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Sujet proposé par La Poussière - Variation autour de la phrase extraite du livre de Véronique Ovaldé « La grâce des brigands » :

"Elle avait commencé à écrire quelque chose la veille au soir (après cette étrange soirée passée avec Joanne). Quelque chose qu’elle sentait bruisser et palpiter. Et c’était comme de marcher avec un trésor cousu sous la peau prés du cœur."

Et revint à sa mémoire la danse des ombres heureuses, celles de son enfance.

Elle avait commencé, mais ne savait où ça la mènerait. C’était là, enfoui en elle, probablement, certainement depuis longtemps ; un désir d’enfance peut-être, ou bien une envie d’exister, d’enfin réaliser ce pourquoi elle avait vécu sans qu’elle en ait vraiment conscience. Il lui fallait lâcher la bride, laisser vagabonder son imaginaire, se défaire des contraintes accumulées au fil des ans, poser enfin le fardeau de son éducation. Se libérer d’elle même en somme.

Voilà, c’était cela, le désir de tout envoyer balader : mari, enfants, boulot. De s’isoler dans quelque lointaine campagne, – la Creuse peut-être –, loin du bruissement de la multitude, des pompes de la république qu’elle côtoyait à longueur de journée, des inaugurations de quelque obscur musée dans une province improbable par quelque sous préfet aussitôt oublié.

La Creuse, oui ! Parce qu’il est des temps que les mots ne nous rendent pas. Elle avait hérité de ses parents une petite bergerie ourlée d’un frêle ruisseau qui jamais ne tarissait. Ni son époux ni ses enfants n’en connaissaient l’existence. Ses déplacements professionnels dissimulaient ses nombreuses, mais trop courtes escapades. Au cours des années, patiemment, brin à brin, un peu comme l'oiseau fait son nid, elle l’avait aménagée, lui donnant un semblant de confort, un brin de fantaisie aussi. Pas d’électricité, juste l’eau courante du ruisselet dont le doux friselis l’entraînait dans des rêveries sans fin.

Elle s’abîmait alors en promenades immobiles, livrée à des pensées chaotiques, ravaudait des souvenirs d’enfance, ruminait des morceaux de temps perdu, et soudain, surtout en hiver, mue par on ne savait quel désir irrépressible, partait pour de longues promenades.

Alentour, la vie animale se retirait sous terre, dans la mousse frémissante et mouillée, au creux de frêles tiges, dans les falaises des troncs. Lorsque le soleil brillait, l’ombre et la lumière façonnaient jusqu’aux herbes les plus chétives avec acuité. L’arborescence dorée de l’automne s’en allait et les virgules d’hirondelles ne ponctuaient plus le passage des nuages. Il ne restait plus grand-chose du foisonnement végétal : des squelettes d’herbacés, de courtes et fluettes graminées jaunies, des feuilles paresseusement étalées en vagues fauves, quelques pousses. Les sureaux avaient perdu leurs drupes noires et violacées ; les pâtres n’y pourraient plus tailler leurs flûtes ni les druides y souffler pour converser avec l’âme des disparus. La nature s’était elle même édulcorée, comme affadie.

Les jours n’étaient que succession de pluies, de brouillards et de gels parfois ponctués de rayons de soleil aussi incertains que lointains. C’était l’époque où l’eau se mettait dans tous ses états, parfois à quelques heures d’intervalle seulement. Aux paillettes de givre du matin succédaient des chapelets de gouttelettes l’après-midi elles mêmes semences de glace au cours de la nuit suivante.

 

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Commentaires

pifouone
Ben, c'est très beau, très

Ben, c'est très beau, très bien écrit, un peu trop pour moi sans doute. Je ne suis pas certain d'en profiter à fond mais qu'importe, je prends ce que je comprends et ce que je ressens, pis voilà.

 

Didier

la poussière
il y a de belles phrases dans

il y a de belles phrases dans ton texte:"des temps que les mots ne nous rendent pas" entre autre et des plus rigolotes pour qui a partagé certains moments avec toi " la visite du sous préfét".

il me semble que "mue par on ne savait par quel" je suprimerais le deuxième "par"

J'aime bien ton texte et c'est drôle parce qu'il est au diapason d'un texte que je suis en train d'écrire et que je finirai peut être.

Merci pour le cours d'inf. de ce matin grace à tes indications j'ai réussi à faire un truc ou je coinçais mais je suis incapable de te dire ce qui m'a débloquée

A mercredi

 Joëlle

Comment faire pour que Pifouane puisse voir des corrections que j'ai mis sur son texte en sélection?

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