Accueil

Arsène adorait la pluie. Il passait ses journées derrière les carreaux à cerner la moindre petite goutte. C’était là sa seule raison de sortir. Petite bruine ou grand déluge, il se régalait. Mais ce que le petit garçon appréciait par-dessus tout, c’était les parapluies. Il en possédait sept, un pour chaque jour de la semaine. De toutes les couleurs. Arsène adorait le son des gouttes sur la toile tendue. Le flic-floc qui chantait.

Un jeudi en fin de matinée, un jeudi sans école, le petit garçon était posté depuis 7 h à la fenêtre de sa chambre quand il aperçut les premières gouttes tomber. Il dévala les escaliers et demanda à sa mère l’autorisation d’aller se promener. Il chaussa ses bottes en caoutchouc et choisit le parapluie du jeudi : le bleu avec les rayures jaunes. Il n’avait encore jamais eu l’occasion de l’essayer. Sa mère l’avait dégoté dans une brocante pour compléter sa collection. Arsène espérait qu’il prendrait des teintes vertes, comme celui du samedi, qui, quand il pleut très fort mélange ses pois rouges au fond bleu pour devenir violet.

Il commença à onduler le long des trottoirs en se concentrant sur la mélodie de la bruine. Puis il sautilla au rythme des gouttes qui s’accélérait, quand une belle bourrasque apporta une bonne rasée. Alors, il se mit à courir jusque dans les champs. Là-bas, rien ne retenait le temps : pas de maisons, pas d’immeubles, c’était l’idéal. Et en plus les flaques du chemin de terre commençaient à se remplir.

Arrivé à l’aube du sentier, il reprit son souffle et rit. Il était heureux. Avec ce temps, il avait le monde pour lui, pas un badaud à l’horizon. Il fit tourner son parapluie dans un sens, dans un autre, puis de plus en plus vite en accélérant le pas et en courant le plus vite possible jusqu’à ce qu’il décolle d’un petit bond. Il renouvela l’expérience une, puis deux fois et à la troisième, il s’envola pour de bon. Le bras tendu il battit de son autre main et de ses pieds pour prendre de la hauteur. Il poursuivit son ascension jusqu’à dépasser les nuages et surplomber la tempête.

Là-haut, des éclaircies. Un beau ciel bleu où le soleil s’était caché. Arsène virevoltait d’un tour de main à gauche puis à droite, sans jamais discontinuer de battre la mesure avec ses pieds sans quoi, il perdait de l’altitude. Les efforts étaient enveloppés comme dans du coton. Un battement de pied suffisait à le propulser sur quelques hauteurs de nuages.

Plus haut encore, il croisa quelques oiseaux, ceux qui n’aiment pas la grisaille. Il tenta de s’approcher d’eux doucement pour ne pas les effrayer. Au départ, le fait de ralentir ses mouvements le faisait redescendre puis il comprit rapidement la technique. Ses mouvements de poignet devaient toujours rester réguliers. Alors il put les suivre, voler avec eux, tout en gardant une certaine distance pour apprendre à bien faire. Il les suivit ainsi plus d’une heure. De quelques oiseaux ils avaient fini par centaines, s’accrochant à chaque rencontre à un nouveau groupe, voletant de nuages en nuages. Arsène se sentait puissant, porté par cette toile noire et grise qui dessinait le ciel.

Fatigué, il quitta le groupe, doucement, ralentissant encore le rythme pour venir se poser sur un nuage. Il s’assit et découvrit là le coussin le plus moelleux du monde. Le flottement de ses jambes dans le vide lui donnait le vertige. Une impression de toit du monde. Il resta là à admirer la plaine de longues heures jusqu’à ce que son petit siège de coton s’évapore.

La fin de la balade avait sonné. Arsène redescendit avec prudence. Quand ses pieds touchèrent le sol, ses jambes se plièrent sous son poids. Il se redressa, lança un long regard rêveur au ciel, à présent dégagé, puis reprit le chemin de la maison, à tout petits pas, la tête vide et pleine de bonheur à la fois.

De retour à la maison, il déposa son parapluie dans l’entrée. Non il n’était pas devenu vert, répondit-il juste à sa maman avant de monter dans sa chambre et de s’affaler sur son lit, la tête encore dans les nuages

5.34
Votre vote : Aucun(e) Moyenne : 5.3 (3 votes)

Commentaires

luluberlu
Portrait de luluberlu
Lecture partielle très

Lecture partielle très critique. Dommage... parce que l'histoire méritait mieux :

1) il aperçut les premières gouttes tomber. « tomber » est inutile. Il y a peu de chances pour qu’elles fassent le chemin inverse sous cette forme.

2) Arsène espérait qu’il prendrait des teintes vertes, comme celui du samedi, qui, quand il pleut très fort mélange ses pois rouges au fond bleu pour devenir violet.

3) excès de virgules nuit (bien qu’il fasse jour) et qui quand n’est pas très heureux : Arsène espérait qu’il prendrait des teintes vertes comme celui du samedi ; quand il pleut très fort il mélange ses pois rouges au fond bleu pour devenir violet.
Itou : Puis il sautilla au rythme des gouttes qui s’accélérait, quand une belle bourrasque apporta une bonne rasée.
à la troisième, il s’envola : virgule.
Le bras tendu il battit : et là, elle manque.

4) Et en plus les flaques du chemin de terre commençaient à se remplir. Une phrase un peu curieuse : chemin de terre, pour quoi pas chemin tout simplement.

5) de plus en plus vite en accélérant le pas et en courant le plus vite possible : vite vite.

6) il : 32. N’est-ce pas un peu excessif ? exemple :
Il fit tourner son parapluie dans un sens, dans un autre, puis de plus en plus vite en accélérant le pas et en courant le plus vite possible jusqu’à ce qu’il décolle d’un petit bond. Il renouvela l’expérience une, puis deux fois et à la troisième, il s’envola pour de bon.
Il fit tourner son parapluie dans un sens, dans un autre, puis de plus en plus vite en accélérant le pas et en courant le plus vite possible jusqu’à ce qu’il décolle d’un petit bond, renouvela l’expérience une, puis deux fois et à la troisième s’envola pour de bon.

 

plume bernache
belle balade

 

 Quelle belle balade, en parapluie, en poésie, en rêve et en enfance (mais pas de date de péremption pour l'enfance…ce serait trop triste !)

Croisic
Le titre est génial,

le texte me donne raison : ne pas quitter l'enfance surtout !!!

Merci.

barzoï (manquant)
Une ballade en parapluie.

Je dois certainement avoir moins de douze ans car j’ai adoré cette nouvelle à la poésie palpable qui révèle un goût profond de liberté, d’osmose et de magie, ce qui me semble être une des définitions parfaites de la poésie. J’ai longtemps habité ce monde (j’y habite toujours) où Dieu merci il n’y a aucune Marie Poppins mais ou il y a en vrai, le goût sensuel de la vie et des parapluies qui changent de couleur.

Le style est addictif, plaisant, enveloppant ; l’écriture coule renforçant la sensation de coocooning que procure le sentiment de liberté jouissive que l’on s’octroie lorsqu’on se croit seul avec soi complètement happé par la terre, l’air, le ciel, les éléments, la vie.

 J’adore, et je relis.

Merci pour la communion, désolée de vous quitter, les nuages m’appellent, je m’envole, je m’assois, je regarde d’en haut, je m’envole encore plus haut.

Manuella
Portrait de Manuella
Un rêve sous la pluie tout à

Un rêve sous la pluie tout à fait raffraichissant !

 

Un adepte de Marie Poppins ?wink

enlightened

Vous devez vous connecter pour poster des commentaires