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Sur la lande blafarde où rampe le brouillard,

Par les sentiers fangeux tout crevassés d’ornières,

Aucun être ne passe en ces heures dernières,

Hormis, rôdant dans l’ombre, un sinistre vieillard.

 

Il guide un tombereau dont un essieu criard

Gémit au rythme lent des grasses fondrières ;

Sous le large chapeau de feutre ses paupières

S’ouvrent sur deux trous noirs et ronds comme un liard.

 

Guidant sa rosse étique à l’orée d’un village,

Il va flairant le vent, arrête l’attelage

Et gratte aux volets clos d’une obscure maison.

 

Puis armé de sa faux à lame retournée,

Il entre et, marmonnant sa mortelle oraison,

L’Ankou vient emporter une âme moissonnée...

 

5.22
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Commentaires

petite fleur
j'aime

Malgré la note très pesante, j'aime ce poème que j'ai lu et relu. C'est comme une musique qui n'a rien de funèbre. Les rimes sont riches et c'est un sonnet français très valable. La seule partie que j'apprécie moins est :"Sous le large chapeau de feutre ses paupières" et la phrase laissée en suspens qui continue à la ligne suivante. Je pense que ce n'est pas recommandé. Mail il n'existe pas de sonnet parfait.

Mais bravo c'est très agréable à lire et relire.

Va où le vent te pousse

jfmoods
Portrait de jfmoods
Ce sonnet, à tonalité

Ce sonnet, à tonalité fantastique, aux rimes variées (embrassées, suivies et croisées), presque toujours riches, est particulièrement efficace. La régularité de l'alexandrin est relayée tantôt par les enjambements (vers 5/6, 7/8, 10/11) qui accélèrent le rythme du récit, tantôt par les incises (vers 4 et 13) qui ménagent un effet d'attente sur la figure tutélaire du lieu, tantôt par une coupe à l'hémistiche qui marque un moment-clé de la narration (vers 10).

En ce qui concerne le dernier tercet, je suis plus convaincu par la version initiale, car le pronom cataphorique ("Il... L'Ankou") crée un effet d'insistance bienvenu, forcément absent de la proposition alternative.

Un seul bémol (déjà signalé par Mona 79) : "Il guide" / "Guidant"

Merci pour ce partage !

merseger
Ankou

J'ai continué avec les légendes bretonnes qui constituent un vrai patrimoine. Merci à tous ceux qui se sont penché sur ce poème d'avoir apprécié mon Ankou en dépit ou peut-être à cause de son côté lugubre.

Celui-ci pourrait prêter à rire aujourd'hui mais il n'y a pas si longtemps, c'était tant pour les gens de l'Armor que de l'Argoat un personnage très réel qu'il valait mieux ni rencontrer ni même entendre passer. L'Ankou dont la rprésentation figure dans bien des églises bretonnes n'est pas la Mort elle-même, c'est l'ouvrier, l'auxiliaire de la mort, celui qui fauche. Tous les 31 décembre, dans chaque paroisse, le dernier mort de l'année devanait l'Ankou de l"année suivante. Pas gai, hein!

Merci encore. J'ai apporté les corrections sggérées

A.Nonyme
Merci

    Merci pour ce joli moment ... La tristesse est oubliée , la musique est trop belle ...

Louis P.
beauté et noirceur

Une atmosphère sinistre et funèbre, crépusculaire, au temps des «heures dernières», en fin d'année, en fin de vie.

Le 31 décembre n'est pas ici le temps de la fête, de l'achèvement et du renouveau, mais celui d'une fin définitive, une fin des temps, où plus rien ne subsiste, où tout est absorbé, dissous dans un brouillard rampant (belle image), dans un néant brumeux.

Toute vie et toute existence semblent avoir été fauchées.

La lumière aussi semble morte.

Le monde paraît dévasté.

Ne passe par les chemins défoncés qu'un « sinistre vieillard », personnification d'un monde usé, vieilli, mourant ; pourfendeur de vie, à la fois mort et donneur de mort.

 

Une poésie d'une grande et belle noirceur.

brume
Portrait de brume
Bonjour Merseger

L'inquiétant Ankou vit sous mes yeux, belle mise en scène, beau décor, du sombre et du brouillard pour "égayer" le tableau.

J'aime bien la rime en "ard" sur la 2nde strophe, comme un cris sordide, cela accentue bien le sinistre de l'atmosphère.

Une belle histoire dont je me suis plongée conté par un narrateur s'exprimant sur un ton grave, c'est fluide, bon moment de lecture.

RB
Portrait de RB
Ah que cela me plaît...

Bonsoir Merseger,

 

oui cela me plaît et beaucoup ! A l'inverse d'Endymion un peu trop de trop, ce beau poème sinistre en arrive même à faire sourire. Deux lectures sur deux tons et cela fonctionne. Ah oui, voilà du classique qui rafraîchit à défaut de "refroidir"....

Merci !

Écrire, c'est se tenir à côté de ce qui se tait
Jean-Louis Giovannoni - extraits de Pas japonais

Mona 79
poème de Toussaint

Encore un à la mesure de l'Ankou qui passe et repasse avec sa faux dévastatrice. Un petit détail pour que ce sonnet soit tout à fait classique : il faudrait élider le e de orée : "à l'orée d'un village". Il faudrait aussi éviter de répéter 2 fois le mot "guider" (guide et guidant). Sinon c'est très bien. J'aime l'atmosphère lugubre du poème, un frisson de circonstance... Merci.

luluberlu
Portrait de luluberlu
Quand l'Ankou passe, gare à

Quand l'Ankou passe, gare à ton cou ! Ce petit poème vaut, à n'en pas douter, plus d'un liard. Il y a juste le dernier tercet qui, de mon point de vue, pose problème :

Puis armé de sa faux à lame retournée,

Il entre et, marmonnant sa mortelle oraison,

L'Ankou vient emporter une âme moissonnée...

J'aurai plutôt écrit :

Puis armé de sa faux à lame retournée,

Il entre en marmonnant sa mortelle oraison.

L'Ankou vient emporter une âme moissonnée...

 

plume bernache
   Décidément l'Ankou rôde

  

 Décidément l'Ankou rôde aux quatre coins de l'Ecriptoire...

 Que celui-ci est bien brossé! 

 J'entends d'ici l'essieu criard...

 Holà, pas trop de familiarité,

 on ne sait jamais!

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