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Un matin d'ombres humides, tranquille, une journée sur le départ…

Un trottoir encore luisant, nuages orangés par l'aurore. Il perle une fine bruine, et pas après pas, il se réveille un peu plus.

Sous son galure poisseux, en prenant tout son temps, la cigarette éteinte aux commissures des lèvres, il avance dans la demi-clarté du jour naissant.

 

Le papier humide – saturation d'eau dans l'air – flanche légèrement, et le tube cancérigène s'incurve vers le trottoir.

Il frissonne.

 

Trois jours qu'il la balade, cette sèche-là.

Cette fois, elle est au bout.

Au bout de son rouleau.

Fin de vie liquéfiée pour un pauvre palliatif.

 

Depuis un mois qu'il a arrêté, c'est la dix-huitième.

La dix-huitième non allumée qui meurt de simple usure. D'une chiquenaude, il envoie valser la cibiche.

Au milieu de la route.

Au passage d'un bus, aveugle et sans pitié.

Écrasée entre bitume et caoutchouc : une façon bien étrange de partir en fumée.

 

Nathan enfonce les poings, loin dans ses poches. Il continue à fendre le crachin. Les ombres projetées éclaboussent les façades malsaines. À l'heure où les réverbères s'éteignent, une légère odeur de pain cuit se mêle à celle des poubelles.

La ville est en réveil.

Nathan est en éveil.

 

 

~∞∞∞∞∞~

 

 

Le jour commence à peine, mais il a quelques difficultés à s'installer : la lune a brillé et la froidure s'accroche encore ; il en reste quelques reflets brillants aux fenêtres.

Dans la semi-pénombre, un staccato résonne, talons hauts sur trottoir hivernal.

La jupe est fendue, les jambes sont gantées d'élasthanne gris sombre. Éclat blanc d'un chemisier, tailleur déboutonné : une perle grise se presse dans la matinée qui s'installe encore.

 

 

~∞∞∞∞∞~

 

 

Mécaniquement, Nathan la suit des yeux. Ses mains plongent dans sa blague, il s’en roule une, bien fine et bien serrée, juste comme il les aimait autrefois.

Son pouce roule sur la molette, la flamme brille.

La cigarette crépite un peu…

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Commentaires

barzoi (manquant)
la tentation

Un vrai plaisir, j'ai adoré ce texte.

Shanne
S'arrêter de fumer n'est pas

S'arrêter de fumer n'est pas une mince affaire: on essaie de s'enlever un plaisir qui peut devenir un déplaisir ( Plaisir: fumer, déplaisir: mourir )

Là, dans cette nouvelle, Cette lutte entre l'instinct de vie et de mort est constante.

   -Au bout du rouleau: la cigarette un peu comme l'homme

   -Ecrasée entre bitume et caoutchouc, une façon de partir en fumée ( Mort de la la cigarette ou mort du fumeur sans cigarette )

   -L'odeur du pain cuit se mêle à celle des poubelles ( pain= vie, poubelle= mort )

Nathan a l'impression d'être en survie... et là, il croise une perle grise ( ni noire comme la mort, ni blanche comme la vie )

Trop, c'est trop, il faut faire briller cette flamme.

Cette flamme n'est-elle pas la vie ?

Merci pour ce partage.

incognito
Parallèle entre sevrage

Parallèle entre sevrage nicotinique et sexuel.

Parallèle entre cigarette et verge aussi, je suppose ("[...] flanche légèrement, et le tube cancérigène s'incurve vers le trottoir.")

C'est court, c'est léger, ça se mange sans faim, mais sera sans doute oublié dès le prochain repas.

Ce n'est ni vraiment bien ni vraiment pas bien. Léger, quoi.

Greg (manquant)
Si j'ai bien compris, Nathan

Si j'ai bien compris, Nathan s'fait plus d'meufs et fument des cigarettes à la place, ou plutôt fait semblant jusqu'à ce qu'une jolie nana lui rallume le désir. Bon. Quoi d'autre ?

Point positif : certains écarts de langage comme orangés... par l'aurore, ou jambes... gantées, plonger dans sa blague, et un mot d'argot que je ne connaissais pas : galure. Aux commissures des lèvres : pas la peine, aux lèvres suffit.

luluberlu
Portrait de luluberlu
J'aime bien cette ambiance

J'aime bien cette ambiance qui s'installe peu à peu. Un texte un peu trop bref (ou trop fin et trop serré). Je ne sais pas s'il fera un tabac, mais il est plaisant à lire.

 

Publication : oui.

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