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Voyez passer à l’heure où s’installe la nuit

Des Anaons transis le cortège innombrable :

Ils cheminent derrière un recteur vénérable

Suivi d’un enfant mort dont la clochette bruit.

 

Ce soir leur appartient : ils viennent pousser l’huis

De leur demeure ancienne et s’asseoir à sa table,

Goûter au pain bénit qu’une main charitable

A daigné disposer auprès de quelque fruit.

 

Là, fixant le foyer de leur orbite vide,

Ils reviennent chauffer leurs os nus et glacés,

En égrenant les noms des prochains trépassés

Qui bientôt pourriront sous le limon humide.

 

Autour de l’âtre où geint la bûche des défunts,

Ils disent les secrets que nul ne doit connaître,

Car le temps de mourir comme le temps de naître

Appartient à Dieu seul, maître de toutes fins..

 

   Anaons est le mot breton pour désigner les âmes défuntes.

 

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Commentaires

merseger
Anaons

Merci Siryé pour votre commentaire indulgent. Je suis heureux que ce poème vous ait apporté du plaisir et même, dites-vous, une forme de sérénité. Effectivement ces deux mondes sont indissociables dans l'imaginaire breton et communiquent par tout un tas de signes que les légendes traditionnelles rapportent fort bien.

Ne vous inquiètez pas pour votre humour, je trouve qu'il est plutôt sympathique.

La bûche des défunts est effectivement une vieille coutume qui autrefois poussait les vivants à laisser sur la braise une bûche qui devait permettre aux Anaons de se réchauffer. Si elle n'était pas entièrement consumée on la conservait pour resservir à la prochaine visite des défunts.

Bien amicalement.

merseger
Combourg

Merci Plume pour cette référence à Chateaubriant qui a étudié au collège de la ville où je demeure. Sa mémoire est présente partout ici, et je vous sais gré d'avoir évoqué le château de Combourg où le père de l'écrivain l'obligeait à dormir dans une chambre où reposait un cadavre de chat, pour qu'il domine sa peur. La vie et la mort en Bretagne ne sont pas des mondes étanches et cela a donné naissance à bien des légendes merveilleuses ou terribles.

Bien amicalement

 

sirye oleudaré
Un cortège digne et solennel,

Un cortège digne et solennel, voilà la suggestion visuelle que m'a donné ce texte.

De la clarté et de la limpidité aussi. La procession est d'un métal argent brun.

à la fin de la lecture je me sens l'âme claire et pacifiée.

Ce qui me surprend, car, à y regarder de plus près, que voit-on : des orbites vides, de la pourriture...

( Et les traits passés impliquent en général une mauvaise mine : )

J'ai bien aimé le va-et-vient entre mort et vie : les os sont gelés, les âmes mordent dans le fruit. ( Peut-être une pomme, retour à la case départ : )

Comme si l'on ne sortait jamais vraiment de l'une ou de l'autre, vie et mort s'imbriquant. Il existe un liant, un passage, une co-existence.

Et Dieu le maître décide mais, autour de lui, on sait! Dieu a ses auxiliaires. Ils parlent autour de nous. Mieux vaut sans doute que nous ne puissions pas les entendre.

La bûche qui doit bruler pendant toute cette veillée d'âme, est-ce une coutûme bretonne ?

Ne pas prendre en compte mes blagues à deux balles, j'ai beaucoup aimé cette poésie.

Merci merseger.

Sirye

 

 

 

plume bernache
     Je verrais bien cette

 

   Je verrais bien cette scène dans la cuisine du château de Combourg.

 Chateaubriand venant  réchauffer ses  "os nus et glacés auprès de l'âtre où geint la bûche des défunts..."

 Le décor est planté, l'ambiance est là.

 Le rythme aussi.

 Et les sonorités:"égrenant les noms des prochains trépassés"(os cliquetants, clochette de l'enfant de choeur?)

  J'aime.

 

sirye oleudaré
J'aime be

J'aime be

 

romuald
J'aime beaucoup. O,dent le

J'aime beaucoup. O,dent le vent, l'inconnu (je préfére à Dieu), les legendes, les contes, les vieilles croyances, les errances...

 

Romuald

ERFE080- (manquant)
comentaire

Ah bon, c'est la Brtafne? j'avoue avoir pensé à l'Egypte,un long moment..

l'important en fait c'est la legende et le rêve Quoiqu'il en soit..merci

merseger
Anaons

Un grand merci aux commentateurs de ce texte qui n'est qu'une  reprise en vers d'une des nombreuses légendes bretonnes traitant de la mort, si présente dans les différents pays qui composent la Bretagne. Ces légendes ont été relevées avec leurs différentes variantes par l'écrivain breton et bretonnant Anatole Le Braz. En fait je me suis amusé à évoquer en quelques vers cette atmosphère si particulière des églises et des enclos paroissiaux hantés de superstitions vivaces encore au XXème siècle dans les campagnes.

Merci à Chvlu pour son commentaire sympa épicé de jeux de mots hilarants.

Merci à Luluberlu et à K Ta Strof que cette forme classique n'a pas rebutés et qui ont bien voulu faire leur l'atmosphère lugubre de ce texte.

Merci à Louis qui pose des questions qui n'ont rien d'indiscret : Difficile de parler des légendes de la mort en Bretagne, pays de forte croyance et d'adhésion à une religiosité militante sans parler de Dieu, qu'on y croie ou pas. Cela est moins vrai aujourd'hui d'ailleurs, et ne m'engage en rien, même si comme la plupart des gens curieux, je me préoccupe de philosophie et de métaphysique.

Pour  ce qui est de mes  couventines,  j'ai écrit ce poeme et d'autres d'inspiration similaire à un moment où je me trouvais sous le coup de l'émotion de la redécouverte des romans de Francis Jammes (Clara d'Ellébeuse...) et ai eu le désir de l'exprimer à ma manière. En fait ces poèmes veulent exprimer l'idée que quelque soit la rigueur d'une éducation religieuse ou socialement marquée, la nature parle plus fort que les principes qu'on a voulu et qu'on veut encore inculquer à la jeunesse, que le sang est plus impérieux que l'eau bénite, heureusement...

Louis P.
Je trouve beau ce texte dans

Je trouve beau ce texte dans sa forme ( je regrette juste, dans le premier vers du dernier quatrain, la répétition pas très heureuse à l'oreille, du son « dé », dans « la bûche des défunts » ).

Dans les derniers vers apparaît une référence au divin :

« Car le temps de mourir comme le temps de naître

Appartient à Dieu seul, maître de toutes fins »

Cette référence s'inscrit dans une constante, que l'on trouve dans vos textes publiés dernièrement sur l'Ecriptoire, une constante de la référence au religieux et au divin.

Ainsi dans les Couventines, et dans Qu'avez-vous appris ? Il est question des couvents et de jeunes filles dans les Ordres. Or de telles jeunes filles sont rares aujourd'hui, la pratique de la réclusion dans un monastère est devenue très exceptionnelle. Pourtant, elle semble une préoccupation pour vous. Je m'interroge sur son origine. Mais peut-être est-il indiscret d'en parler.

Par ailleurs, je suis résolument athée, mais je n'en suis pas moins sensible à la beauté d'une église romane ou d'une cathédrale gothique ; ni à celle de peintures au thème religieux. Je trouve une beauté dans vos textes, même si je ne partage pas avec vous la préoccupation religieuse ( bien que vous sembliez remettre en question l'austérité, l'ascétisme de la vie monacale, ce que j'approuve alors).

À la question que vous posiez dans « Qu'avez-vous appris ? » aux jeunes filles recluses, il me semblait y trouver une interrogation désuète, tant la vie monacale est devenue rare. La question « Qu'avez-vous appris hors des sites porno sur Internet ? » semble plus d'actualité. Mais une préoccupation plus personnelle semble motiver vos écrits.

 

Le plaisir est réel, toutefois, à découvrir la beauté de vos textes de forme classique.

 

 

 

 

chVlu
Portrait de chVlu
Moi qui suit à T je ne trouve

Moi qui suit à T je ne trouve rien à redire à la forme qui n'est pas sans atours (atours pique parfois même si ils viennent du fond du coeur).

 

Le texte dans la forme colle bien au fond, les mots sont bien imbriqués comme les piéces d'un puzzle.

 

Je regrette juste l'absence d'une patte de mouche après nuit et une autre après transis. Y voyant une inversion entre les marcheurs et l'ensemble qu'ils forment, que la virgule permette d'avaler la salive pour faire face à l'ambiance lourde qui s'installe, me semblait s'imposer.

 

Un texte à l'esthéthique de "dark side of the moon"....

 

 

 

Alors comme nous sommes en sélection, je dirais laissons lettré passer, les mots dits le sont bien.

 

Sören Kierkegaard (1813-1855), Ce n'est pas le chemin qui est difficile, c'est le difficile qui est le chemin

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