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Une chanson douce que chantait ma maman

 

Misère, misère, pourquoi ai-je obéi à ma mère ?

Misère, misère, je suis très en colère.

Elle m’a demandé d’aller te voir.  J’ai eu espoir que ma mère ne soit plus la louve, mais ne tissait-elle pas un plan pour mieux me dévorer ?

La journée n’a pas été facile, j’ai rencontré ma sœur que je n’avais plus vue depuis trop d’années.

J’ai été blessée. Blessée de voir, blessée d’entendre.

Misère, misère, elle ressemble à la mère,

Misère, misère, et gloire à mon père.

 

Tu es là, bon chien, Charly… je ne suis même pas surprise.

J’entends encore la voix de la louve me dire « va voir ton chien maintenant », puis je te revois gueule ouverte dans la neige. À ce souvenir, mon corps se raidit encore.

Charly, elle ne voulait plus te voir à la maison.

Et si la chanson était douce, il n’y avait pas de beau cavalier.

Je ne pouvais que prier, prier pour que Dieu te reprenne.

Toi mon seul compagnon, toi qui ne me quittais pas, toi qui me berçais, toi qui me donnais la force de continuer.

Tu étais devenu l’objet inutile, tu avais accompli ton devoir.

Dans le parc en bois, tu étais avec moi, ta présence me rendait silencieuse. La nuit, tu me la partageais. Tu m’attendais au sortir de l’école. Tu me ressemblais, tu détestais les ordres. Je te soupçonne d’avoir fugué pour me retrouver : contre la louve, nous étions deux.

Tu m’as nourrie.

Te souviens-tu des paroles de la sœur qui me mettaient hors de moi :

« Tigresse,

pleine de graisse

jusqu’aux fesses

comme une négresse. »

Tu sais, Charly, je crois qu’elle était jalouse.

 

Anne, sœur Anne, les années se sont écoulées… nous n’étions plus en contact sauf lors des réunions de famille.

Misère, misère, il fallait s’les faire.

Misère, misère, ce n’était pas une mince affaire.

Elle s’est mariée, a eu des enfants et n’a plus travaillé.

Ses mots n’étaient plus ni tigresse ni négresse mais ils étaient toujours blessants.

La revoir encore, je ne sais si je le pourrai, elle le souhaite. Mais n’est-ce pas une nouvelle route vers l’enfer ?

Elle me fait peur.

 

Misère, miroir…

Me masques-tu mon reflet ?

Dis-moi la vérité : m’a-t-on aussi abîmée ?

 

Que mon souffle devienne ouragan et brise ce miroir en milliers d’étoiles pour que je puisse poser ma main sur mon cœur et ne plus me demander « sous quelle étoile suis-je née ? »

 

Charly, écoute mon chien, cette chanson, je veux la chanter pour nous.

Le souvenir de ta présence m’est doux.

Nous étions deux contre les coups.

« Une chanson douce… »

 

Mais la louve ne savait pas chanter…

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Commentaires

A.Nonyme
    Ce texte m'a retenue sans

    Ce texte m'a retenue sans doute par compassion. Je trouve toujours injuste ( et ne peux m'empêcher de partir au combat! ) que l'on traîne tant de blessures comme une seconde identité ( pour toujours ). Injuste aussi que l'on accepte d'être à jamais victime, esclave de la déviance ou du mal-être des autres. Chacun a le pouvoir de briser ces chaînes malsaines. Chacun a le pouvoir de repeindre le tableau de sa vie ( choisir les couleurs qui parlent, quelques bons pinceaux, un peu de musique... ). 

    Quant à la louve : ce n'est pas gentil pour les louves!... mais on voit de tout sur la planète... Le deuil de Charly, par contre, reste un deuil . ça c'est une vraie douleur. Mais jamais plus personne ne peut détruire l'amour de Charly ...

Greg (manquant)
Toujours casse-pieds ces

Toujours casse-pieds ces confessions de femmes qui se posent en victime de leur famille. J'ai envie de la prendre dans mes bras et de lui raconter bien gentiment le chemin qui mène à l'extérieur du mélodrame... La louve recèle une puissance initiatrice, la gueule par laquelle il faut passer pour pouvoir renaître. Rejeter la louve est contreproductif : il faut se laisser aller à la destruction, à condition qu'elle soit faite dans l'amour d'un homme.

luluberlu
Portrait de luluberlu
La symbolique est un peu

La symbolique est un peu déroutante parce que la louve se comporte en loup. La mythologie scandinave décrit le loup comme un dévorateur d'astres (animal, personne qui dévore, mange avec avidité), en l'occurrence chaque soir le soleil pour le rendre au matin, à l'infini, condition de l'alternance jour/nuit, vie/mort.

La louve est réputée, aux yeux de l'homme, pour son instinct maternel… C'est pourquoi je suis un peu perplexe.

Quoi qu'il en soir, on a ici une plongée en enfance, la remontée d'un traumatisme entretenu par la soeur qui semble se comporter comme la mère.

Souhaitons que le souffle devenu ouragan brise le miroir et délivre du ventre du loup pour enfin faire renaître à la lumière, un peu comme le Chaperon Rouge du conte de Grimm.

Au final, bien qu'un peu mystérieux, un bon texte. À publier donc.

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