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Gustave,

C’est bien connu, le bonheur des uns fait le malheur des autres.

Les uns ? D’abord toi Gustave qui, inspiré par la tragédie de Francesca et Paolo, a su mettre en scène ces amoureux, pour mieux figer vers l’éternité un moment unique de frénésie.

Tu as façonné, scellé avec gourmandise des émotions à fleur de peau et exposé ainsi un bloc de bonheur parfait au monde entier.

Puis, ton œuvre ainsi livrée au regard et au toucher de millions d’admirateurs a essaimé : sentiments, émerveillement et envie pour certains, modèle et reproductions mercantiles pour d’autres.

Tu as apporté ta pierre à l’humanité, « le  baiser » est entré au patrimoine universel, devenant alors tantôt connaissance ou curiosité, tantôt décoration ou placement, sans jamais laisser indifférent.

Mais, l’envers du décor, c’est que moi, Francesca, je suis profondément malheureuse. Depuis plus d’un siècle d’immobilisme, je ne sais plus si je suis un corps ou une masse anonyme, un cerveau ou un regard vide, seulement une chose, une vitrine. Tu m’as privée de beautés terrestres, de pensées sublimes, de sensations fortes et de toutes les évolutions humaines. Je suis égarée, accrochée aux bras d’un être sans voix et froid.

Que me reste-t-il de ma jeunesse, de mon énergie, de mes espoirs ? Rien sinon traces et poussière qui, au fil du temps, ont recouvert mes tissus et fait taire à jamais mes rêves et refouler mes désirs.

Peux-tu imaginer, Gustave, l’ampleur de mon désarroi et l’océan de désolation qui m’envahit ? Mes jours ressemblent à mes nuits. Je ne suis que l’ombre de mon ombre.

Auras-tu le courage de m’arracher à cet enfer ? J’aimerais tellement voler vers d’autres cieux, atteindre le soleil et les étoiles, découvrir la planète et rencontrer, enfin, les miens.

Rassures-moi Gustave et dis-moi, dis-moi que le miracle est encore possible.

Francesca

Note : exercice proposé dans le cadre de l'atelier d'écriture de Bergerac.Droit de réponse d'un personnage de fiction mécontent : sa vie est monotone, son créateur ne lui donne pas le choix de l'emploi de ses journées, alors il râle, il aimerait bien un réaménagement de sa vie.

Le personnage féminin du : Baiser de Rodin

Elle s'appelle Francesca da Rimini. Elle embrasse Paolo Malatesta sur la bouche.

Elle écrit à Rodin.

 

5.04
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Commentaires

Escampette
Bonjour, Je ne suis pas

Bonjour,

 

Je ne suis pas super emballée par ce texte car ma préoccupation en le lisant était ailleurs. Il se trouve que j'ai lu il y a quelques jours un article sur "Le Baiser" et sur son origine. Ses connaissances récentes ont biaisé ma lecture car je pensais les retrouver ici.

 

Francesca et Paolo sont un couple issu de La Divine Comédie de Dante : Paolo est le beau-frère de Francesca < amour impossible et ils seront assassinés par le mari de Francesca. Le Baiser illustre leur amour à la découverte de leurs sentiments. Le calme avant la tempête ;)

 

Du coup je n'ai pas été sensible aux réclamations de Francesca.

 

Mais l'idée était chouette bien sûr. Merci d'aborder des oeuvres d'art, ça me plaît beaucoup !

Sylvie
Je ne suis pas restée de

Je ne suis pas restée de marbre en lisant ce beau texte.

luluberlu
Portrait de luluberlu
  Aaaah, mais c'est en clair.

 

Aaaah, mais c'est en clair. Ce n'est plus en Sténo. Annick est la seule à écrire de cette manière pendant l'atelier d'écriture. Impossible de la relire. Mais quand elle transcrit, on découvre une belle écriture, bien que ce soit un peu court (je parle de la longueur). Bon, on ne va pas chipoter et bouder notre plaisir.

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