Accueil

« Le regard posé sur le vieil homme, sur sa tête penchée vers les cordes comme en une conversation secrète, je me suis demandé si la vue n’était pas qu’une distraction de plus, un obstacle empêchant d’entrer en ce lieu au cœur de la musique où rien ni personne ne pouvait s’introduire de force. » (Ron Rash : Le chant de la Tamassee)

Avec étonnement et beaucoup d’émotion je m’attardais à contempler le duo fusionnel que formait l’homme avec son instrument ; tel un vieux couple, pensais-je, qui au crépuscule de sa vie a trouvé sa respiration : une entente harmonieuse, profonde, spontanée et quasi parfaite où les regards et les mots deviennent presque inutiles et superflus.

Je m’étonnais de la dextérité sans rides, énergique ou délicate de ses doigts, révélatrice d’un long apprentissage et d’une prodigieuse maîtrise. Un instant je fermais les yeux pour mieux les voir courir sur les cordes comme un pinceau sur la toile, les voir s’épier, s’approcher, s’attendre, se confondre, mieux apprécier leurs jeux ; mieux goûter aussi cette singulière symbiose entre le musicien et son violon : une communion étroite et silencieuse, mais vibrante et presque sensuelle, pareille au langage d’un couple d’amoureux.

Immobile et attentif, « captif » de ce qui se passait, j’osais enfin lâcher prise, me déprendre de moi-même, éteindre les mots, les regards et les gestes parasites. J’absorbais de l’intérieur notes et arpèges, toute l’authenticité et la nostalgie qu’ils véhiculaient comme s’ils étaient porteurs d’une histoire, d’une mémoire. Je les laissais m’envahir, monter en moi comme une essence au délicat et enivrant parfum ; je les laissais chanter dans tout mon être.

En cet instant plus rien n’existait autour de moi, que la force et le rythme de la musique éveillant en moi tout un panel d’émotions libératrices et bienfaisantes.

 

6
Votre vote : Aucun(e) Moyenne : 6 (1 vote)

Commentaires

plume bernache
  Quel beau texte ! La

 

 
Quel beau texte ! La comparaison avec un vieux couple en harmonie, se comprenant sans les paroles, puis la description des doigts qui " courent sur les cordes comme un pinceau sur la toile" "les voir s'épier, s'attendre,se confondre" et tout le paragraphe sur l'absorbtion de cette musique, "éteindre les mots…"(bravo !!!)
On a envie de se "déprendre de soi-même" et partager cette communion avec la musique.

Vous devez vous connecter pour poster des commentaires