Que reviennent la force et l’envie seulement
unies pour un instant dans une aube éblouie
tisser la controverse et les ombres subtiles
ranimer ce corps las prisonnier d’un reflet
Quel est donc ce chemin sans nom sans élégances
à l’avers caillouteux balisé de malchance
déserté par la Vie
Quelle est cette saison ainsi qu’un long hiver
à l’horizon figé tous les jours le Gui vert
jamais rien ne dévie
Le mésespoir remplit sa coupe ô mes amis
et ses lèvres chaque jour vont triste rituel
épouser le doute en un geste mécanique
que sont devenus les matins éblouissants
Commentaires
vous revoilà enfin !
La construction de ce poème s'apparente à celle d'un sonnet qui aurait été singulièrement malmené (les deux tercets occupent le centre de la structure, les vers 7 et 10 sont des hexasyllabes, les rimes, suffisantes et riches, n'apparaissent qu'aux vers 5-6, 8-9, 7-10). Ce brouillage entre le stable et l'instable épouse, à sa manière, la problématique douloureuse véhiculée par le texte.
Des questions ouvertes, portant sur le présent (démonstratifs marquant la mise à distance : "Quel est donc ce chemin...", "Quelle est cette saison...") et sur le passé (adjectif qualificatif à visée élective : "que sont devenus les matins éblouissants"), balisent le parcours de lecture. Elles mettent en exergue la traversée d'un désarroi profond rendu plus poignant encore par l'utilisation d'un grand nombre de procédés (adjectifs qualificatifs déceptifs : "ce corps las", "à l'avers caillouteux", "triste rituel", "geste mécanique", participes passés fermant la perspective : "balisé de malchances", "déserté par la Vie", gradation : "sans nom sans élégances", comparaison marquant l'usure : "ainsi qu'un long hiver", image de l'engluement, de l'introuvable point de fuite salvateur : "à l'horizon figé tous les jours le Gui vert", négation catégorique de toute forme de changement : "jamais rien ne dévie", néologisme assorti d'une personnification : "Le mésespoir remplit sa coupe... / et ses lèvres vont.../ épouser le doute", apostrophe : "ô mes amis").
Le ton injonctif du début ("Que reviennent la force et l'envie") porte une revendication d'ampleur somme toute assez modeste (adverbe et locution nominale : "seulement / unies pour un instant"), reposant sur un échange fructueux avec l'Autre (titre du poème, à majuscule significative : "Le combat de l'Esprit", verbes à l'infinitif avalisant la préservation d'un lien : "tisser", "ranimer", groupes nominaux formant une richesse de contrastes : "une aube éblouie" / "la controverse et les ombres subtiles") dans un contexte de grande solitude morale (figuration d'un rapport à soi sclérosant : "prisonnier d'un reflet").
Merci pour ce partage !
Le reflet est pour les couleurs ce que l’écho est pour les sons, un reflet d’aurore à l’éclat singulier.
J’ai eu juste un peu de mal avec les 2 derniers vers (mécanique que j’ai trouvé grinçante et éblouissant).