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Hector effectue son dernier trajet à la boulangerie. Dernier salut aux voisins, dernière boutade à la vendeuse et dernières bavasseries avec le facteur. Il s’applique plus que d’ordinaire, étend ses sourires, renforce ses poignées de main et accentue le timbre de sa voix. Les dernières fois comptent, plus que les premières. Surtout quand on est le seul à savoir qu’il s’agit de la dernière. Les gens l’apprécient encore comme au premier jour, et même plus. Partout où il s’est installé, il a toujours su s’intégrer. Hector est le voisin qu’on a envie de garder, l’ami sur qui l’on peut compter, le fils qu’on voudrait adopter, le grand frère qu’on n’a pas eu, le collègue en or et le mari qu’on espère en secret.

Cette fois il aura tenu plus longtemps que d’habitude. Bientôt deux ans qu’il s’était installé dans la bourgade de Mingville. Et il doit tout quitter du jour au lendemain, abandonner les siens. L’habitude ne change rien à la peine. Le cœur toujours broyé, à chacun de ses départs. Tout reconstruire, encore, ailleurs. Il sait qu’il y arrivera. Il adore ça. Conquérir, séduire, il y excelle. Mais l’image qu’il laisse à chacune de ses étapes l’obsède. Il la veut immaculée. Hector veut plaire et y arrive très bien, mais la difficulté pour lui est de faire durer. Comment fonder un souvenir impérissable, une réputation éternelle ? Alors il s’acharne du premier jour où il emménage jusqu’au dernier, celui des adieux tus.

Le départ n’est jamais programmé, il s’invite et s’impose à chaque fois, malgré lui et grâce à lui. Hector se plaît à tout maîtriser et a appris à s’adapter aux pulsions de son âme et de son corps. Il vit avec. Quand elle arrive, la nécessité de tout quitter, il l’accueille avec bienveillance, ce serait vain de lutter, il n’a même jamais tenté de le faire. Ce n’est pas de la soumission mais de l’abnégation, ce qu’Hector considère comme une grande humilité. L’être humain doit apprendre à vivre avec ses envies, ses motivations conscientes ou non, palpables ou éphémères. S’accepter. Hector y est arrivé. Vivre l’imprévisible, c’est son quotidien. Quand l’imminence du départ frappe donc à sa porte, c’est d’un pas tranquille mais déterminé qu’il se l’approprie.

Ces jours-là sont des journées chargées mais son rituel est bien rôdé. Les premières fois, il a tâtonné, il lui aura fallu quelques ajustements et donc quelques années pour parvenir à un départ parfait. Aujourd’hui, il signera le douzième, il pourrait le réaliser les yeux fermés.

La priorité est de paraître normal, ne pas éveiller les soupçons. Un détail pour ce quadragénaire dont les capacités d’acteur ne sont plus à prouver. La journée, il doit s’occuper du côté administratif. Les déménagements sont toujours source de beaucoup de formalités, même pour un habitué. Une fois les dernières factures réglées, les coups de fil au travail et au propriétaire donnés, les lettres recommandées postées, il s’attaque au ménage dans les moindres recoins, les meublés doivent toujours être rendus dans un meilleur état qu’à l’arrivée, il y met un point d’honneur.

Le plus difficile est l’attente. Agir au crépuscule pour un maximum de discrétion. Alors c’est dans cette période creuse qu’il rumine, ressasse les moments qui vont devenir des souvenirs en écartant légèrement le rideau pour scruter les alentours. Oui il appréciait réellement Luc, un sacré voisin avec le cœur sur la main et une famille adorable. Mais il n’a pas vu grandir ses enfants. Pourquoi faut-il que le temps passe si vite. Elia n’était qu’une fillette quand il a fait leur connaissance. L’adolescence est trop vite arrivée et l’a grignotée. Le maquillage, les mini-jupes, les petits copains et la distance. Ce fossé qui se crée entre elle et l’entourage. Elle n’est plus la petite fille qu’on prend par la main pour traverser la route, qu’on porte sur ses genoux pour déguster une glace, qu’on fait tournoyer dans les airs pour déclencher des fous rires ou encore à qui on raconte des histoires juste pour rêver.

La nuit va bientôt tomber, il prépare sa sacoche : ses nouveaux papiers d’identité et vérifie l’adresse où récupérer sa voiture. Puis se décide à faire ses adieux, les vrais. Il retrouve Elia à l’abribus, là où elle attend ses amis comme tous les soirs et lui explique qu’il a besoin d’aide, qu’il ne peut en parler à personne et que c’est très urgent. La jeune fille, mi-lassée mi-intriguée accepte de le suivre.

— Depuis quand as-tu une voiture ? demande Elia en s’installant dans la BM grise.

— Je l’ai toujours eue, sourit Hector, mais je ne l’utilise que dans des cas d’urgence.

Puis il allume le poste. La radio diffuse « Who do we think we are » de Deep Purple.

— Tu aimes cette chanson Elia ?

— Mouais, ça passe. Mais dis, où est-ce qu’on va ? demande-t-elle en voyant Hector se diriger vers la sortie du village.

— Moi j’aime cette chanson, poursuit Hector, elle me rappelle une jeune fille que j’ai connue il y a quelques années. Isabelle. Elle s’appelait Isabelle et elle te ressemblait beaucoup, dit-il d’un ton calme et neutre en fixant les yeux d’Elia.

— Pourquoi tu me dis ça Hector ? T’as l’air bizarre je trouve, pourquoi tu me dis ça Hector ? T’as l’air bizarre je trouve, dit Elia en grimaçant du bout du nez. Qu’est-ce qui se passe ?

— Je te l’ai dit, j’ai besoin de toi, mais ne t’inquiète pas ce n’est pas très grave.

— Mais pourquoi n’attends-tu pas que les parents reviennent pour leur demander de l’aide ? Ils se débrouilleront sans doute mieux que moi.

— Tes parents vont rentrer tard ce soir comme à chaque fois qu’ils dînent chez les Iggles.

— Ah bon ? Ils sont chez les Iggles ? Je croyais qu’ils étaient en courses.

— Donc tu vois, ils rentreront trop tard pour te porter secours.

— Pour me porter secours ? Ce n’est pas moi qui ai un problème.

— Oui, rit, Hector, je voulais dire me porter secours, pardon.

— Bon et c’est quoi le problème alors ?

— Tu verras quand on sera arrivés.

— Et on arrive bientôt ? demande Elia d’un ton agacé. Ce n’est pas que je ne veux pas t’aider, tente-t-elle de s’excuser, mais je dois voir Bob ce soir et s’il ne me trouve pas quand il arrive à l’abribus, il va être furax. Bob est hyper jaloux.

— Bah tu lui expliqueras que tu étais en train de donner un coup de main à un ami de ton père et ça passera. Il ne va quand même pas être jaloux d’un vieux croûton comme moi, dit Hector d’un ton à se faire plaindre.

— Arrête Hector, t’es pas du tout un vieux croûton, Bob ne pense pas ça de toi.

— Et toi qu’est-ce que t’en penses ?

— Moi je pense que oui c’est vrai, Bob est jaloux pour un rien et il ne devrait pas tout le temps me prendre la tête avec ça surtout que c’est déjà arrivé une ou deux fois que je le voie…

— Non mais toi, la coupe Hector, tu penses aussi que je suis un vieux croûton ?

— Mais pas du tout Hector, et d’ailleurs je vais te dire, je trouve que bien que vous ayez à peu près le même âge toi et mes parents, tu fais beaucoup plus jeune qu’eux.

— Ah oui tu trouves ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Le physique ?

— Le physique aussi oui mais c’est surtout dans l’attitude, t’es beaucoup plus cool, décontracté. Mes parents passent leur temps à stresser pour tout et n’importe quoi et à nous mettre la pression à Tom et moi pour qu’on bosse bien en cours, qu’on fasse jamais de conneries… Ils sont pas free, tu vois, c’est ça qui me saoule. Toi par exemple je suis sûre que tu serais pas un père qui fait chier.

— Oh ne pense pas ça Elia. Tes parents remplissent très bien leur rôle et le font avec amour.

— Oui je sais ils m’aiment, et s’ils me font chier c’est pour mon bien, je l’entends tout le temps celle-là, réplique la jeune fille dans une moue boudeuse avant de marquer un temps d’arrêt. Pourquoi t’as pas d’enfants ? finit-elle par reprendre. Enfin je veux dire, qu’est-ce qu’il s’est passé pour que tu n’en aies pas ? T’en voulais pas ? Tu voulais pas devenir un parent con et chiant alors t’as préféré t’abstenir c’est ça ? plaisante-t-elle.

— Qui te dit que je n’en ai pas ? rétorque Hector d’un ton froid et un peu sec.

— Ah désolée, je voulais pas te vexer, j’en sais rien je ne t’ai jamais vu avec des enfants, j’avais juste cru que c’était pour la simple raison que tu n’en avais pas.

— Les apparences sont trompeuses n’est-ce pas ? Toi par exemple, j’aurais juré que tu portais une culotte ce soir et ben non. C’est encore pire que ce que j’imaginais.

Elia déglutit, se redresse sur son siège et prend soin de bien refermer les cuisses, puis mal à l’aise ausculte le rétroviseur passager où elle y croise les pupilles d’Hector brillantes et fières. Le regard de celui qui a gagné le bras de fer.

Elle soupire et baisse les yeux pour regarder ses pieds.

— Alors où allons-nous ? répète-t-elle, d’une voix assez forte pour ne pas perdre la face.

— Tu vas bientôt le savoir, petite curieuse.

— Oh j’men fous tu sais, moi je fais ça pour te rendre service.

Le silence reprend dans la voiture. Et la musique enchaîne avec Nirvana « Rape me ».

Hector change de station.

— Pourquoi tu coupes ? proteste Elia, j’adore cette chanson. Nirvana c’est excellent.

— C’est de la musique pour décérébrés écrite par des gens qui ont tout juste deux neurones dans le cerveau.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Non mais tu comprends les paroles ? Ils crient RAPE ME comme des sauvages. Viole-moi. Tu trouves que ça en jette toi ce genre de discours ?

— Ouais ben en fait t’es comme mes ramp’s, tout aussi ringards, bougonne Elia.

Bercé à présent par la douce voix de Barbara, Hector se plonge dans une écoute quasi religieuse de « Dis quand reviendras-tu ? » quand Elia l’interrompt.

— Comment tu sais que mes parents sont chez les Iggles ?

— J’ai croisé ton père ce matin, répond Hector naturellement sans la faire attendre.

— Et comment tu sais qu’ils rentrent toujours tard de chez les Iggles, tu les espionnes ? demande la jeune fille en gloussant. Je t’imagine bien accroupi à tes fenêtres en train de détailler toutes nos allées et venues, se moque-t-elle. On doit quand même bien s’emmerder quand on vit seul.

— C’est ton père qui me l’a dit.

— Ah bon, c’est bizarre, ce serait plus le genre de maman de raconter sa vie.

Sa mère, cette cruche, oui il aurait pu y penser aussi.

Elia boutonnait et déboutonnait sa veste en jean. C’était comme un tic quand elle s’impatientait. Elle faisait ça depuis qu’elle avait commencé à ronger ses ongles jusqu’au sang. Il lui fallait un autre exutoire.

Hector la lorgnait du coin de l’œil :

Si t’as chaud, tu peux enlever ta veste.

— Non ça va, c’est bon, dit Elia en se calfeutrant sous le jean.

— Sois pas ridicule, insiste Hector, il fait chaud et je suis sûre que tu seras bien plus à l’aise sans ce machin.

— Bah si tu le dis, approuve Elia plus par gêne que par accord en s’exécutant.

— Ah ben tu vois, moi en tout cas je te trouve nettement plus jolie comme ça.

Elia ne répond pas. Elle tire sur les bretelles de son débardeur pour amoindrir le décolleté qu’elle avait réservé à Bob.

— C’est important de bien présenter Elia tu sais. Il ne faut jamais se négliger.

L’adolescente pousse un timide soupir d’acquiescement.

— Ton apparence c’est ta carte d’identité, ton passeport vers la vie vers le monde, vers la société, poursuit Hector. Tu n’es rien si tu ne ressembles à rien. Il faut que tu soignes ton image.

— Mais je me soigne, répond-elle un peu offensée, je ne me laisse pas aller. Je me maquille, me parfume, porte des vêtements à la mode.

— Je ne te parle pas de ça petite sotte, s’énerve Hector en tapant sur le volant. Je parle des sensations que tu transmets par ton image. Des messages que tu portes, des signes que tu donnes. L’image est bien plus puissante que les mots. L’image prévaudra toujours sur l’âme.

Elia se raidit dans son siège, n’osant prendre la parole de crainte qu’Hector se remette en colère.

— On a de la chance, ça roule bien ce soir, déclare Hector quelques minutes plus tard, une fois la pression retombée.

— On va où ? demande encore une fois Elia d’un ton inquiet mais maîtrisé.

— Je ne sais pas. Où voudrais-tu aller toi ? l’interroge Hector.

— Je voudrais rentrer chez moi, lâche Elia, au bord des larmes.

— Ben alors Elia, dit Hector d’une voix douce et rassurante, tu n’es pas bien avec moi ?

— Si, non, pas vraiment en fait. Je ne comprends pas ce qu’on fait là.

— Ben on roule… et on discute aussi. Ça fait du bien de discuter, non Elia ? Tu n’aimes pas discuter ? Si tu veux grandir ton âme, il faut que quelqu’un te mette un peu de plomb dans la tête et visiblement ce ne sont pas tes deux abrutis de parents qui vont y parvenir.

— Mes abrutis de parents ? Mais tu disais tout à l’heure qu’ils étaient super.

— Oh tais-toi, tu ne comprends rien, c’est désespérant, assène-t-il.

Le tableau de bord s’éclaire. Le voyant d’essence clignote.

— On va s’arrêter mettre du carburant, déclare Hector en fronçant les sourcils.

— D’accord, dit Elia dont la nouvelle décrispe les traits.

Hector prend le premier carrefour et s’engage sur un petit chemin qui mène dans les bois.

— Où vas-tu ? demande Elia.

— Remettre de l’essence, je te l’ai dit.

— Mais il n’y a pas de station ici, proteste Elia.

Hector ne répond pas, gare la voiture et sort en appuyant sur la fermeture automatique des portières. Elle l’observe dans le rétroviseur central. Il ouvre le coffre et en sort un jerricane, puis fait le tour du véhicule pour remplir le réservoir. Elia tente discrètement de fouiller les poches de sa veste quand il frappe à la vitre. Elle se retourne et le voit affichant un grand sourire. Tu es trop curieuse, lui dit-il à travers le carreau en agitant son index droit comme s’il houspillait une enfant de cinq ans.

Il regagne ensuite sa place sans un mot et s’apprête à accrocher la ceinture de sécurité quand elle prend la parole.

— J’ai envie de faire pipi.

Hector reste immobile puis la regarde.

— Retiens-toi, on sera bientôt arrivés.

— Je ne peux pas, ça presse.

— Je vais t’accompagner, cède-t-il.

Il ressort et lui ouvre la portière, lui saisit le bras fermement et l’accompagne quelques mètres plus loin.

— Comment veux-tu que j’y arrive si tu ne me lâches pas le bras ? demande la jeune fille.

Hector soupire, la libère mais ne la quitte pas des yeux. Elia s’accroupit, l’herbe est humide et lui chatouille les chevilles. Elle hésite avant de relever sa jupe.

— S’il te plaît… tu peux te retourner ?

Hector soupire mais s’exécute.

Elia se relève d’un bond et s’enfuit. Il la poursuit aussitôt, la rattrape par les cheveux et la traîne jusqu’à la voiture.

— Espèce d’idiote, tu crois vraiment que j’allais te laisser te sauver ?

Elia sanglote et se prend la tête dans les genoux, recroquevillée sur le siège en cuir.

— Arrête de pleurnicher et assieds-toi correctement.

Elle obéit. Hector démarre et reprend la nationale.

— Pourquoi tu me fais ça, dit-elle sans relever la tête toujours en pleurant. Qu’est-ce que je t’ai fait ?

— Tu ne m’as rien fait. T’es comme toutes les autres tout simplement. Une petite garce écervelée qui se croit au-dessus du lot.

— Mais de quoi tu parles ?

— Je parle de toi, de ta tenue, de ton attitude. T’es exactement comme elle. Tu penses que tu peux écraser tout le monde.

— Je suis comme qui ?

— Comme elle et comme toutes les autres avant toi. Je me suis fait avoir une fois, pas deux.

— Mais moi je ne t’ai rien fait.

— Tu payes pour elle, c’est la règle.

— Qui elle ?

— Isabelle.

— Qui c’est Isabelle ?

— Isabelle était mon amie et elle m’a trahi, humilié.

Hector marque une pause puis reprend.

— On s’était promis de passer notre vie ensemble. On était des gosses. Elle était tout pour moi et j’étais tout pour elle. Mais on a grandi et elle a changé. Elle n’a pas tenu ses promesses. Elle est devenue comme toutes les autres, hautaine et insensible. Puis elle m’a rayé de sa vie du jour au lendemain.

— Mais moi je ne suis pas comme ça, proteste Elia. Cette Isabelle t’a fait un sale coup, c’est à elle que tu dois t’en prendre.

— Tais-toi ! Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire. Ferme-la !

Le silence s’installe et le vrombissement du moteur permet d’installer une certaine distance entre Hector et sa prisonnière.

— Mes parents vont me chercher. Ils doivent s’inquiéter de ne pas me voir rentrer.

— Je me suis occupé de tout.

— Comment ça, qu’est-ce que ça veut dire ?

— Tes parents pensent que tu passes la nuit chez Suzette.

— Mais comment c’est possible ? C’est toi qui leur as dit ça ? Ils n’ont pas pu te croire.

— Ne t’occupe pas de ça, ça ne te servirait à rien de le savoir.

Hector lui tend un mouchoir.

— Essuie-toi, tu as des traces de rimmel sur les joues, c’est dégoûtant.

Elia salive sur le morceau de papier avant de le tamponner sur son visage.

— Dégoûtante, tu es vraiment dégoûtante, s’indigne Hector, en lui retirant le papier des mains. Tu n’as vraiment aucun respect, ni pour toi, ni pour personne, poursuit-il, en le jetant en boule par la vitre.

Elia s’excuse et promet de faire attention.

— C’est trop tard Elia… trop tard pour tout, déclare-t-il

— Mais non, se reprend-elle, on peut tout arrêter. Et tout oublier. Je te promets que je ne dirai rien à personne, que je ne te trahirai jamais.

— Et pourquoi je ferais ça ? Pourquoi je te ferais confiance ?

— Parce que je t’aime bien Hector, sincèrement. Je sais que tu es quelqu’un de super et que tu ne peux pas faire de mal. Et puis pense à tes enfants aussi.

— Tais-toi ! Ne me parle pas d’eux, tu vas les salir.

— Qu’est-ce qu’ils penseraient s’ils savaient ce que tu me fais ? poursuit Elia.

— Tais-toi je te dis, ordonne Hector. Mes enfants n’ont rien à voir dans tout ça.

— Quel âge ont-ils ? Garçon, fille ? insiste Elia.

— Ça ne te regarde pas. Tais-toi.

— Imagine si quelqu’un leur faisait du mal, comment tu réagirais ? Si ça se trouve, j’ai le même âge qu’eux.

Hector freine brusquement ce qui pousse Elia violemment contre le tableau de bord.

— C’est la dernière fois que je te le répète. Tu ne me parles plus de ça, dit-il en la fusillant du regard.

Elia fixe le trajet et ils continuent de rouler pendant une bonne heure.

— Ici, ce sera parfait, déclare-t-il avant d’arrêter le véhicule aux abords d’une clairière.

Il s’équipe d’une lampe frontale avant de sortir de la voiture et d’en verrouiller les portières.

Elia l’observe dans le rétroviseur. Hector sort une pelle du coffre et s’éloigne.

Quand il revient au bout d’une grosse demi-heure, il la tire par le bras. Elle s’oppose, ne veut pas le suivre.

— Ne rends pas les choses plus difficiles qu’elles ne le sont, demande-t-il d’une voix calme. Laisse-toi faire.

— Non, je t’en supplie, implore Elia, ne me fais pas de mal.

— Dépêche-toi et ne discute pas, ordonne Hector. Tu es pathétique à gémir ainsi. Je déteste ça.

Elia le suit, ses jambes s’effondrent. Il la soutient pour la transporter jusqu’au caveau. À quatre pattes par terre, elle crie et le supplie de la laisser en vie.  Hector l’assomme d’un coup de pelle sur le crâne puis s’acharne en multipliant les coups jusqu’à lui enlever la vie avant de la faire rouler dans le trou. Il lui faudra une heure pour tout reboucher. Une nouvelle page de sa vie se tourne. Tout ce qui compte pour lui maintenant, c’est de repartir de zéro.

 

 

 

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Commentaires

barzoï (manquant)
l'etenel recommencement

Quand Escampette y va, elle y va et c’est bien. Par contre, ça manque de relecture et tout au présent, c’est difficile, mais c’est bien d’avoir osé, le style est un peu hachuré en fait à mon humble avis il faut peaufiner la fluidité en tous les cas, je salue la performance.

luluberlu
Portrait de luluberlu
Contradictions :« Le cœur

Contradictions :
« Le cœur toujours broyé, à chacun de ses départs. »
« Quand elle arrive, la nécessité de tout quitter, il l’accueille avec bienveillance, ce serait vain de lutter, il n’a même jamais tenté de le faire. »

La piste : « celui des adieux tus. »

Répétition : « Pourquoi tu me dis ça Hector ? T’as l’air bizarre je trouve, Pourquoi tu me dis ça Hector ? T’as l’air bizarre je trouve, »

 

Dialogue apprêté ici : « Mais pourquoi n’attends-tu pas que les parents reviennent pour leur demander de l’aide ? » Un truc plus direct aurait mieux convenu si je me réfère à ce qui précède et suit.

À partir de : « Elia boutonnait et déboutonnait sa veste en jean. C’était comme un tic quand elle s’impatientait... » le temps utilisé me semble inapproprié.

Curieuse tournure : « Bah si tu le dis, approuve Elia plus par gêne que par accord en s’exécutant. »

Après, ça traîne en longueur. La fin est téléphonée (depuis un bout de temps). Merci pour la communication (prix d’un appel local). Des pbs de ponctuation également.

 

 

plume bernache
angoisse

Au début, cet Hector est bien sympathique.

Peu à peu s'installe le doute : tous ces déménagements, 12 quand même, dont il ne décide pas de la date et qu'il organise en suivant un rituel. " Le départ n'est jamais programmé ……qu'il se l'approprie" : J'ai trouvé ce passage " psychologiquement" très réussi.
Puis le trouble (l'évocation de la fillette devenue ado trop vite)
le soupçon (la chanson qui lui rappelle une "Isabelle")
et au fil du dialogue avec la fillette qui commence à comprendre puis à angoisser (moi aussi !) , on a  la certitude que rien ne pourra arrêter le processus.
On espère un retournement de situation …et puis non, l'inexorable arrive, nous laissant le cœur serré ! Désolés de n'avoir rien pù faire pour l'arrêter, tellement on était entrés dans l'histoire. (moi du moins !)..
Mais c'est la règle du roman noir et c'est réussi. Bravo.

 

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