Elles s’entrechoquent
Les vagues de mots
Face à la mer plate et grise…
De ta page
Elles flottent…
Les feuilles sous le vent
Dès que tu lèves le nez
Elles s’embrouillent…
Tes idées jaillissantes
Comme du vin distillé
Elles tombent…
Tes paupières qui s’attardent
Sur ce brouillard de traits
Elles t’hypnotisent…
Ces images qui s’affichent
Dans ta matière grise
-
Sans vouloir en démordre
-
Sans jamais te laisser
-
Sans jamais se lasser
Tu veux des phrases
Mais tu n’as que des vues
Rien que des clichés
Des sons et des images
Et tout cela te grise…
Comment VOIR un seul mot ?
Commentaires
Le jeu du pronom cataphorique ("Elles... Les vagues", "Elles... Les feuilles", "Elles... Tes idées"", "Elles... Tes paupières", "Elles... Ces images") marque l'insistance sur la thématique proposée. Les métaphores maritimes ("Les vagues de mots", "mer plate et grise/de ta page", "ce brouillard de traits") définissent l'écriture comme élément structurant d'une conquête à mener. Porté par les verbes ("s'entrechoquent", "flottent", " "s'embrouillent", "tombent", "t'hypnotise", "grise"), le champ lexical de l'ivresse se déploie, mettant en exergue l'impuissance radicale à exercer une lucidité suffisante pour s'approcher des lignes d'enceinte du texte à écrire. L'anaphore ("Sans jamais") ainsi que le glissement sémantique assorti d'un parallélisme ("te laisser", "se lasser") appuient sur le travail de guérilla qui se livre avec un langage entré en rébellion. Si l'ambition de noircir est prégnante ("Tu veux des phrases"), la gradation hyperbolique ("n'... que", "Rien que"), appuyée par le champ lexical de l'instantané ("images" x 2, "vues", "clichés", "sons") manifeste l'échec du projet d'écriture à fixer une ligne de front. À la question, pour l'instant insoluble, qui clôt le poème, le verbe ("VOIR"), majuscule, semble donner une clé en augurant visuellement l'élargissement nécessaire du champ des perceptions.
Merci pour ce partage !
... Ceci pour souligner tout ce qui sépare le mot de ce qu'il désigne ainsi que de sa représentation mentale. Pour évoquer aussi ce que Luluberlu a à mon avis justement nommé : le vide existentiel, c'est-à-dire l'existence de ce quelque chose qui empêche de donner libre cours à la créativité... Quelque chose comme un empêcheur de tourner en rond et d'écrire bien carré.
Merci à tous pour vos généreux commentaires.
Sirye.
Svp mettez moi la chanson de Gribouille... Ostende ! en fond sonore.
Tout est là pour une superbe mise en scène mais...
des petits détails me gênent : le vin distillé ne peut plus jaillir, il ne peut que vieillir (je suis du terroir - Cognac - )
et je ne comprends pas la dernière phrase.
Mais... l'ensemble me plait, il appartient à ce monde qui est le mien !
Merci.
Très joli mais pas que...
un doux spleen submerge vos vers délicats, au lieu d'un effet lourd ce sentiment est ici d'une belle légèreté, l'impression d'être en lévitation de bout en bout, cette sensation est agréable.
force et simplicité ne font pas dans la banalité.
Intéressant ce texte qui évoque bien les tourments et les transes de l'écrivain, dupoète qui sent bouillonner en lui un besoin d'exprimer et dans le même temps se heurte aux rétiscences de la matière, de la pensée, des mots. Ce bouillonnement est bien rendu par la métaphore marine filée des l'abord du texte ainsi que ce sentiment sous-jacent d'impuissance face à l'énormité de la tâche à accomplir.
Je ne suis pas fou de poésie libre, mais j'ai apprécié l'accessibilité de celui-ci même si le thème en lui-même (ce que j'en ai compris en tous cas ) n'est pas bien original.
Beaucoup de vide existentiel, de mélancolie, de regrets aussi dans ce poème. Superbe image que « les vagues de mots ». Je me suis laissé bercé par ce « brouillard de traits ». Mais aussi, incommensurable légèreté de l’être : « Rien que des clichés Face à la mer plate et grise ». Une époque (clic-clac, c’est du numérique).
C'est vraiement bien, on y ajouterait une petite musique mélancolique dands le fond...