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Quand elle rejoint la chambre, Thierry est déjà là. Il l’attend. Elle lui adresse un sourire timide en le regardant par en dessous et referme la porte discrètement.

Il est 14 h et elle a manqué les cours pour le retrouver. Wassila lui donnera ses notes, comme d’habitude. Ses joues sont teintées d’un fard couleur pêche qui rehausse ses pommettes et mettent en valeur le pétillant de ses yeux. Thierry aime se perdre dans ses billes de chat dont le noir l’envoûte à chacun de ses regards perdus.

Elle retire sa veste et la dépose sur le fauteuil attenant au bureau puis s’approche maladroitement du lit en trébuchant sur un de ses talons trop hauts pour des jambes si fines. Thierry retient un pouffement de rire et ne laisse apparaître qu’un sourire comblé. C’est ce qu’il adore chez elle, son côté maladroit, l’innocence de la jeunesse, cette naïveté qu’elle ne semblera jamais perdre. Ses imperfections la rendent magnifique.

Il l’invite d’un geste dans le dos à s’asseoir à ses côtés et lui tend une coupe de champagne avant de plonger son visage dans ses cheveux et de frôler le creux de sa nuque du bout des lèvres.

Elle sent la vanille comme à chacun de leurs rendez-vous. Vanille. C’est le surnom qu’il lui a donné lors de leur première rencontre et qu’il a laissé enregistré dans son portable depuis.

Justine saisit la flûte et laisse Thierry la caresser jusqu’à ce qu’il l’attire vers lui et commence à mordiller le rouge de ses lèvres. Justine est une poupée de cire, pêche et framboise. Elle est son œuvre d’art.

Entre deux baisers, il prend des nouvelles de sa journée et s’enquiert de ses examens passés. La jeune femme répond gentiment, mais sans l’intention ni le désir d’en dire davantage. Elle n’est pas venue pour ça. Lui non plus, et il n’insiste pas.

Elle l’observe, toujours par en dessous, protégée par un Rimmel – plus noir encore que la couleur de ses yeux – et qui a pour effet de dissimuler le soupçon de timidité et d’appréhension que son amant affectionne tant.

Thierry est un homme d’expérience d’une quarantaine d’années, habitué à côtoyer des femmes directives, carriéristes et égoïstes. Alors, dès qu’il a connu Justine, elle lui a plu de suite : son manque d’assurance, ses doutes et ses maladresses l’ont conquis. C’est son naturel qui l’a charmé, teinté d’innocence et de candeur, mais néanmoins nuancé par une volonté de bouffer le monde.

Thierry se plaît dans son rôle protecteur. Il la souhaite dans un cocon. C’est comme cela qu’il l’aime. Alors que les yeux de Justine ne s’animent ou pas de l’envie de croquer la vie, ils séduisent toujours Thierry, sans doute notamment par leur contour parfait et la légère tache brune, signature d’une œuvre unique, lovée dans le blanc de son œil gauche.

Thierry tente une dernière fois de prendre de ses nouvelles, peut-être par remords. Justine est en deuxième année de médecine et la dose colossale de travail qui l’éreinte chaque semaine est parfois difficile à soutenir. Il le devine très bien même si elle ne s’en plaint pas. Il culpabilise peut-être de lui faire manquer quelques heures quand l’on sait que chaque minute compte.

Mais c’est elle qui a insisté, elle préfère le retrouver en journée pour se consacrer à ses études le soir. II ose donc une dernière indiscrétion en lui demandant si elle a pu payer son loyer. Elle le rassure, tout est bon. Il lui a déjà proposé plusieurs fois de quitter son studio pour vivre dans un appartement plus confortable, mais elle a refusé. Elle n’est pas prête. Elle souhaite conserver une certaine indépendance.

Thierry propose une autre coupe mais Justine décline et commence à dégrafer son chemisier. Thierry lui demande de le laisser faire. Il adore la déshabiller. Faire glisser ses bretelles de dentelle sur ses épaules, lentement, délicatement jusqu’à faire tomber sa robe sur ses hanches. Justine ne porte pas de soutien-gorge. Elle sait qu’il n’aime pas cela et essaie de satisfaire au mieux ses envies.

Il caresse ses seins nus, qu’il peut aisément contenir dans la paume de ses mains. Il pourrait passer des heures à contempler sa poitrine, ses contours généreux, sa blancheur nacrée et les quelques taches de rousseur qui la recouvrent. La peau fraîche et immaculée de Justine le vivifie.

Justine interrompt ce moment de douce contemplation en descendant sa robe à ses chevilles et se redresse presque nue, un fin tissu de dentelle épousant son sexe, debout face à Thierry. Le moment est venu pour elle de se montrer plus sexuée. Quitter la poupée de porcelaine pour retrouver la femme animée et déterminée.

Elle déboutonne son pantalon et retire ses sous-vêtements avant de s’asseoir sur lui, elle mènera la danse à présent. Thierry s’agrippe à ses fesses, le visage enfoui dans sa poitrine, la laissant guider leurs ébats jusqu’à ce qu’il la retourne brusquement sur le couvre-lit et reprenne le contrôle.

Allongée sur le dos, les poignets serrés et maintenus fermement entre les doigts longs et épais de Thierry, Justine ferme les yeux, elle oublie. Quelques gouttes de sueur perlent du torse de Thierry et lui chatouillent le ventre quand elles tombent, mais elle ne peut pas les essuyer, tout comme les quelques larmes qui voilent ses sourcils.

Thierry l’écrase et l’assomme de tout son poids et de son désir de jeunesse. Il va et vient en elle comme si c’était la dernière fois. Le frottement de ses poils contre la peau de Justine associé à sa transpiration chaude et épaisse lui irrite le torse et les cuisses. Des rougeurs se dessinent en taches éparses sur sa peau. Ces démangeaisons s’ajoutent à son envie impérieuse de pénétrer sa partenaire toujours plus fort et plus vite jusqu’à ce qu’il s’abandonne d’un coup sec sur son ventre. Il décolle son corps moite et lourd de celui de Justine dans un long soupir chargé.

Il file sous la douche en emportant une serviette. Justine se redresse sans un mot, lentement et délicatement, puis elle se rhabille. Elle renoue les brides de ses sandales quand Thierry sort de la douche et lui demande si elle est libre le mercredi suivant pour rencontrer un ami à lui, Louis, un type très bien dont il lui a déjà parlé à plusieurs reprises.

Justine le regarde dans les yeux, le visage lavé de toute expression et lui fait signe de la tête qu’elle sera là. Elle termine de boucler ses chaussures, se lève et saisit les deux billets qui l’attendent sur la table de nuit avant de les fourrer dans son sac à main. Elle quitte la chambre sans se retourner.

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Commentaires

luluberlu
Portrait de luluberlu
C’est froid. Je suppose que

C’est froid. Je suppose que c’est ce qui est recherché. Je l’ai donc lu sans enthousiasme… mais doit-on (peut-on) parler d’enthousiasme dans un tel contexte. En France, il y a des bourses. Manifestement, dans ce récit, ce ne sont pas les mêmes. C’est somme toute assez banal.

Quant à la « qualité » du texte, rien à dire. Style fluide et efficace, personnages bien campés, etc. J’ai même cru déceler un peu de poésie… si, si, et, malgré tout, une certaine tendresse de l’un envers l’une.

 

PS.

- contenir dans la paume de ses mains. Il pourrait passer des heures à contempler sa poitrine, ses contours généreux : contradictoire (dans la paume et contours généreux)
- et se redresse presque nue, un fin tissu de dentelle épousant son sexe, debout face à Thierry. À moins de se redresser assise, debout face... me semble inutile.

plume bernache
triste réalité

 

 
Cette nouvelle illustre bien le côté froid et banal d'une telle relation. Chacun dans son rôle, "consciencieux", sans culpabiliser. Chacun avec ses raisons d'être là, bonnes raisons bien sûr. Un type bien, en manque de "candeur et d'innocence", une étudiante fauchée et déterminée, tenant à son indépendance.
Situation courante paraît-il. Tristement banale.
Le dernier paragraphe a juste la froideur nécessaire pour clore ce texte. J'en ai le coeur serré. Réussi.

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