Mais un pont de pierre, disait-elle, rêver d’un pont, d’une terre solide sur l’eau, un chemin de pierre, et marcher seule dans le vent, entre mer et ciel, et lier les horizons, disait-elle, coudre l’un à l’autre les horizons, un fil, disait-elle, qui court par-dessus les mers.

Une lueur enfin brilla dans les yeux de M. Leroy, et il voulut dire, il dit : il aimerait, c’est sûr, il aimerait grimper sur le balcon suspendu dans les airs, il dit : pas sûr qu’il en descendrait, jamais, il aimerait vivre là-haut, vivre sur le balcon du monde par-dessus les mers, là sur le pont de pierre, il dit : un pont qui ferait le tour de la terre, franchirait les océans, les continents, les vallées et les déserts, il dit : assis sur la mer, à pêcher avec une longue ligne, ou des filets, et dans les filets, il dit, prendrait des rêves de sable à laisser couler entre les doigts, capturerait au bout de sa ligne les longs sillages de toutes embarcations, de tous navires de passage, dans ses filets toute l’écume blanche et les sillages argentés des poissons.

 

« Mais elle est où, la mer ? ».

Une vague de stupeur ne cessait de courir dans la ville. Un navire est apparu ! Et l’océan n’est pas venu !

On plaisantait dans le bar :

  – On a pris la mer, on a laissé le navire. Ah, c’est pas un bateau qui prend l’eau, oh oh, c’est le vaisseau qui laisse l’eau.

« Mais la mer, elle est où, la mer ? »

 

Il n’y avait que la ville, la ville dans les terres, et rien en elle de portuaire. Mais dans ses murs, Sangomar avait accosté, et toute la ville s’en trouvait bouleversée.

Une panique avait gagné les autorités, qui n’avaient jamais eu l’intention d’une métamorphose de leur cité en Venise nouvelle. Le contrôle de la situation inédite, inouïe, impensable, semblait leur échapper. Ce jour-là, très peu d’hommes et de femmes occupèrent leur poste de travail, qui n’était pas à la direction d’un gouvernail ; peu d’écoliers dans les classes, trop occupés à faire le pont, peu d’étudiants dans les universités qui n’étudiaient pas les cartes océanographiques. On ne pouvait se déplacer qu’à pied sec dans la ville aux voies engorgées.

 

Je connais votre nom monsieur Leroy, je l’ai lu sur votre boîte aux lettres, poursuivait la femme, voisine de l’étage en bas de chez lui, qui poursuivait son flot de paroles, révélait son nom, elle, madame Devenou, vous passez dans les couloirs les yeux tristes sans rien voir, monsieur Leroy ; confiait son prénom, elle, Carole, se souvenait d’une petite ville ailleurs où elle résidait, elle, ses enfants, pas un appartement une belle maison, et la furie une nuit, un orage noir, une pluie torrentielle, sa maison grande et belle, furie de l’eau qui fouettait le sol, assourdissante, avant de s’écouler dans la ville, bouillonnante, rageuse, et montait, montait comme si elle voulait remonter au ciel, et sa maison si belle, ses enfants, son mari sorti jamais revenu, et le niveau de l’eau toujours plus haut, ses enfants si jeunes, le torrent d’eau, de débris, de boue qui violait sa maison, ses meubles, violait son lit pour en faire une couche de fange et de boue, rongeait les murs, emportait les tableaux, toutes ses peintures, elle avait pris ses deux enfants, chacun dans un bras, s’était réfugiée sur le toit, l’eau ruisselait sur son visage, coulait le long de ses cheveux, les enfants criaient, trempés, les vêtements collés à la peau, partout des craquements, un mugissement, et le cri des enfants, maman, maman, le monde en effondrement, emporté, un déluge, l’obscurité, la nuit sans lune, seules lueurs des éclairs, instants de foudre éphémères déchirant la nuit sur l’eau furieuse, et ses yeux écarquillés, non je ne mourrai pas, maman, maman, non je ne mourrai pas, tenir pour ses enfants.

 

  • « Mais elle est où, la mer ? »

 

Elle s’était tu quelques instants, le regard plongé dans un passé d’effroi, son beau visage sous l’effet d’une émotion douloureuse, et l’on n’entendait plus que les exclamations ébahies :

« Un navire ! mais elle est où, la mer ? »

Et plus de toit sur la tête, toute l’eau du ciel sur la tête, le toit sous les pieds, un faisceau de lumière s’approcha, l’éblouit, elle ses enfants muets de peur, projecteur qui mettait en lumière sa détresse, un gros insecte vrombissant s’avançait surgi des ténèbres striées de pluie, un hélicoptère venait à leur secours.

 

Michel Leroy avait eu un geste, il avait doucement effleuré le bras de Carole Devenou, et, à ce contact, sa peau contre la sienne, un instant il fut inondé par une émotion, submergé par un courant qui traversait tout son corps, il frissonna.

 

Toute la journée, ils marchèrent, à contre-courant de la foule qui affluait toujours plus nombreuse vers le navire immense, au sec en plein milieu de l’avenue du Maine, Carole Devenou toujours volubile, Michel Leroy, attentif toujours, et silencieux.

 

Le lendemain, ils se retrouvèrent, pressés de poursuivre une conversation qui ne pouvait finir. Une grande agitation régnait en ville. Ils furent surpris par un comportement de la population, nouveau, inattendu. Ils croisaient de plus en plus souvent des enfants, et aussi des gens de tous âges, hommes et femmes, masqués, vêtus dans d’étranges accoutrements.

 

Ban de poissons de toutes couleurs dispersés sur les visages, coiffures étoiles de mer, corps enveloppés de coquillages, en carton-pâte, en tissu, la ville aquarium, envahie d’une faune marine. Ce fut un grand carnaval quand le soleil déclina. Flottaient partout dans les airs, tenus par de longs pics, des dauphins en rubans et papier crépon, des requins de chiffons, couraient des enfants porteurs de lanternes, flambeaux et lampions en gouttes de papier aux teintes diaprées, la nuit serait un océan tout de lumignons.

Des vagues en papier déferlèrent, ondulantes dans les sarabandes. On dansait, on nageait, on flottait dans une mer d’artifices, de chiffons, de papiers, de vagues factices, Carole et Michel tentaient de surnager, refusèrent de porter les loups à écailles surmontés de nageoires dorées que leur avaient proposés des hippocampes, marchands de masques et de travers, affublés d’une tunique en peluche bleu de mer, vert de vase.

Chacun puisait dans son passé qu’il donnait à entendre, en partage ; chacun avait à épancher des eaux sombres.

Ils commandèrent des bières à la terrasse d’un bar, Michel Leroy avait conseillé la Duvel à sa voisine, non plus seulement du dessous, mais d’à côté, désormais à côté de lui, face à lui, dans un même étage au-dessus de l’eau en feuilles déchirées. Leur verre débordait de mousse, écume de cette journée agitée, faite de vagues d’une marée humaine prise d’une folie océanique, de houles et de mer en papier, tissu et carton-pâte.

 

Ils s’approchèrent de Sangomar, quand toute la ville tanguait sur les vagues, chantait la mer aux reflets d’argent ; avançaient côte à côte dans les rues jonchées d’algues de papier rouge et vert qui se crêpent et se froissent sur le sol, bousculés par la danse des poissons et crustacés, des méduses lumineuses, phosphorescentes, de tous les crabes et écrevisses titubants.

 

Rieurs, les commerçants déclaraient n’accepter que les seules liquidités.

En colère, quelques groupes violents, poulpes, requins et raies, brisaient les vitrines des magasins, lançaient des pierres sur le commissariat du quartier, avec pour unique slogan : il faut tout liquider, le vieux monde va s’écrouler. Vive la mer libre.

Certains firent les pitres, d’autres les huîtres, qui ramènent leurs bords, accrochées sur des bancs solitaires.

 

Carole, près de Michel, désignait au centre d’une petite place le sable que l’on avait déversé puis ratissé, sur lequel apparaissait un carrousel où tournaient, montant, descendant, poissons lunes et seiches, poissons volants et poulpes, tous chevauchés par des enfants coiffés de chapeaux corail.

Carole, près de Michel, montrait le ciel, tard dans la nuit, rougeoyant.

Les flammes d’un incendie s’élevaient par-dessus les immeubles. Des sirènes retentirent. Dans les rues, la sarabande redoubla de frénésie au crépitement du bûcher, et toute la ville sembla prise dans un tourbillon où s’enroulaient remous et turbulences, et parut se noyer dans un vertige. Sangomar était en feu.

Sangomar n’avait pas pris l’eau, mais avait pris flammes.

 

Au matin, il ne restait que des cendres dans l’avenue du Maine ; toute la ville au sec retrouva le calme de sa vie quotidienne. Michel et Carole, voisins serrés l’un contre l’autre, dans la fraîcheur de l’aube, en contemplation muette devant les eaux sales ruisselantes dans l’avenue, mêlées aux scories de ce qui fut un grand vaisseau. Côte à côte, ils entraient dans un autre jour avec un regard sur l’eau qui frissonnait, seule mer dans la ville qui ne fut pas de papier, celle qui avait éteint le navire en flammes.

 

* nom authentique d’un café de Saint-Malo

 

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Commentaires

Louis P.
Merci aux deux nouvelles

Merci aux deux nouvelles commentatrices, plume et K-tas-strof.

 

K-tas-strof, il m'est difficile de vous répondre.

Je préfère en général ne pas commenter mes propres textes.

L'inspiration est venue en contemplant une maquette de bateau, fabriquée au Sénégal, et qui porte ce nom étrange « Sangomar », ( j' y ai entendu le sang, le sang de la mer), et qui porte le nom en réalité d'une pointe géographique du Sénégal, une « flèche », comme l'a relevé Luluberlu.

Pour le reste, j'ai laissé parler l'imagination et l'inconscient, sans chercher une rationalité, comme dans un texte surréaliste.

Il y a sans doute aussi des réminiscences, pour certains passages, d'un livre en prose poétique, intitulé « Océan mer », qui m'a beaucoup marqué et inspiré, dont l'auteur est très intéressant : Alessandro Baricco.

Si vous ne connaissez pas cet auteur, je vous recommande sa lecture. Ses œuvres sont très belles et très émouvantes : Soie, Novecento : le pianiste, Océan mer, en particulier.

 

K-tas-strof
Portrait de K-tas-strof
Touchée...

Louis,

Après avoir lu 2 fois ce texte, je suis allée voir sur le net ce qu'était SANGOMAR essayant de trouver de grandes lignes à son histoire que je recouperai avec la votre. Mais l'exercice ne m'a pas satisfait.

Aussi, je me suis recentrée sur ce que j'ai lu et ce que cette histoire me racontait. J'avoue avoir été très très troublée car, fille de marin, j'avais des images d'anecdotes qui me revenaient par vague. Le début m'a fait beaucoup sourire. L'écriture facile et enjouée, guillerette à peine éméchée m'a émue. Puis, aux changements des décors, je cherchais à tout prix à rendre rationnel ce qui ne l'était pas forcément. A certains passages, je voyais vos personnages comme des enfants en train de refaire le monde sur une plage, imaginant les possibles existences dans leur vie de bac à sable. Et puis j'ai pensé qu'ils pouvaient être emportés par la folie de vécu trop lourd qui les aurait conduit dans un asile. J'ai vu un tsunami effrayant de vérité, des hallucinations d'homme saoul, des rêves d'endormi. J'ai voyagé sans pouvoir me poser, comme une vague qui n’atteint jamais le sable et qui à chaque monté et chaque descente, raconte une histoire.

Je suis curieuse de connaître toutes ces choses qui sont venues constituer ce texte, de quoi il est né, ce qui l'a inspiré.

J'ai relevé de très jolis passages, percutants, poignants, marrants et d'autres qui restent de grands mystères.

En tout cas, merci beaucoup pour cette nouvelle.

K

 

K'adore ou K'pitule ... des fois :-)

plume bernache
Cela fait plusieurs fois que

Cela fait plusieurs fois que je me laisse embarquer dans cette déambulation débridée. En titubant, puis peu à peu fascinée par ce navire, là au milieu de la rue. Aucune mer à l’horizon…Hallucination éthylique, rêve, folie ? Curieuse puis impressionnée. Inquiète. Serait-ce un cheval de Troie ?  Quelles créatures vont en surgir ?

Quand  les masques, les déguisements entrent en jeu, bizarrement on quitte le fantastique. S’agirait-il donc d’un Carnaval. Ce bateau était un char, dans un défilé. Finies les interrogations et les folles interprétations.

Enfin la rencontre avec cette femme volubile (Disait-elle…disait-elle) m’émeut. Elle raconte un passé dramatique. Ce flot, un tsunami ? Toute la partie où elle évoque les ponts qui relient les horizons (les êtres aussi sans doute) me plaît bien. La réponse de Leroy est superbe:(il dit,assis sur la mer...........sillages argentés des poissons)

Une issue romantique se dessine :   « la femme du dessous est devenue la femme d’à côté »

 J’ai particulièrement aimé le dernier paragraphe et la répétition « Carole près de Michel …Michel près de Carole » qui annonce que ces deux –là s’embarquent pour un voyage au long cours.

Belle déambulation vraiment, où on passe par toutes les émotions avec de superbes moments de poésie.

Louis P.
Merci à vous, Luluberlu,

Merci à vous, Luluberlu, pifouone, syrie, d'avoir pris le temps de lire et de commenter ce texte.

sirye oleudaré
... Je finis mon commentaire !

... J'écrivais donc... que pour mâchiller un peu, mais vraiment pour mâchiller, j'au du mal à avoir en bouche jusqu'au bout l'arrière goût d'amertume de la mort sucrée en lisant la fin du deuxième paragraphe: l'amer reprend mal le mors, si je peux dire.

 

Un bonheur de lire :

"diable Vauvert [...] pas vert pas rouge... mais ... mais... même", quoique sorti du contexte cela paraît étrange.

 

Plus loin, le 3ième au ciel (silencieux) me semble de trop.

 

J'attends avec impatience une autre nouvelle de la même veine pour un voyage intra-urbain - ou pas - d'un autre type.

Sirye.

 

sirye oleudaré
lancer d'béret d'une matelote

J'ai beaucoup aimé toute la poésie de cette histoire de M. Leroy.

Tout un monde fantastique... ou pas.

Avec ses mots roulés de flux en reflux, reprises de noms glissés de nouveau dans la même phrase comme surfant sur des crêtes d'écume.

Avec "Non, il ne rêvait pas, ce n'était pas une hallucination produite par... " on comprend qu'il y a un léger imbroglio, une presque certitude sur la présence véritable d'un bateau là, dans la rue... Oui, mais comment ?!

Le mot "Carnaval" est suggéré plus que péremptoire, ce qui permet à l'esprit (du lecteur) de flotter encore dans divers mondes. mal à

 

pifouone
Bon sang d'bois ! Ce que

Bon sang d'bois ! Ce que j'adore être pris, crocheté, aspiré, balotté par un récit. Moi qui habite au bord de mer et qui connait bien le mal de mer, la bierre, le tournis, j'adore ! J'adore être mené par le bout du nez sans pouvoir reprendre ma respiration. Génial ! (Y'a quand même quelques répétitions qui ont fait trébucher ma lecture mais pas grave, pas grave du tout).

luluberlu
Portrait de luluberlu
Une belle histoire d’onde(s)

Une belle histoire d’onde(s) dans laquelle deux êtres ballottés par la vie, remontent à contre-courant et se rencontrent. Le bateau n’est qu’un personnage secondaire. Seuls sont importants les flots : voitures, personnes, dérives de deux êtres, sentiments ; on puise, vague, houle (surtout quand on a bu :-)), épanche…

Haché, chaotique le style, comme leurs vies, et un rêve de pont, un rêve de vie à deux peut-être, des rêves de sable. Un pont c’est un lien, un lieu où on se croise, un lieu de rencontres. Sangomar, c’est une pointe, une flèche vers des ailleurs ; une flèche, ça montre un chemin, c’est aussi un élan, l’indication d’un nouveau départ.

 

Un beau travail sémantique. J’aime également ces phrases qui s’enroulent, nous enveloppent et ne nous lâchent plus.

 

Merci pour ce beau voyage, cette croisière qui ne se finit pas en solitaire. C’est magique la mer.

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