« C’était un temps de solitude »... alors que je le vis au présent, j’apprends à mieux le connaître.
Au matin le miroir se brise.
Mon reflet devient répugnant.
Le souffle court je m’éternise
à vouloir chercher un coupable.
Je me souviens de la lumière
du jeu des couleurs sur ton corps
sous les branches du saule bleu
Et ces poissons dans les courants
sautillants vifs gueules ouvertes
gober les moucherons en vol
Je me souviens c’était hier
le jour semblait n’avoir de fin
L’herbe tendre saoulée d’empreintes
d’élans fougueux de longues pauses
nous chuchota la seule nuit
passée sans que le temps comptât
Aujourd’hui est un autre jour
une aube neuve une autre peau
une autre vie à s’inventer
comme une route à suivre seule
bordée d’angoisses inconnues
à connaître puis à manger
Comment dois-je prendre l’affaire :
par surprise ou bien face à face ?
Tordre son cou la faire rire
ou lui jeter un sort fatal
aussi puissant que ton regard
qu’elle abandonne par pitié ?
J’aime à penser en ton absence
mon absence qui pousse en toi.
Je la sais peine et pourtant belle,
belle à mourir en cet instant.
Commentaires
Texte franchement émouvant, musical, vif et clair, portant haut la voix et la musique de souffrir d'absence. Dernière strophe, ... de toute pudeur hurlante.
Je viens de vous relire Pussycat, avec un autre éclairage, c'est très beau.
Bonjour,
Je vous remercie jfmoods, barzoï et plume pour vos commentaires.
Comme il aime à le faire - et si bien - jfmoods désosse mon texte pour toucher à l'essentiel ; chacune de ses lectures est une prose. ils sont si rares les lecteurs qui prennent le temps de se poser pour entrer dans un texte comme le fait jfmoods... si cela n'est pas "passion", je me demande comment nommer le travail de jfmoods... "travail", oui, alors Merci !
Il est vrai barzoï que j'ai tenté, et pour la première fois, de lever un pan du voile avec des mots simples... "de la musique", je l'espère... quand l'urgence le commande, comment - et pourquoi - ne pas la partager, cette barque que chacun mène comme il peut, tout en gardant son intégrité.
Oui plume, je le trouve également très beau ce vers.
Aragon, Éluard, Michaux et Saint-John Perse sont les quatre auteurs que je lis et étudie actuellement.
J'aime m'arrêter sur un auteur dont l'une de ses oeuvres m'est inconue. Je le lis, je prends des notes, le relis, je crayonne... je me nourris... c'est un puits immense.
Concernant le premier quatrain, comme le titre, j'ai tenté de vous donner des pistes... mais c'est si difficile de se lire soi-même...
Tout vient si vite parfois, alors que le travail vous épuise par ailleurs, sur un mot, une ponctuation, ou une chute impossible à trouver, courbée sur la table ou les yeux rougis fatiqués par l'écran, des heures, des jours durant... comme l'orpailleur dessus le tamis : de l'eau, encore de l'eau, je crois voir une paillette !
Merci à vous pour vous être arrêtés en chemin lire ce texte et le commenter.
Pussicat
Le titre (« La flèche et la cible ») désigne métaphoriquement l'individu et sa quête du bonheur.
Ce poème de six strophes (un quatrain, quatre sizains, un quatrain) en octosyllabes, qui parle d'une vie de couple, se découpe en son centre.
D'un côté, le passé (présent de narration de la première strophe appuyant sur le constat délétère d'un échec, jeu d'opposition stérile sur le seul passage rimé : « se brise » / « m'éternise », anaphore fixant les strates d'un bonheur : « Je me souviens », imparfait des habitudes douces : « le jour semblait n'avoir de fin », adjectifs qualificatifs entérinant le désir : « sautillants », « vifs », « fougueux », passé simple évoquant la brièveté de l'essentiel : « nous chuchota ») ; de l'autre, le présent, la projection sur un après (adjectifs qualificatifs déceptifs : « seule », « inconnues », gradation mettant en perspective l'avenir : « autre jour », « autre peau », « autre vie », double question ouverte, double occurrence de la conjonction de coordination marquant une alternative pour l'instant introuvable : « ou »).
L'élément le plus significatif de la lecture reste sans nul doute le chiasme qui entame l'ultime strophe du poème (« J'aime à penser en ton absence / mon absence qui pousse en toi »). Tout comme nous avons autrefois appris à nous aimer, nous devons maintenant apprendre, par un long et douloureux processus, à nous défaire, à nous passer l'un de l'autre, à nous désaimer. On pense alors au poème de René Char intitulé « Allégeance »...
→ https://www.youtube.com/watch?v=uBD66TTXU-w
Merci pour ce partage !
De la musique pour dire des choses essentielles, une bien agréable lecture.
J'aime beaucoup ce poème qui commence par un très beau vers d'Aragon."c'était un temps de solitude"
Douceur des deux strophes sur le souvenir.
"je me souviens de la lumière
du jeu des couleurs sur ton corps
sous les branches du saule bleu…" m' évoque un tableau d'Auguste Renoir (étude: torse effet de soleil)
Bel effet de rythme dans la deuxième partie
" et ces poissons dans le courant
sautillants vifs gueules ouvertes
gobant les moucherons en vol"
La dernière strophe : "mon absence qui pousse en toi…" est poignante.
Seule, la toute première partie "au matin le miroir se brise…" me déconcerte un peu, de même que le titre.
Mais ne m'a pas empêchée d'apprécier l'ensemble dont le style est très fluide et agréable à lire à haute voix.